Le Secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, qui vient d’effectuer une tournée dans trois pays africains, a peu abordé la question de la lutte contre le terrorisme.
Alors que l’opération Flintlock 2020 se poursuit en Mauritanie sous le commandement du Centre de planification et des Opérations de l’Etat-major général des Forces armées nationales, l’engagement américain dans la lutte anti-terroriste en Afrique pose cependant débat.
L’opération qui se déroule cette année du 17 au 28 février dans plusieurs localités en Mauritanie (Atar, Kaédi et Nouakchott) et au Sénégal (Thiès) vise notamment à « soutenir les armées africaines, en particulier celles du Sahel dans le domaine de la formation et du renseignement ».
C’est dans ce contexte que le Secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo a effectué une tournée africaine du 15 au 19 février. Seulement, la question sécuritaire n’a pas été au cœur de ses discussions au Sénégal, en Angola ou en Ethiopie.
À Dakar, le diplomate américain a même signifié aux autorités sénégalaises la volonté de Washington de réduire ses effectifs militaires.
« Nous ferons ce qu’il faut, nous ferons ce qu’il faut collectivement, j’en suis convaincu », a rassuré Pompeo lors d’une conférence de presse dimanche dernier dans la capitale sénégalaise.
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Pour le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Amadou Ba, cette annonce « ne signifie pas le retrait de toutes les forces américaines ».
Le chef de la diplomatie sénégalaise estime que « l’Afrique a besoin des États-Unis d’Amérique, qui sont un allié stratégique pour un retour définitif à la paix et à la stabilité » puisqu’il est « plus que jamais confronté à des défis majeurs liés à l’insécurité et au terrorisme ».
« Les Etats-Unis jouent un rôle important dans le dispositif sécuritaire dans le Sahel » reconnait Gilles Yabi, directeur du think tank ouest africain, Wathi.
Si la réduction annoncée est importante, elle va « fragiliser la lutte anti-terroriste dans le Sahel et notamment les forces françaises qui dépendent de l’appui américain », avertit M. Yabi.
Il estime que « la capacité à identifier les menaces terroristes ne sera pas forte mais tout dépendra de la taille de réduction des effectifs militaires américains ».
C’est pour cette raison d’ailleurs que la France s’investit beaucoup à dissuader le Pentagone à réduire sa présence militaire dans le Sahel. La ministre française des Forces Armées, Florence Parly, a récemment indiqué lors d’une visite à Washington que « l’appui américain est crucial pour notre opération +Barkhane+ ». L’avenir de l’appui logistique dans le Sahel en particulier reste flou, malgré les assurances du Secrétaire américain à la Défense, Mark Esper : « quelle que soit la taille de la réduction, elle ne devrait pas limiter notre efficacité contre le terrorisme ».
Depuis 2013, le Pentagone assure un appui vital aux soldats français de l’opération Barkhane en ravitaillement, logistique et surveillance. Et dans le cadre de Flintlock 2020 qui réunit 34 pays africains, l’échange d’expertise militaire et le renforcement des capacités des armées des pays du Sahel devront faciliter le développement de l’interopérabilité militaire pour une « meilleure collaboration harmonisée dans la lutte contre le terrorisme ».
« Les Etats-Unis peuvent réduire leurs effectifs militaires tout en maintenant l’appui au renseignement et à la surveillance par des drones », suggère le directeur de Wathi.
La question de cette réduction n’est pas nouvelle. Déjà en novembre 2015, le Pentagone annonçait des projets d’orientation des effectifs avec une réduction de 10% des 7200 soldats déployés dans le cadre d’Africa Command qui coordonne toutes les activités militaires et sécuritaires des États-Unis sur le continent.
Compte tenu de leur puissance économique, mais surtout militaire, les Etats-Unis constituent une force indéniable et importante pour l’Afrique de l’ouest et en particulier dans la région sahélienne. Cependant les priorités semblent se trouver ailleurs.
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« Les Etats-Unis veulent s’inscrire dans une dynamique plus pragmatique, s’ils réduisent leurs effectifs en Afrique, c’est sans doute pour conforter leur présence au Moyen-Orient qui constitue un enjeu très important », explique Lassina Diarra, expert des questions de terrorisme en Afrique de l’ouest.
L’auteur de « La Cedeao face au terrorisme transnational » soutient par ailleurs que le président américain ne veut porter le dossier de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel « comme un caillou dans son soulier ».
Cette méfiance de Trump s’expliquerait, selon M. Diarra, par l’élection présidentielle de novembre 2020 au cours de laquelle ses opposants n’hésiteraient pas à utiliser « tout échec » contre lui.
Au début de son mandat, tout semblait indiquer que le président américain ne faisait pas de la mission anti-terroriste une priorité.
Cependant avec la recrudescence des attaques et les difficultés des pays surtout sahéliens à juguler la menace, « la question terroriste est désormais inscrite dans la politique étrangère de l’Administration Trump », estime M. Diarra.
Si par contre Trump laisse cette brèche, l’expert estime qu’elle sera profitable pour des puissances étrangères rivales comme la Chine et la Russie.
« Donc du coup, l’Administration Trump va procéder à la réévaluation du contexte politique et sécuritaire de l’Afrique de l’ouest pour mieux se repositionner », souligne M. Diarra.
Dng/cgd/APA