Le chef de la diplomaties française, Jean-Yves Le Drian, a annoncé dans une sortie médiatique que la France ne combattrait plus le terrorisme au Mali.
Cette déclaration intervient après une réunion par visioconférence des ministres des Affaires étrangères européens le lundi 14 février.
Le maintien du régime militaire, la remise en question des accords de défense et l’arrivée de la société privée militaire russe Wagner au Mali, sont brandis comme arguments par Paris pour justifier ce probable retrait.
« Nous avons une junte de colonels qui a pris le pouvoir au Mali et qui dit nous allons le garder pendant cinq ans. On ne peut pas traiter avec ces gens qui sont eux-mêmes condamnés par leurs voisins » a indiqué Le Drian. Ce dernier justifie ce retrait éventuel de la France « le président de la République a souhaité que l’on se réorganise, mais on ne part pas de la région. Il s’agit du combat contre le terrorisme de la sécurité des africains eux-mêmes », indique-t-il.
Il ajoute: « si les conditions ne sont plus réunies pour qu’on puisse être en mesure d’agir au Mali ce qui est manifestement le cas, on continuera à combattre le terrorisme à côté, avec les autres pays du Sahel qui sont tout à fait demandeurs », a expliqué le ministre français des Affaires étrangères.
Le processus est donc en branle et devrait aboutir d’ici à là fin de la semaine à une série de décisions concernant l’engagement français et européen au Mali. L’ancienne puissance coloniale, dont plusieurs milliers de soldats sont engagés depuis 2013 contre les groupes jihadistes actifs sur le territoire malien et dans les pays voisins, est sur le point de partir.
Le G5 Sahel à Paris
S’il ne lui manquait qu’un alibi pour prendre une telle décision, que beaucoup d’observateurs ne cessent d’envisager en raison de l’enlisement manifeste de l’armée française sur le terrain et de la dégradation des relations entre Paris et Bamako, l’expulsion de l’ambassadeur de France par les autorités maliennes, mardi 31 janvier, pourrait lui en fournir. « La situation ne peut pas rester en l’état », avait déclaré mardi 1er février le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal, donnant ainsi le sentiment que la France envisage désormais toutes les hypothèses y compris un retrait de ses troupes du Mali.
A ce titre, Emmanuel Macron a convié ce mercredi 16 février, les chefs d’Etat du G5 Sahel notamment le président nigérien Mohamed Bazoum, le Tchadien Mahamat Idriss Déby et le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani. Une rencontre à laquelle le président français n’a pas invité les autorités de la transition burkinabé et malienne.
Le président de l’Union africaine Macky Sall et le président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) le Ghanéen Nana Akufo-Addo seront de la partie tout comme le Conseil européen Charles Michel, et du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
A l’issue de cette rencontre, Paris et ses partenaires de l’Union européenne vont informer l’UA et la Cedeao des décisions prises sur leur engagement au Mali. La réorganisation du dispositif dans les autres pays sahéliens voisins et son extension aux pays du golfe de Guinée sont aussi à l’étude.
Invoquant la souveraineté nationale, les autorités de la transition malienne entendent se maintenir plusieurs années au pouvoir, le temps selon elle de « refonder les bases de l’Etat et restructurer les forces armées et sécurité » du pays plongé depuis 2012 dans une grave crise sécuritaire liée à la présence de plusieurs groupes jihadistes sur une grande partie du territoire malien, le Nord et le Centre notamment.
La junte inflexible
Durant les premiers mois après la prise du pouvoir par l’armée à Bamako, Paris s’était pourtant montré conciliant vis-à-vis des putschistes maliens. Mais les rapports entre les deux parties se sont brusquement dégradés lorsqu’en mai dernier les colonels qui avaient entre-temps installé un président et un premier ministre à la tête d’un gouvernement de transition avaient décidé de débarquer les deux hommes confiant la présidence de l’Etat au chef de la junte, le colonel Assimi Goita.
La crise s’est, ensuite, aggravée quand quelques jours plus tard, la France a brandi la menace de retirer ses militaires engagés depuis 2013 au Mali et au Sahel dans le cadre d’une opération de lutte contre les groupes jihadistes, avant de se rétracter finalement pour annoncer une simple réduction de ses troupes et une restructuration de son dispositif militaire sur le terrain.
Évoquant alors « un abandon en plein vol », les autorités de Bamako avaient, dans la foulée, menacé de faire appel à d’autres partenaires extérieurs, donnant ainsi crédit à ce qui n’était à l’époque qu’une simple rumeur comme quoi elles souhaiteraient solliciter la Russie pour l’envoi d’éléments appartenant à la très sulfureuse compagnie militaire privée russe Wagner, accusée d’exactions en Syrie, en Libye et en Centrafrique. La France qui n’a jamais caché son hostilité à une telle perspective n’avait, depuis lors, cessé de mettre en garde Bamako et Moscou contre cette éventualité qui, depuis peu, serait devenue finalement une réalité, selon plusieurs sources diplomatiques occidentales en poste au Mali.
Les sorties musclées de responsables des deux pays, devenues quasi quotidiennes ces dernières semaines, n’ont pas contribué à apaiser la tension.
Commentant les décisions prises contre la junte par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui a infligé le 9 janvier une série de sévères sanctions diplomatiques et économiques au Mali, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre et porte-parole du gouvernement malien, s’était livrée à une attaque virulente contre la ministre française des Armées, Florence Parly et la France, qu’il a accusée de chercher à diviser les Maliens, « d’instrumentaliser » les organisations sous-régionales et de conserver ses « réflexes coloniaux ». Le colonel malien avait alors sommé Mme Parly de se taire.
CD/APA