Alors que plusieurs coalitions de l’opposition rêvent d’une cohabitation, le parti Pastef a pris le risque d’aller seul aux élections législatives anticipées de dimanche prochain, sept mois après son arrivée au pouvoir, avec un contrat de législature basé sur le « Projet de transformation systémique » proposé aux Sénégalais.
Le parti « Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité » (Pastef), a décidé d’aller solo à l’élection, en visant la majorité parlementaire. En septembre dernier, son président, l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko avait informé ses alliés de la coalition Diomaye Président que son parti, fondé il y a dix ans, se présenterait seul au scrutin législatif anticipé du 17 novembre. Cette décision avait surpris plus d’un au sein de la coalition qui a porté au pouvoir le président Bassirou Diomaye Faye, désigné par Sonko, leader charismatique et très populaire de la scène politique sénégalaise.
Le pari est qualifié de risqué par plusieurs analystes et observateurs, puisque la plupart des élections présidentielles et législatives remportées ces dernières années l’ont été sous la bannière de coalitions de partis. Toutefois, le Pastef et sa tête de liste se disent confiants dans leur force politique. Soutenus par plusieurs responsables de l’ancien régime, notamment dans les zones rurales, ils sont convaincus de leur capacité à obtenir une majorité dimanche prochain pour enclencher l’agenda de transformation nationale de la Vision Sénégal 2050, le nouveau référentiel des politiques publiques présenté mi-octobre.
Ousmane Sonko a axé sa campagne, qui s’achève ce vendredi, sur ce référentiel. Il a parcouru pratiquement tout le pays pour expliquer sa vision d’un développement inclusif du Sénégal, articulée autour de huit Pôles territoriaux (Dakar, Thiès, Centre, Sud, Sud-Est, Nord-Est, Nord, Diourbel-Louga) à la place des quatorze régions administratives actuelles. Ce programme ambitieux, dont la première phase s’étend jusqu’en 2029, nécessite un financement de plus de 18 000 milliards de francs CFA. Il vise à développer un secteur privé fort, capable de transformer les ressources naturelles de chaque localité et de créer des millions d’emplois.
Un scrutin, mille enjeux !
Mercredi, lors d’un meeting dans la banlieue dakaroise, le leader de Pastef a expliqué que le Pôle de Dakar serait transformé en un « hub culturel, scientifique et touristique » pour rééquilibrer la part économique de la région, aujourd’hui estimée à 46% de la richesse nationale, à hauteur de 29%. « Dakar représente seulement 0,05% du territoire national », a-t-il souligné.
Le pôle de Thiès se concentrera sur l’extraction minière et l’agro-industrie, tandis que le pôle Sud-Est deviendra un bassin économique diversifié. Quant au pôle Diourbel-Louga, il ambitionne de devenir un centre industriel et urbain majeur, tout en valorisant son patrimoine religieux. Enfin, le Nord jouera un rôle clé dans la souveraineté alimentaire du pays, en développant un secteur agro-industriel compétitif, a expliqué Ousmane Sonko, accompagné de ses partisans auxquels il demande une « majorité écrasante » au parlement pour mettre en œuvre le programme ayant porté Bassirou Diomaye Faye à la présidence.
« Au mois de mars dernier, vous nous avez choisis avec 54% des suffrages dès le premier tour de la présidentielle. Il faut maintenant nous donner une majorité écrasante à l’Assemblée nationale le 17 novembre. Vous avez ici l’opportunité de renforcer la crédibilité du Sénégal aussi bien à l’international que dans le pays », a-t-il déclaré à ses partisans lors d’un meeting de fundraising organisé dans la salle de basket Dakar Arena, à Diamniadio, pleine à craquer.
Face à lui, l’opposition a accepté de coordonner ses forces dans certaines circonscriptions malgré la pluralité de listes proposées. Ousmane Sonko devra notamment affronter l’ex-président Macky Sall, le maire de Dakar Barthélémy Dias et l’ancien Premier ministre Amadou Ba, qui dirigent tous des listes, mais ont convenu, malgré leurs désaccords, de soutenir la liste de l’opposition la plus forte dans chaque localité.
Pour Ousmane Sonko, l’enjeu dépasse les législatives. Il s’agit aussi d’écarter la vieille classe politique, qu’il accuse d’avoir freiné le développement du Sénégal depuis 1960. En cas de majorité au parlement, Pastef, qui envisage d’obtenir pas moins de 150 députés sur les 165 sièges de l’Assemblée nationale, promet de s’attaquer dès les premiers mois de la quinzième législature à l’abrogation de la loi d’amnistie relative aux violences politiques ayant causé la mort de plus de 80 personnes entre 2021 et 2024. Il s’engage également à poursuivre les dignitaires de l’ancien régime accusés de détournement de fonds publics en mettant en place la Haute Cour de justice.
ODL/Sf/te/APA