Dans un contexte d’essor de l’entrepreunariat, le plan « Maroc Digital 2030 » fixe des objectifs ambitieux, avec l’espoir de voir naître dix « gazelles » d’ici 2026 et une ou deux « licornes » à l’horizon 2030.
Dix ans après l’organisation du Global Entrepreneurship Summit au Maroc, un bilan s’impose sur l’évolution de l’écosystème entrepreneurial marocain en progression lente. Car si des avancées ont été notées en matière de soutien institutionnel et de financement des startups, la naissance d’une véritable génération d’entreprises à forte croissance demeure timide. L’impact attendu sur l’économie nationale tarde à se concrétiser, soulevant des interrogations quant aux véritables obstacles qui freinent l’émergence d’un entrepreneuriat de croissance.
La mise en place d’un cadre de financement favorable a été l’une des avancées notables de cette dernière décennie. La Banque mondiale, par exemple, avait annoncé un prêt de 50 millions de dollars destiné à l’investissement dans les startups, jetant ainsi les bases d’une industrie nationale du capital-risque. Toutefois, ces efforts n’ont pas encore permis d’accélérer l’émergence d’entreprises capables de transformer le tissu économique marocain.
Selon le rapport de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), l’économie marocaine devrait croître d’au moins 6 % par an pour répondre aux objectifs de développement humain et se hisser parmi les économies avancées. Or, sans une transformation profonde de l’écosystème entrepreneurial, cet objectif semble difficilement atteignable.
Quelques chiffres illustrent cette réalité : le document stratégique « Maroc Digital 2030 » estime à seulement 380 le nombre de startups dans le pays, un chiffre bien trop faible pour espérer la naissance d’entreprises à forte croissance, communément appelées « gazelles » ou « licornes« . De plus, le nombre de startups ayant reçu un financement de capital-risque reste modeste : 46 startups ont accédé à des fonds d’amorçage à fin 2023, tandis que 75 ont bénéficié d’un soutien en capital-risque. Ces chiffres contrastent avec l’ambition d’accélérer le développement économique à travers l’innovation.
L’analyse des montants investis révèle l’ampleur du retard pris par le Maroc. En 2023, seulement 290 millions de dirhams (29 millions de dollars) ont été dédiés au financement d’amorçage, et 653 millions de dirhams (65 millions de dollars) en capital-risque. Ces sommes restent largement inférieures aux niveaux observés en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie, où les financements se chiffrent en milliards de dollars.
Malgré les efforts pour structurer l’écosystème, le véritable obstacle ne réside pas dans l’absence de financements, mais dans le manque de projets à fort potentiel. Le lancement du Fonds Mohammed VI pour l’investissement ainsi que la création de fonds de « corporate venture » par plusieurs grandes entreprises marocaines ont considérablement augmenté les ressources financières disponibles. Pourtant, ces capitaux peinent à trouver des entreprises prometteuses dans lesquelles investir.
L’offre d’accompagnement et de financement ne constitue plus le principal enjeu. Le véritable défi réside dans l’insuffisance d’entrepreneurs prêts à exploiter ces opportunités. Le Maroc a mis l’accent sur les phases en aval du développement entrepreneurial, en favorisant les incubateurs, les accélérateurs et les mécanismes de financement. Mais c’est en amont que le blocage subsiste.
L’innovation constitue la pierre angulaire de tout écosystème entrepreneurial dynamique. Or, le Maroc peine à structurer un système national d’innovation efficace. Depuis le lancement infructueux d’une stratégie nationale d’innovation en 2009, les investissements en recherche et développement stagnent à environ 0,7 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE s’élève à 2,4 %.
L’analyse de ces dépenses met en évidence un problème structurel : une part significative de ces fonds est absorbée par les salaires des universitaires, sans que cela ne se traduise par une production scientifique et technologique significative. En 2022, seulement 8 % des demandes de brevets enregistrées par l’OMPIC émanaient de chercheurs marocains, et la participation du pays aux publications scientifiques internationales demeure faible.
MK/te/Sf/APA