A Addis-Abeba, en Éthiopie, où se tient le 33e sommet de l’Union Africaine (UA), le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Tahar Sayala plaide une implication renforcée des Africains dans le règlement de la crise que traverse son pays.
« C’est le règlement, c’est le règlement. Je ne me suis pas retiré et je n’ai pas été expulsé non plus », insiste le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Tahar Sayala, venu plaider la cause de son gouvernement devant le Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine (UA) ce samedi à Addis-Abeba, quelques heures avant l’ouverture du 33e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation panafricaine prévu dimanche 9 et lundi 10 février dans la capitale éthiopienne.
« Même au Conseil de sécurité des Nations Unies, cela se passe ainsi. Une fois que tu transmets ton message, tu dois quitter la salle et laisser les autres débattre. C’est juste une procédure administrative », se défend le chef de la diplomatie libyenne.
Il écarte ainsi l’idée que son geste puisse être lié à la présence dans la salle d’Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’Etat égyptien, président sortant de l’UA. Ce dernier est un soutien actif du maréchal Khalifa Haftar qui conteste la légitimité du gouvernement du Premier ministre Fayez al-Sarraj dont Sayala est membre.
À la tête d’une Armée Nationale Libyenne (ANL) autoproclamée basée à Benghazi, dans l’est du pays, et soutenue par l’Egypte, les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, Haftar contrôle une grande partie de la Libye. D’ailleurs, ses troupes se trouvent, depuis avril dernier, aux portes de Tripoli, la capitale.
Une trêve est entrée en vigueur le 13 janvier dernier. Elle a été négociée par la Russie qui, malgré ses dénégations, est soupçonnée d’appuyer les troupes de Haftar et la Turquie qui soutient ouvertement le gouvernement d’accord national (GNA) de Fayez al-Sarraj reconnu par les Nations Unies.
Une conférence internationale, réunissant onze pays concernés par le conflit libyen, s’est tenue à Berlin (Allemagne) le 19 janvier dernier. Elle a débouché sur une demande de l’arrêt de toute ingérence dans les affaires libyennes et le respect de l’embargo sur les armes décidés par l’Onu en Libye.
Une réunion entre les représentants militaires des deux camps s’est tenue mardi 4 février à Genève (Suisse) et a abouti à la transformation de la trêve négociée par Moscou et Ankara en cessez-le-feu.
« Mon gouvernement appuie toutes ces initiatives. La rencontre de Genève est la première du genre où nos officiers et ceux du camp adverse se rencontrent. Elle a failli capoter à cause des réticences de Haftar. La réunion devait initialement se tenir le 28 janvier mais ses officiers n’étaient pas venus. Il a fallu de fortes pressions de la communauté internationale pour que Haftar se décide finalement à envoyer ses représentants », a renseigné Mohamed Tahar Sayala.
Poursuivant, le chef de la diplomatie de Tripoli soutient : « Même si les réunions se faisaient séparément, je peux dire que c’est un premier pas intéressant qui pourrait aboutir à quelque chose de plus important et décisif sur le terrain. Mais pour cela, il faudrait que Haftar et ses soutiens ne sabotent pas tout. Si la communauté internationale veut sérieusement aider les Libyens à régler le conflit, elle doit aussi faire pression pour faire cesser les ingérences étrangères dans le conflit libyen ».
A supposer que sa requête soit entendue, que faire du cas de la Turquie dont le soutien à l’un des camps est ouvertement assumé aussi bien à Ankara qu’à Tripoli ?
« La Turquie est intervenue en Libye sur demande officielle du gouvernement légal du pays. Nous avons signé un mémorandum d’entente qui implique un volet militaire et une coopération en matière de défense. C’est dans ce cadre que les Turcs nous appuient », précise le ministre libyen des Affaires étrangères.
En outre, il s’insurge contre l’immixtion de certaines puissances étrangères : « Parmi les pays qui soutiennent Haftar, certains nient leur implication et d’autres ne l’ont reconnue qu’après avoir été pris en flagrant délit comme la France. Elle n’a admis son implication qu’après la destruction d’un de ses hélicoptères et la mort de ses soldats qui combattaient aux côtés des troupes de Haftar ».
Dans un souci de trouver une solution à la crise, M. Sayala propose une solidarité continentale. « La Libye est un pays africain. Son instabilité concerne tout le continent. Cette crise ne peut pas laisser indifférents nos voisins. Si elle n’est pas réglée, elle risque de déborder chez eux », indique-t-il.
Partant de là, il estime que « les Africains doivent s’impliquer dans la recherche d’une solution à la crise libyenne. L’Union Africaine doit jouer un rôle plus actif. Elle en a les capacités malgré les limites de ses moyens et l’immensité des autres problèmes qu’elle doit résoudre ».
Selon Mohamed Tahar Sayala, l’organisation panafricaine « peut travailler aux côtés des Nations Unies. Une collaboration entre les deux organisations est absolument nécessaire. L’Union Africaine ne peut pas rester en retrait de la crise libyenne ».
En outre, le chef de la diplomatie libyenne réclame « un envoyé spécial de l’organisation panafricaine chargé du dossier libyen » afin qu’une issue heureuse soit trouvée.
Los/id/te/APA