Pour 2025, le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF) compte mettre à contribution les acteurs privés locaux, mais également les projets de développement nationaux afin de soutenir l’expansion des parcs de technologies agricoles.
Ce mardi, le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF) a organisé une rencontre dédiée à l’évaluation de la campagne 2024 et à la planification des activités 2025 des parcs de technologies agricoles en Afrique de l’Ouest et du Centre. Au cœur des discussions figure un enjeu majeur : la mobilisation de nouveaux financements pour assurer l’expansion de ces initiatives.
Face à la suspension des financements de l’USAID, le CORAF reste optimiste mais pragmatique. Dr Lamien Nieyidouba, chargé de programme au CORAF, a ainsi tenu à rassurer les parties prenantes. « Nous n’avons jamais conçu ce projet pour dépendre d’un seul bailleur. Plusieurs partenaires sont impliqués et leurs contributions sont mises en synergie pour assurer la mise en œuvre des parcs. Nous bénéficions du soutien d’autres partenaires comme la Banque mondiale et la coopération suisse, qui continuent à nous accompagner », a-t-il déclaré.
Reconnaissant que la situation avec l’USAID représente indéniablement une perte de ressources, il a assuré que celle-ci ne met pas en péril l’ensemble du programme.
Pour 2025, son organisation prévoit une stratégie ambitieuse de diversification des sources de financement. Cela permettrait notamment au CORAF d’amplifier sa présence à l’intérieur des pays et de rapprocher ces parcs des utilisateurs finaux.
Pour ce faire, l’organisation envisage notamment de solliciter l’appui des projets de développement locaux et obtenir leur accompagnement afin d’implanter des démonstrations dans leurs zones d’intervention, a indiqué Dr Nieyidouba.
Bien que le coût unitaire d’un parc de démonstration reste relativement maîtrisé, Dr Nieyidouba reconnaît que « si nous voulons déployer ces parcs à grande échelle, les coûts deviennent plus conséquents. » D’où son appel explicite aux gouvernements nationaux. « Nous faisons un clin d’œil aux autorités : un soutien gouvernemental permettrait d’étendre ces actions et de toucher une plus grande partie du pays », a-t-il dit.
Le Sénégal, pionnier d’une révolution agricole discrète
Le Sénégal s’est imposé comme le leader régional dans le développement de ces parcs de technologies agricoles. C’est au pays de la Teranga que l’organisation a initié cette approche en 2020, et les premiers parcs y ont été installés pour servir de modèle.
Initialement concentré à la station de Bambey, le dispositif a progressivement étendu sa présence sur le territoire national. Depuis l’année dernière, le Sénégal a commencé à déployer ces parcs à l’intérieur du pays, atteignant aujourd’hui sept régions, afin de les rapprocher des utilisateurs finaux.
L’initiative des parcs de démonstration répond à une problématique fondamentale identifiée par Dr Aliou Faye, chercheur à l’Institut Sénégalais de Recherche Agricole (ISRA) et coordinateur du programme. Malgré les avancées significatives réalisées par la recherche agricole, notamment en collaboration avec l’USAID à travers le programme Futures Sustainable Intensification Innovation Lab, de nombreuses innovations restaient confinées dans les laboratoires, sans atteindre les producteurs.
Pour remédier à cette situation, Dr Faye affirme avoir développé l’initiative I-RICH (Innovation Research Extension Advisory Coordination Hub), une plateforme dédiée à la diffusion des résultats de la recherche. Les parcs de démonstration en constituent la manifestation concrète, offrant des vitrines pour tester et promouvoir les innovations adaptées aux différents environnements agroécologiques.
Le concept du « one-stop show » caractérise ces parcs, qui rassemblent en un même lieu toutes les innovations pertinentes pour une région donnée. Au-delà de leur rôle de sensibilisation et de formation des producteurs, ils servent également de support pédagogique pour les universités et les institutions de recherche.
Le Sénégal compte aujourd’hui huit parcs, chacun adapté aux conditions agroclimatiques locales. Cette adaptation est essentielle : une variété de mil développée pour la zone de Bambey (400 mm de pluie par an) ne peut être utilisée telle quelle à Kolda, où la pluviométrie atteint 1 200 mm.
« Les résultats concrets témoignent de l’efficacité de l’approche. La nouvelle variété de mil SL 28 (Sénégalese Lines) offre un rendement potentiel de 3,7 tonnes par hectare, contre moins d’une tonne pour la variété traditionnelle Sauna 3. Avec une telle productivité, un agriculteur cultivant trois hectares pourrait obtenir jusqu’à 10 tonnes de mil, largement au-delà des besoins alimentaires d’une famille moyenne, permettant ainsi une valorisation commerciale et une amélioration substantielle des revenus », a souligné Dr Faye.
Une triple approche pour maximiser l’impact
Les parcs de démonstration reposent sur trois composantes complémentaires : les variétés améliorées, conçues pour optimiser les rendements et résister aux contraintes climatiques, les pratiques culturales innovantes, comme l’association de cultures (mil et niébé), qui réduit l’évaporation de l’eau du sol et améliore la résilience face aux aléas climatiques, et les outils d’aide à la décision, permettant aux producteurs d’adopter des stratégies adaptées à leur environnement spécifique.
Depuis le lancement du premier parc en 2019, la reconnaissance des impacts positifs de cette approche ne cesse de croître. Des études scientifiques, notamment plusieurs mémoires de master d’ingénieurs agronomes, ont documenté et validé les performances remarquables des innovations présentées.
Les autorités sénégalaises ont également manifesté leur soutien. Lors des inaugurations des différents parcs, les gouverneurs des régions concernées ont exprimé leur volonté d’élargir cette initiative à l’échelle nationale. Par ailleurs, un consultant travaille actuellement à mobiliser le secteur privé pour renforcer l’investissement dans les technologies agricoles et accélérer leur adoption par les producteurs.
ARD/te/Sf/APA