Dans un contexte régional marqué par la réorganisation de l’État islamique au Sahel sous un nouveau leadership, le Maroc multiplie les opérations de démantèlement des cellules affiliées au groupe terroriste, démontrant son rôle crucial dans la stabilité sécuritaire de la région. Ces interventions révèlent l’ampleur d’une menace en mutation et l’expertise croissante des services marocains dans la lutte antiterroriste.
Le Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ) marocain enchaine les succès opérationnels contre les réseaux terroristes, portant un coup sévère aux ambitions de l’État islamique dans la région. La dernière série d’opérations menées par les services de sécurité marocains s’inscrit dans un contexte où l’État islamique au Sahel (EIS) connaît une profonde transformation. Parti d’une modeste présence en 2015, le groupe s’est progressivement structuré jusqu’à devenir une province à part entière de l’organisation terroriste en 2022 suite à une série d’exactions contre les populations civiles dans l’est malien.
Depuis la mort de son chef historique, Adnan Abu Walid al Sahraoui, tué lors d’une opération de l’armée française en août 2021, l’organisation a entamé une mutation stratégique sous la direction d’Abou al Bara al Sahraoui. Ce nouveau leader impulse une approche différente, privilégiant l’administration des territoires plutôt que la seule expansion militaire. Cette évolution inquiète particulièrement les services de sécurité marocains, qui y voient une tentative d’ancrage territorial durable menaçant et la sécurité des Etats sahéliens et celle du Royaume chérifien.
L’opération la plus significative menée récemment par le BCIJ a concerné le démantèlement d’une cellule à Had Soualem, dans la région de Casablanca-Settat, où quatre individus affiliés à l’EI ont été arrêtés. Baptisée « Cellule des Trois Frères », cette organisation clandestine, composée de trois frères et d’un complice, préparait des attentats visant des installations sécuritaires et des lieux fréquentés par des civils. Les perquisitions ont révélé un arsenal inquiétant : des bouteilles de gaz modifiées, remplies de clous et de substances chimiques, reliées à des téléphones portables pour une détonation à distance.
La dimension transnationale de la menace s’est particulièrement illustrée lors d’une opération conjointe avec les autorités espagnoles, aboutissant à l’arrestation de neuf individus entre le Maroc et l’Espagne. Cette collaboration a permis de démanteler un réseau opérant à Tétouan et F’nideq du côté marocain, ainsi qu’à Madrid, Ibiza et Sebta côté espagnol. Les investigations ont mis en lumière les liens profonds entre ces cellules et l’organisation terroriste au Sahel, où plusieurs suspects projetaient de rejoindre des camps d’entraînement après avoir commis des attentats au Maroc.
L’expertise des services marocains s’est également manifestée dans la découverte d’une base logistique dissimulée dans une zone montagneuse de la province d’Errachidia. Cette cache, située dans un terrain accidenté sur la rive est de l’oued Guir, servait au stockage d’armes et de munitions. Son démantèlement a nécessité le déploiement d’équipements spécialisés et l’intervention d’unités cynotechniques expertes en détection d’explosifs.
Les chiffres témoignent de l’ampleur de la menace : depuis 2022, plus de 40 cellules terroristes liées à Al-Qaïda ou à l’État islamique ont été démantelées au Maroc, tandis que 130 extrémistes marocains ont rejoint des foyers jihadistes en Somalie et au Sahel. Face à ces défis, le royaume renforce ses partenariats sécuritaires internationaux. Le Département d’État américain a d’ailleurs récemment salué le Maroc comme un « partenaire essentiel » dans la lutte contre le terrorisme.
Cette mobilisation s’intensifie alors que le Maroc se prépare à accueillir deux événements sportifs majeurs : la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030. Les autorités redoublent d’efforts pour sécuriser le territoire, combinant technologies avancées, renforcement des forces de sécurité et coopération internationale. Le royaume poursuit ainsi sa mission de rempart contre la menace jihadiste en Afrique du Nord, consolidant son rôle de garant de la stabilité régionale face à un État islamique en pleine mutation stratégique.
AC/Sf/APA