Le nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, était le favori parmi les cinq autres candidats tous issus du système au pouvoir, dont le mouvement de protestation massif qui secoue l’Algérie depuis dix mois réclame la chute. Portrait.
Si une longue expérience du pouvoir suffit à faire un bon président, l’Algérie tient le sien. Ce vaste pays nord-africain aux quarante millions d’habitants et riche en hydrocarbures a un nouveau président à la carrière gouvernementale solide : Favori présumé du général Gaïd Salah, patron de l’armée et homme fort de facto du pouvoir algérien, Abdelmadjid Tebboune, un apparatchik du régime de 74 ans, a été déclaré vendredi par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) vainqueur dès le premier tour de l’élection présidentielle organisé la veille, jeudi 12 décembre.
Avec 58,15% des suffrages, il n’a laissé que des miettes à ses quatre adversaires selon les chiffres provisoires annoncés par l’ANIE. Ses rivaux, tous comme lui « des enfants du système », ont recueilli respectivement 17,38 pour Abdelkader Ben Krina, 10,55% pour Ali Benflis, 7,26% pour Azeddine Mihoubi et 6,66 pour Abbdelaziz Belaid,
Diplômé de l’Ecole nationale d’administration en 1969, cet ancien Wali (Gouverneur) incarne la vieille administration d’Etat, qui avec l’armée constitue l’un des milliers majeurs du système au pouvoir en Algérie depuis l’indépendance. Le natif de Mechria, dans l’ouest du pays, qui a été wali de plusieurs régions comme Adrar, Batna, Tiaret et Tizi-Ouzou, est entré au gouvernement pour la première en 1991. Il avait alors été désigné ministre délégué aux collectivités locales par le président Chadli Bendjedid. Après une longue traversée du désert qui a duré sept ans, il est rappelé en décembre 1999 par Abdelaziz Bouteflika, élu comme président huit mois auparavant, au poste de ministre de la Communication et de la Culture. Six mois plus tard, il retourne au poste de ministre délégué chargé des Collectivités locales.
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Nommé en 2001 ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, il est remercié en 2002. Ce départ du gouvernement ne l’empêche, cependant, pas d’être plusieurs fois désigné par le président Bouteflika pour le représenter à l’étranger. De retour en 2012 au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, il est ensuite nommé en janvier 2017 ministre du Commerce à titre intérimaire, avant d’être promu quatre mois plus tard comme Premier ministre.
Selon les médias algériens, sa volonté d’assainir alors certains secteurs de l’administration et de l’économie a poussé ses adversaires à réclamer son départ. Les services de la présidence de Bouteflika qui a fini par le remercier au bout de seulement trois mois a justifié sa destitution par son « harcèlement contre les hommes d’affaires ». Deux mois après sa prise de fonction, le chef de gouvernement au plus court règne dans l’histoire de l’Algérie avait adressé plusieurs mises en demeure à de grandes entreprises locales et étrangères adjudicataires d’importants marchés publics d’infrastructure les menaçant de résilier les contrats pour des chantiers en retard. Parmi elles, une entreprise appartenant à Ali Haddad, un jeune homme d’affaires qui dirige le puissant Forum des chefs d’entreprises (FCE), une organisation patronale très proche de Saïd Bouteflika, frère et conseiller très écouté du chef de l’État.
Ces mesures lui ont valu une certaine sympathie au sein d’une partie de l’opinion publique.
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Cette posture de « casseur des oligarques » et de « Monsieur Propre ne l’a pourtant pas empêché de s’afficher comme un fervent défenseur d’une candidature pour un cinquième mandat de Bouteflika. C’était avant que le vieux président affaibli par la maladie depuis plusieurs années ne soit contraint d’y renoncer puis d’être « démissionné » par l’armée sous la pression de ce qui deviendra plus tard le hirak: ce mouvement populaire massif qui depuis février secoue l’Algérie réclamant un changement radical du pouvoir et qui a tout fait pour empêcher le déroulement de cette élection présidentielle à l’issue de laquelle Tebboune a été déclaré élu vendredi. .
Sans que cela soit de manière directe et personnelle, le président algérien nouvellement est lui-même touché par des histoires « d’argent sale ». En pleine campagne électorale, un de ses proches soutiens a été arrêté et emprisonné pour des faits présumés de corruption. Son propre fils a été détenu puis placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une affaire de blanchiment d’argent impliquant un homme lié à une importante saisie de cocaïne effectuée en mai 2018 dans le port d’Oran, dans l’ouest du pays.
Des dossiers parmi d’autres, sur lesquels celui qui lors de son éphémère passage à la tête du gouvernement disait qu’il voulait « séparer la politique et les affaires » sera sans doute très surveillé.
HA/los/te/APA