Au Tchad, une partie du commerce informel est entre les mains des femmes. Appelées « Mosso », c’est à-dire commerçantes ou vendeuses en langue locale, ces femmes sont de tout âge (jeûnes et âge mûr) et de toute condition : mariées, célibataires, veuves. Leur point commun ? La bosse du commerce qui les pousse à investir plusieurs secteurs : la poissonnerie, les fruits et légumes, les condiments, l’habillement et les produits cosmétiques.
Partout dans le pays et principalement à N’Djaména, la capitale, elles sont omniprésentes dans les marchés où, débordantes d’activités, elles ne le cèdent en rien aux hommes. Leurs activités sont telles qu’aujourd’hui, beaucoup d’entre elles ont en charge les frais de leur ménage ainsi que ceux inhérents aux études de leurs enfants.
C’est le cas de Dossoum Eugénie. Âgée de 41 ans et mère de trois enfants, elle leur permet d’aller à l’école grâce à la vente du poisson, une activité qu’elle exerce depuis 13 ans au marché de Dembé. Toute fière de sa réussite, Eugénie assure s’être lancée dans son commerce à ses propres frais, sans bénéficier d’un microcrédit ou de l’aide d’une quelconque personne.
Grâce Mamie, à peine 23 ans et mère de deux enfants, est également une bonne « Mosso », en atteste la réussite qu’elle connait dans la vente du poisson. Différemment d’Eugénie, elle avoue avoir eu au départ un petit coup de pouce de la part de la première dame du Tchad, Hinda Deby Itno. Ce fut tout, et pour le reste elle a su voler de ses propres ailes.
« Cette aide m’a permis de développer davantage mon commerce », confie Mamie qui, titillée sur l’enveloppe reçue, lâche dans un sourire : « C’est juste un peu d’argent ».
Aidées ou pas, les « Mosso » impressionnent par leurs résultats et l’activité débordante dont elles font preuve pour y parvenir. Pleines d’initiatives, certaines d’entre elles enfourchent une moto ou s’embarquent à bord d’un véhicule pour s’en aller vendre leurs produits dans les différents marchés hebdomadaires du Tchad.
La « Mosso » Sadié Saleh connait bien ce genre d’opération et chaque semaine, elle choisit un marché situé à une centaine de kilomètres de la capitale pour, dit-elle, y apporter « un peu du tout, notamment, du lait caillé, du gombo séché, de la viande séchée ou encore du poisson fumé ».
Sadié reconnait avoir bénéficié d’une aide de 300 000 FCFA pour son commerce grâce au ministère des Microcrédits, un département qui n’existe plus dans le gouvernement tchadien.
Voyant plus loin, d’autres commerçantes se rendent dans les ports du Cameroun voisin pour y réceptionner des habits commandés depuis l’étranger.
Très riches, ces « Mosso » ont pour cible les fonctionnaires et autres employés du privé à qui elles donnent à crédit des chaussures et des vêtements, allant du costume aux chemises en passant par les pantalons.
« Chaque fin de mois, ces commerçantes passent dans des lieux de travail pour collecter leur argent. Les employés leur payent en tranche de deux ou trois mois », explique Marcel, un employé d’une banque qui achète à crédit ses vestes auprès des « Mosso ».
Au demeurant, tout ne va pas dans le meilleur des mondes pour certaines « Mosso », à l’image de Claudine Zara qui sans faux-fuyant, confesse que « notre commerce évolue parfois en dent de scie ».
D’abord, il y a la rareté des crédits, un constat de plus en alarmant depuis la disparation du ministère des Microcrédits. Un vide que tentent de combler bon an mal an quelques organisations et fondations.
En outre, les « Mosso » pointent du doigt certaines difficultés qu’elles ont pour écouler leurs produits auprès de clients ayant souvent un modeste pouvoir d’achat. De même, elles déplorent, à l’image de Dossom, la vendeuse de poissons, les conditions de conservation de leurs produits.
« Le poisson pourrit si la conservation n’est pas bonne. L’électricité est un réel problème au Tchad. Donc, lorsque le poisson n’est pas vendu, ça peut engendrer de pertes ».
Ces aléas n’enlèvent en rien au mérite des « Mosso », perçues aujourd’hui comme des éléments essentiels dans le commerce au Tchad, un pays dont les habitants se font de plus en plus à l’idée que beaucoup de foyers tiennent grâce au dynamisme des femmes.
AHD/cat/APA