Le président du Conseil d’administration de la Coalition ivoirienne de la Cour pénale internationale (CPI), Ali Ouattara, a appelé jeudi à Abidjan la CPI à revoir sa stratégie d’enquête dans l’affaire Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, actuellement en liberté conditionnelle.
Interrogé en marge de la 2è édition de la causerie débat sur le procès Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devant la CPI, organisée par l’Observatoire ivoirien des droits de l’Homme (OIDH), M. Ali Ouattara a fait le plaidoyer pour des enquêtes «équilibrées ».
« On a l’impression qu’il y a un déséquilibre à ce niveau et que c’est comme une justice des vainqueurs, on émet un mandat d’arrêt contre ceux qui ne sont pas vainqueurs d’une situation de crise », a dit M. Ali Ouattara, souhaitant que «les enquêtes soient menées au niveau des deux parties belligérantes ».
« Il faut qu’on fasse en sorte que toutes les parties impliquées qui ont commis des crimes puissent répondre devant la Cour », a insisté M. Ouattara, Président du conseil d’administration (PCA) de la Coalition ivoirienne pour la CPI, organisation membre de la Coalition mondiale, basée à New-York et déclarée à La Haye.
Plusieurs acteurs de défense des droits de l’Homme, venus de divers horizons du monde, ont pris part à ce débat. L’avocat américain, James Goldston, a fait observer que malgré « les résultats très décourageants » de la CPI, il faut rendre la juridiction plus efficace et non la démolir.
Pour sa part, Me Jean Kéïta, avocat et chef du Bureau du Conseil public pour la défense auprès de la CPI, a soutenu qu’il « faut repenser le Statut de Rome » pour rendre la CPI performante. Il a souligné que la saisine est faite par le Conseil de sécurité de l’ONU, les pays signataires et le procureur de la CPI.
Cheikh Touré, chargé de communication du bureau de la CPI à Abidjan, a fait savoir qu’il existe selon le Statut de Rome un Fonds au profit des victimes, lequel fonds à un double mandat, celui de la réparation en cas de décision de culpabilité d’une partie, puis ensuite l’assistance.
« Le fonds vient de commencer ses activités, elle va travailler avec toutes les victimes en Côte d’Ivoire sans distinction », a poursuivi M. Touré, ajoutant qu’il déterminera les victimes à travers les ONG et associations de victimes, mais aujourd’hui on ne peut parler de mandat de réparation parce que le procès est en cours.
Ce débat intervient dans un contexte de mise en liberté sous condition de M. Gbagbo et son co-accusé Charles Blé Goudé. Acquittés le 15 janvier 2019 par la Chambre préliminaire 1 de la CPI, ces deux personnalités politiques ont été mises en liberté conditionnelle le 1er février 2019.
Depuis le 16 juillet 2019, la Chambre de première instance I a mis à disposition des différentes partie la version écrite de la décision d’acquittement. A la même date, l’accusation a introduit une requête visant à démarrer la prorogation du délai de l’avis d’appel et du dépôt du mémoire d’appel.
Vu le volume de l’exposé des motifs estimé à quelque 2.000 pages, l’accusation a requis qu’il lui soit accordée « la possibilité de déposer l’acte d’appel le 10 octobre 2019 et le mémoire d’appel le 9 décembre 2019 ». Cependant, la Chambre d’appel a rejeté la demande.
La Chambre d’appel estime que les arguments soulevés ne constituent pas des raisons valables en vertu de l’article 35 du règlement de la CPI. En revanche, elle a accordé « un délai supplémentaire de 30 jours » à l’accusation pour le dépôt de l’acte d’appel.
Me Claver N’Dri, avocat de la défense, présent à ce débat, a souhaité que la CPI soit un « instrument de vérité même s’il y a beaucoup de critiques à faire ». Pour lui, « c’est un instrument utile » et il faut se battre pour rendre la juridiction performante même « si le politique veut rentrer par la fenêtre ».
Cette deuxième édition de la causerie débat sur le procès Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devant la CPI s’est déroulée autour du thème « Procès Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé : bilan à mi-parcours et implications d’une action de lutte contre l’impunité ».
AP/ls/APA