En Côte d’Ivoire, 1 405 familles ont reçu, le 20 février 2025, les clés de leur nouveau logement à Modeste, un quartier de Grand-Bassam, à 40 Km au Sud-est d’Abidjan. Un prolongement du Programme d’urgence présidentiel de construction de logements sociaux et économiques (PPCLSE) lancé en 2012 par le Président Ouatara.
Au-delà de l’inauguration des logements affectés à 1405 familles à Grand-Bassam, c’est un nouveau cap qui est franchi dans la politique du logement en Côte d’Ivoire. Conscient de l’ampleur des défis, le gouvernement intensifie ses efforts pour combler un besoin estimé à 836 000 logements, avec une demande croissante de 50 000 unités par an.
Derrière ces chiffres, une dynamique bien réelle se dessine : multiplication des chantiers, mobilisation des financements, assouplissement des conditions d’accès à la propriété… La Côte d’Ivoire semble résolument avancer dans la bonne direction.
En 2012, fraîchement élu, Alassane Ouattara, lançait le Programme d’urgence présidentiel de construction de logements sociaux et économiques (PPCLSE) avec un objectif ambitieux : bâtir 60 000 logements. Douze ans plus tard, 40 000 unités ont été livrées, réduisant le déficit de logements.
Dans cette volonté d’accélération, le Programme d’Urgence de 25 000 logements a été lancé en juillet 2024. S’appuyant sur les acquis des initiatives précédentes, il introduit des solutions innovantes, comme un modèle combinant location-vente et location simple, afin de faciliter encore davantage l’accès à la propriété pour les ménages à revenus modestes.
Les premiers chantiers sont déjà en cours : 3 000 logements à Yopougon BAE, 1 160 à Akoupé-Zeudji PK24, avec d’autres projets prévus dans les grandes villes de l’intérieur du pays, comme Bouaké, Yamoussoukro et Korhogo.
A Abidjan, la capitale économique ivoirienne, le gouvernement entend accélérer le rythme, avec l’objectif audacieux de réduire son déficit grâce à la construction de 150 000 logements d’ici à 2030.
Mobilisation massive de financements
Pour stimuler la construction de logements sociaux et économiques, le gouvernement ivoirien déploie des moyens considérables. Un investissement de 100 milliards de FCFA est consacré aux infrastructures essentielles, routes, réseaux d’eau et d’électricité, assainissement, garantissant un cadre de vie viable.
En parallèle, un allègement fiscal de 100 milliards de FCFA facilite la tâche des promoteurs, réduisant ainsi le coût des logements pour les ménages. Sur le volet financier, l’exécutif mise sur le Fonds de garantie du logement social (FGLS), conçu pour sécuriser les crédits et rassurer banques et investisseurs. L’objectif, étant d’accélérer les chantiers et fluidifier l’accès à la propriété.
Les premiers résultats sont visibles. En juillet 2023, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) a débloqué 45 milliards de FCFA pour financer 7 500 logements à Abidjan, Bouaké et Yamoussoukro.
L’intérêt des investisseurs internationaux se confirme. Des groupes émiratis, tels que Royal Gulf Contracting LLC et ZDS Development, ont signé des accords pour financer la construction de 17 000 logements sociaux. Un tournant qui pourrait transformer durablement le paysage immobilier ivoirien.
Les défis du foncier et de l’accès au logement
Longtemps considéré comme exigeant, l’accès au foncier en Côte d’Ivoire s’assouplit progressivement. Depuis 2020, la délivrance des Arrêtés de concession définitive (ACD) a connu une nette accélération, atteignant 20 000 ACD cette année-là, contre une moyenne annuelle de 5 500 entre 2013 et 2019.
Une réforme qui contribue à fluidifier l’accès à la propriété et à sécuriser les investissements immobiliers. Dans cette dynamique, le gouvernement a annoncé un financement supplémentaire de 50 milliards de FCFA dédié à la viabilisation des terrains.
Outre le Programme d’urgence présidentiel, le modèle de location-vente permet aux ménages de payer leur logement sous forme de loyer avant d’en devenir propriétaires. Quelque 30% des logements livrés en 2024 sont proposés sous ce format.
L’objectif est d’atteindre 50 % avec les nouveaux chantiers, afin d’élargir l’accès à la propriété à une plus grande partie de la population. Le défi reste l’adéquation entre les revenus des ménages et les coûts des logements.
Avec un revenu moyen urbain de 250 000 FCFA/mois, beaucoup d’Ivoiriens restent encore hors d’atteinte du marché immobilier classique. « Nous travaillons sur des mécanismes de financement adaptés aux travailleurs du secteur informel, qui représentent 70 % de la population active », explique un économiste spécialiste du logement.
La montée en puissance des promoteurs privés
Bien que 80 % des promoteurs locaux soient encore en voie de structuration, certains acteurs émergent comme des partenaires fiables de l’État, contribuant activement à la dynamique du logement dans le pays.
Parmi eux, Kaydan, PFO Africa et Addoha figurent parmi les plus dynamiques. Kaydan, par exemple, un champion national, développe un programme de 1 300 logements à Ahoué, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
De son côté, le géant marocain Addoha accélère son implantation en Côte d’Ivoire. En 2023, il a obtenu un prêt de 25 millions d’euros de la Société Financière Internationale (IFC), destiné à financer 4 788 logements intégrant des infrastructures essentielles comme des centres de santé et des écoles.
Ce soutien financier vient renforcer un programme ambitieux, alors que 1 600 unités avaient déjà été livrées et commercialisées sur les 6 600 prévues au total. Si le secteur privé est encore sous-exploité, l’État cherche à mieux structurer son accompagnement via la Chambre nationale des promoteurs et constructeurs agréés de Côte d’Ivoire (CNPC-CI).
« La croissance démographique rapide du Grand Abidjan, qui compte entre 6 à 7 millions d’habitants, entraîne une forte demande de logements. Or, l’offre reste limitée et les capacités de construction peinent à suivre. Ainsi, 80 % de la population urbaine, majoritairement active dans l’informel, rencontre des difficultés pour accéder au crédit immobilier », explique Siriki Sangaré, président de la CNPC-CI, à Jeune Afrique.
L’urbanisation rapide du pays entraîne un changement d’échelle. La Côte d’Ivoire a amorcé une dynamique et, avec les réformes ambitieuses, pourrait bien transformer durablement son paysage immobilier, voire économique, d’ici la prochaine décennie.
AP/Sf/APA