Avec la légalisation du cannabis à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles en 2021, le Maroc ambitionne de devenir un acteur majeur à l’exportation vers le marché européen.
Cette année, le Maroc a exporté pour la première fois du cannabis cultivé légalement vers la Suisse. Cependant, les défis restent nombreux et sont relatifs aux réglementations strictes, aux coûts élevés, au climat et à la concurrence accrue.
Déjà, l’un des plus grands producteurs de cannabis illicite au monde, avec 23 000 tonnes de cannabis et 800 tonnes de résine en 2021 selon l’ONU, le Maroc cherche à transformer cette production illégale en activités légales. La légalisation vise à offrir de meilleurs prix et conditions aux producteurs. Les superficies de culture autorisées ont ainsi augmenté pour atteindre 3 000 hectares, principalement dans les provinces d’Al-Hoceima, Chefchaouen et Taounate, avec près de 3 300 producteurs reconnus.
La première récolte de cannabis légal en 2023 a toutefois été marquée par des défis climatiques, le pays produisant seulement 296 tonnes, avec une perte de 20 % due aux vagues de chaleur extrêmes. Contrairement à la production européenne, principalement sous serre, la culture en plein air au Maroc est vulnérable au changement climatique.
De plus, l’importation de semences d’Europe augmente les coûts. L’Agence nationale de régulation des activités liées au cannabis (ANRAC) préconise l’utilisation de la variété locale « beldiya », moins consommatrice d’eau, qui devrait être disponible d’ici 2025.
Malgré ces défis, les investisseurs voient de grandes opportunités dans le secteur légal du cannabis, estimé à plus de 50 milliards de dollars d’ici 2028 selon un fonds d’investissement américain. Environ 200 opérateurs, dont des entreprises françaises, collaborent déjà avec des coopératives marocaines.
La coopérative Bio Cannat a enregistré dix produits à base de CBD (cannabidiol) sans THC (tétrahjdrocannabinol), principalement des compléments alimentaires et des cosmétiques. Le laboratoire pharmaceutique Sothema a développé une quinzaine de médicaments à base de cannabis à haute teneur en THC, destinés à traiter des affections douloureuses comme le cancer, la sclérose en plaques et l’épilepsie. Ces produits pourraient être lancés sur le marché d’ici 2025, tant au Maroc que dans plusieurs pays européens.
Le Maroc vise une part du marché européenne de 10 à 15 %, capitalisant sur la vague de légalisation du cannabis médical dans l’Union européenne, où l’on compte déjà 21 États membres ayant autorisé cette pratique. La Fédération marocaine de l’industrie pharmaceutique et de l’innovation (FMIIP) espère générer entre 400 et 600 millions d’euros de revenus annuels d’ici quatre ans.
L’ANRAC identifie également de nombreux secteurs potentiels pour l’utilisation du cannabis marocain, tels que l’aviation, l’alimentation, la construction, l’hygiène, le papier, le plastique, le textile et même les traitements au CBD pour les animaux de compagnie.
MN/te/Sf/APA