Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, 43 ans, a été désigné, ce vendredi à Oslo (Norvège), lauréat du prix Nobel de la paix 2019, une distinction qui vient récompenser les efforts louables initiés par le premier membre de la communauté oromo (majoritaire dans le pays) à parvenir à la tête de l’exécutif depuis le renversement du régime communiste en 1991.
Fils d’un musulman oromo et d’une chrétienne issue de l’ethnie amhara, Abiy Ahmed avait été désigné en mars 2018 pour succéder au très controversé Hailemariam Desalegn, dont la démission surprise, le 15 février plus tôt, avait été suivie par l’instauration de l’état d’urgence.
Patron de l’Organisation démocratique des peuples oromos (OPDO), l’un des quatre partis de la coalition au pouvoir, Abiy Ahmed parle l’oromo, l’amharique et le tigréen. Un profil consensuel qui justifiait le choix de sa personne pour conduire les destinées de ce pays miné par des conflits intercommunautaires.
Le natif d’Agaro, dans la région d’Oromia, ne tardera pas à mettre à profit ses atouts pour tenir ses promesses d’ouverture politique et de réforme du système sécuritaire visant à apaiser les tensions dans cette région, en premières lignes des manifestations antigouvernementales depuis novembre 2015.
Il engage ainsi un dialogue avec de nombreux groupes d’opposition armés éthiopiens dans la région et réussit à persuader le Front de libération d’Oromo de s’engager à participer pacifiquement au processus politique.
Des centaines de prisonniers politiques sont ensuite libérés, un centre de torture fermé, des partis retirés de la liste des organisations terroristes, leurs leaders rentrent sous les acclamations.
Il est ainsi surnommé par la presse locale le « Gorbatchev éthiopien » pour l’ampleur des réformes amorcées.
Homme de dialogue ayant contribué à la réconciliation entre musulmans et chrétiens dans sa région dans les années 2000, l’ancien membre des services de renseignements s’est fortement investi pour ramener la paix entre son pays et ses voisins.
C’est ainsi que dès sa prise de fonction en avril 2018, il s’est dit prêt à remettre à l’Erythrée des territoires contestés, comme la ville frontalière de Badme avant d’effectuer une visite à Asmara (capitale de l’Erythrée), les 8 et 9 juillet, à l’issue de laquelle il signe avec Issaias Afeworki, 71 ans, une déclaration stipulant que « l’état de guerre (…) est arrivé à sa fin ».
Abiy Ahmed adoptera cette même approche du dialogue pour désamorcer la crise régionale née de la construction, dans le nord de l’Ethiopie, du Grand barrage de la Renaissance en se rendant au Caire, cinq jours seulement après son séjour à Asmara. Cette infrastructure, la plus grande du genre en Afrique avec une capacité de 6.000 MW, inquiète fortement l’Egypte qui voit en ce barrage une menace contre sa principale source d’approvisionnement en eau douce, le Nil.
L’ancien ministre des Sciences et de la Technologie entre 2016 et 2017 se serait engagé, lors de son séjour au Caire, à ne pas réduire le débit du Nil même durant le long remplissage du barrage.
Cette distinction devrait ainsi encourager le plus jeune dirigeant africain à œuvrer davantage pour la paix et lutter contre la flambée des violences intercommunautaires qui ont repris de plus belle dans son pays où des élections législatives sont prévues en 2020.
ARD/te/APA