L’année 2022 en Afrique de l’Ouest a été politiquement mouvementée avec surtout la question des 46 soldats ivoiriens détenus depuis juillet au Mali, suscitant la colère de la Cédéao qui, après avoir mis ce pays sous embargo, tente de trouver une solution définitive aux coups d’Etat intempestifs à l’image du double putsch survenu au Burkina Faso.
Quel destin pour les 46 militaires ivoiriens encore détenus au Mali ? Cinq mois après leur arrestation et des allers-retours diplomatiques pour leur libération, leur procès s’est enfin ouvert jeudi 29 décembre à huis clos à la Cour d’appel de Bamako sous un impressionnant dispositif sécuritaire. La Cour d’Assises de Bamako les a condamnés ce vendredi à 20 ans de réclusion criminelle.
Le 10 juillet 2022, en effet, un avion transportant 49 soldats ivoiriens, avec « armements, munitions et équipements », mais sans ordres de mission clairs d’après le pouvoir malien, atterrit à l’aéroport de Bamako. La Côte d’Ivoire et le Mali semblent ne s’être pas parlé ou compris dès le départ, mettant ces militaires devant le fait accompli. Accusés d’être des « mercenaires », ils ont été « immédiatement interpellés ». Ce qui ouvre une querelle diplomatique entre les deux pays voisins.
Exigeant la libération de ses soldats, Abidjan a expliqué à l’opinion internationale que ces derniers étaient venus au Mali pour appuyer le contingent ivoirien de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Plusieurs organisations et pays occidentaux ont tenté de se mêler de cette affaire « purement judiciaire et bilatérale », estime Bamako. Mais le Mali, qui a accepté de libérer en septembre trois femmes parmi les 49 soldats ivoiriens grâce à la médiation togolaise, n’a pas réussi à faire déchanter particulièrement la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao).
De l’embargo à « la souveraineté retrouvée »
En effet, la junte militaire malienne mettait « en garde contre toute instrumentalisation de la Cedeao par les autorités ivoiriennes » après la demande d’un sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement, finalement tenu début décembre à Abuja, au Nigeria. A l’issue de cette réunion, l’organisation régionale a menacé de prendre de nouvelles sanctions contre le Mali « si les militaires ivoiriens n’étaient pas libérés avant le 1er janvier 2023 ».
Les autorités maliennes n’oublient pas l’embargo prononcé contre leur pays en janvier 2022 par les dirigeants de la Cedeao pour sanctionner la décision de la junte militaire de se maintenir au pouvoir pour cinq nouvelles années au maximum sans élection. Jusqu’en juillet de l’année 2022, les frontières des quinze pays de la Cedeao, à l’exception de la Guinée, également dirigée par une junte militaire, étaient fermées au Mali. Seuls les produits de première nécessité continuaient de circuler.
Pour magnifier la résilience du peuple malien, le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, a institué « le 14 janvier, Journée de la souveraineté retrouvée », en souvenir de la mobilisation inédite des Maliens contre les sanctions de la Cedeao au sortir de la très éprouvante pandémie de Covid-19 dans la région.
L’année 2022 a été également celle où l’opération française « Barkhane » a acté son départ du Mali sans réussir à y vaincre totalement le terrorisme qu’elle était venue combattre neuf ans durant. Effective depuis août, cette décision de retrait pour un redéploiement dans les autres pays du Sahel dont le Niger a été prise depuis février par le président Emmanuel Macron.
Barkhane, Burkina et force anti-putsch
Les relations diplomatiques entre Paris et Bamako se sont détériorées après le renversement du président Ibrahim Boubacar Keita en août 2020 et la destitution en mai 2021 du président de transition Bah Ndaw par le même groupe d’officiers dirigés par le colonel Assimi Goïta. Depuis lors, les escalades verbales entre la France et le Mali s’effectuent régulièrement à travers des communiqués, des déclarations télévisées ou lors de certaines rencontres internationales.
Au Burkina Faso voisin, miné par le terrorisme et où le « sentiment anti-français » prend de plus en plus de l’ampleur comme dans plusieurs pays du continent, les militaires y ont perpétré en 2020 deux coups d’Etat. Tout a commencé en janvier lorsque le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), dirigé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a affirmé avoir renversé le régime démocratiquement élu du président Roch Marc Christian Kaboré. « Une décision prise dans le seul but de permettre à notre pays de se remettre sur le bon chemin et de rassembler toutes ses forces afin de lutter pour son intégrité territoriale, son redressement et sa souveraineté », expliquait alors le groupe d’officiers.
Cependant, le lieutenant-colonel Damiba et ses hommes n’ont pas réussi, malgré leurs promesses, à vaincre l’hydre jihadiste. C’est ainsi qu’un second coup d’Etat, dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, est intervenu huit mois plus tard, le 30 septembre précisément, exaspérant davantage la Cedeao qui veut trouver une solution définitive à la récurrence des coups d’Etat dans la région.
Le procès du 28-Septembre enfin ouvert
Président en exercice de cette organisation régionale souvent qualifiée par certains détracteurs de « syndicat de chefs d’Etat », le président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló, qui a lui-même failli être renversé en février dernier dans une tentative de putsch, a évoqué cinq mois plus tard à Paris, en France, l’idée de la création d’une « force anti-putsch ». Même si toutes ses modalités ne sont pas encore dévoilées, cette force viendra en appoint à la lutte contre le terrorisme, ont précisé les dirigeants ouest-africains lors de leur réunion de décembre.
La Guinée également n’est pas indemne du reproche de la Cedeao par rapport aux coups d’Etat intempestifs. Le dernier qui s’est produit en septembre 2021 a installé le capitaine Mamady Doumbouya à la tête du pouvoir. Mais après un an d’exercice, la junte guinéenne a réussi là où le régime d’Alpha Condé a échoué pendant plus d’une décennie : l’organisation du procès du massacre du stade 28 septembre de Conakry.
Dans un tribunal spécialement construit pour ce moment symbolique, les audiences ont été ouvertes le 28 septembre 2022, une date historique qui fait renaître plusieurs souvenirs dans la tête des Guinéens, des plus beaux aux plus tragiques. C’est à cette date notamment, en 1958, que le premier président du pays, Sékou Touré, avait voté « Non » au référendum sur le projet de Constitution proposé par le général Charles de Gaulle pour l’établissement d’une Communauté franco-africaine. Mais c’est à cette date aussi, un demi-siècle plus tard, qu’au moins 156 personnes avaient été tuées, 109 femmes violées et de nombreuses personnes blessées lors d’un rassemblement de l’opposition organisé dans le stade éponyme, selon un bilan établi par une enquête des Nations unies.
De retour en Guinée à la veille de l’ouverture du procès après plusieurs années d’exil au Burkina Faso, l’ancien chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, a été accusé, en compagnie d’une dizaine d’ex-collaborateurs dont son ancien aide de camp, Aboubacar Sidiki Diakité dit « Toumba », de ces violations des droits humains. Ils sont tous placés en détention et comparaissent dans des audiences retransmises en direct et qui ne devraient pas s’achever avant plusieurs mois.
Deux élections au Sénégal
L’actualité politique au Sénégal a été surtout marquée cette année par la perte de plusieurs grandes villes par la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (unis pour un même espoir), lors des élections municipales et législatives organisées respectivement en janvier et juillet, fragilisant auprès de l’électorat le président Macky Sall que ses adversaires prêtent l’ambition de vouloir se représenter à une controversée troisième candidature à l’élection présidentielle de 2024.
Toutefois, après avoir analysé ces résultats électoraux, le chef de l’Etat a tenté de regagner le cœur des Sénégalais en nommant un Premier ministre en septembre, un poste pourtant resté vacant depuis près d’un an. Quatre mois après sa réélection en 2019, le président Macky Sall avait décidé de le supprimer en vue de mieux gouverner sur le mode « fast-track ».
Mais au bout de deux ans, le président Sall, qui a pris les rênes de la présidence de l’Union africaine (UA), a décidé de restaurer le poste de Premier ministre dans l’objectif de prendre avec son gouvernement de « nouvelles mesures » sur le plan social. Le chef de l’Etat a porté son choix sur Amadou Ba, 61 ans, un inspecteur des finances formé à l’Ecole nationale d’administration (Ena) et ancien ministre dont il est réputé proche.
Le 15 décembre dernier, le gouvernement de M. Ba a survécu à une motion de censure présentée par la coalition Yewwi Askan Wi (libérer le peuple), la première formation de l’opposition parlementaire qui compte parmi ses leaders Ousmane Sonko, considéré par plusieurs observateurs comme le nouveau chef de file de l’opposition. Votée par 55 députés, cette motion n’a pas recueilli la majorité absolue de 83 des 165 sièges de l’Assemblée nationale sénégalaise qui se caractérise, dans sa quatorzième législature, par l’équilibre des forces entre l’opposition et le pouvoir.
ODL/te/APA