La Maison d’édition Présence Africaine, qui célèbre du 26 au 27 octobre 2019 à Paris (France) son 70e anniversaire, a abattu un travail colossal en vulgarisant à l’échelle planétaire « les valeurs de l’homme noir », s’est félicité Alioune Badara Bèye, le président de l’Association des écrivains du Sénégal, dans un entretien avec APA.
« Au moment où la France avait ses écrivains, il fallait une autre ouverture pour les littérateurs noirs. Nous devons beaucoup à Alioune Diop, cet homme de lettres. Car la naissance de Présence Africaine a énormément contribué à l’exhumation des valeurs de l’homme noir », a indiqué Alioune Badara Bèye.
En 1949, deux ans seulement après la création de la revue Présence Africaine, Alioune Diop met sur pied la maison d’édition éponyme. Son but est « de fournir aux penseurs, écrivains et chercheurs d’Afrique et de la diaspora, un espace de création et une caisse de résonance permettant à leurs productions littéraires et scientifiques, de connaître de meilleures conditions de diffusion et d’accessibilité à travers le monde ».
Dans un entretien accordé à Radio France Internationale (RFI), Yandé Christiane Diop, veuve d’Alioune Diop, se souvient qu’ « au fond, nous (les Noirs) étions niés. On n’existait pas ». Présence Africaine a donc activement participé à la libération des peuples noirs et de leurs pensées.
Agée de 94 ans, Yandé est toujours la gardienne de l’immense héritage légué par son défunt mari dont le nom a été attribué à l’Université de Bambey (centre du Sénégal).
Dans cette exaltante mission, elle peut notamment compter sur le dévouement de sa fille Marie-Aïda Diop Wane.
Cette dernière souligne, sur RFI, que « ça a été très difficile (pour son père) de faire admettre certaines thèses comme celles de Cheikh Anta Diop qui, à ce jour, sont encore contestées. (Mon papa) s’était battu puisqu’il a fait imprimer sa thèse qui avait été refusée, même par la Sorbonne ».
Selon M. Bèye, auteur de l’ouvrage Nder en flammes, « Alioune Diop, ce brillant intellectuel ayant œuvré pour le rassemblement du monde noir, est une fierté. Et c’est très heureux que ses héritiers, 70 ans après, puissent maintenir le flambeau ».
Pour que ce legs perdure sans coup férir, Marie Kattié, petite-fille d’Alioune Diop, chargée de communication de Présence Africaine, exhorte les jeunes particulièrement à s’intéresser à la littérature ancienne et contemporaine.
A l’avènement de Présence Africaine, presque toute l’Afrique était sous le joug colonial. Mais aujourd’hui, de nouveaux défis se présentent à cette maison d’édition : « Ce sont les sujets liés entre autres au climat, à la démocratie, aux libertés individuelles, au développement économique, à la géopolitique et aux conflits interafricains. Ces thèmes doivent être traités par les hommes de lettres qui sont des témoins de leur temps », analyse le président de l’Association des écrivains du Sénégal.
En soixante-dix ans d’existence, Présence Africaine a édité une ribambelle de livres dont « Sous l’orage » du Malien Seydou Badian, « Un nègre à Paris » de l’Ivoirien Bernard Dadié, « Le pleurer-rire » du Congolais Henri Lopes, « La préférence nationale » de la Sénégalaise Fatou Diome et « Le cercle des tropiques » du Guinéen Alioum Fantouré.
Alioune Diop, né le 10 janvier 1910 à Saint-Louis (nord), a effectué ses études primaires à Dagana (nord) puis secondaires dans sa ville natale. Il part en Algérie (1936-1937) pour y entamer une formation en Lettres classiques qu’il terminera à la Sorbonne (France). Après avoir enseigné dans plusieurs villes de l’Hexagone, cet ancien sénateur de la quatrième République française décède le 2 mai 1980 à Paris.
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