Soutenues par le projet AICCRA-Sénégal en collaboration avec l’Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR), les coopératives semencières promeuvent une agriculture plus résiliente en fournissant des intrants de qualité et en utilisant des techniques d’agriculture intelligente face au climat (AIC) ainsi qu’un système d’information climatique (SIC) pour booster les revenus des agro-pasteurs.
Dans le département de Linguère, à Thiél, commune située dans la zone sylvopastorale (Nord-Ouest) du Sénégal, une révolution agricole est en marche. Le recours aux semences certifiées et aux informations climatiques transforme les pratiques agricoles et améliore les rendements des agropasteurs.
« La production de niébé m’a été très bénéfique. L’année dernière, même avec une quantité limitée de semences de qualité, j’ai pu obtenir une grande récolte de fanes en suivant les informations climatiques et en appliquant les bonnes pratiques agricoles. La vente de ces fanes m’a rapporté plus d’argent que certains producteurs qui, pourtant, disposaient de plus grandes quantités de semences traditionnelles », confie Ndèye Diagne, membre de la coopérative niébé agropastorale de Thiél.
Créée en 2023, cette coopérative bénéficie du soutien du projet AICCRA-Sénégal et de son partenaire ANCAR. Son objectif principal est de faciliter l’accès des producteurs et éleveurs à des intrants de qualité, des informations climatiques, ainsi qu’à des conseils sur les bonnes pratiques agricoles et d’élevage.
L’adhésion des femmes aux coopératives semencières leur permet de minimiser les risques liés aux aléas climatiques et de soutenir leurs époux, notamment dans l’achat d’aliments pour le bétail.
« La culture du niébé a été très bénéfique pour moi aussi, car la terre que j’ai utilisée, ainsi que les semences, étaient de qualité », souligne Bousso Ndiaye, autre membre de la coopérative.
Cependant, cette réussite a failli être compromise par une attaque d’insectes nuisibles lorsque les niébés ont commencé à mûrir. « En discutant de ce problème avec notre conseiller agricole, il m’a recommandé un produit adapté qui a permis d’éradiquer ces insectes et de sauver ma récolte », renseigne-t-elle.
Grâce à cette récolte, Bousso a également pu valoriser les résidus agricoles. « Le foin obtenu après la récolte, je l’ai donné au cheval de mon mari, qui avait labouré mon champ », révèle-t-elle.
En plus des membres des coopératives qui reçoivent des informations climatiques, des bonnes pratiques agricoles et des semences certifiées, d’autres producteurs bénéficient de ces innovations grâce au partage d’expériences au sein de la communauté.
« Nous avions nos vieilles habitudes et nous pensions que c’était une bonne chose pour nous, mais nous nous sommes rendus compte que tel n’était pas le cas depuis qu’on nous a formés et qu’au contraire le labourage nous handicapait à vrai dire », témoigne Ndiaga Niang, venu d’un village environnant.
La coopérative, un modèle pour l’accès à des intrants de qualité
Les coopératives semencières appuyées par AICCRA-Sénégal regroupent les producteurs pour échanger des connaissances, accéder à des ressources et planifier la production de semences.
Pour atteindre cet objectif à moyen et long termes, les agro-pasteurs ont désigné des producteurs leaders pour multiplier les semences dans des champs-écoles selon certains critères : disposer de terres suffisantes, d’une main-d’œuvre adéquate et d’une bonne réputation au sein du groupe. Ils sont soutenus par d’autres producteurs satellites.
« Parfois, nous allions sur les marchés pour acheter des semences, mais après un long travail, les rendements étaient insuffisants. C’est pourquoi nous avons suggéré aux habitants que pour obtenir des semences de qualité, il fallait s’inscrire à la coopérative. Une fois le nombre requis atteint, nous avons tenu une assemblée générale. C’est ainsi que la coopérative a été mise en place », explique Thierno Guèye de la coopérative niébé agropastorale de Thiél.
Thiél n’est pas la seule commune bénéficiaire du projet AICCRA-Sénégal. Créée l’année dernière, la coopérative des producteurs Jaambar de Méouane a été la première organisation partenaire du projet. Elle intervient dans la production et la multiplication de semences (mil, arachide, niébé) et d’autres activités agricoles.
Située dans le département de Tivaouane (Ouest), elle cherche principalement à contribuer à l’autosuffisance en semences de qualité pour ses membres, puis pour les autres producteurs de la commune.
S’appuyant essentiellement sur l’engagement de ses membres et sur les soutiens et conseils reçus des partenaires comme ANCAR, AICCRA, entre autres, elle a obtenu des résultats probants, avec l’introduction des innovations AIC et SIC qui a renforcé la résilience des femmes face aux effets du changement climatique.
« Parfois, des pluies hors saison tombent. Si on ne sait pas les identifier, on risque de semer trop tôt, et si les pluies cessent pendant un mois, nos semences pourrissent. Avec la cherté de l’arachide, c’est une perte énorme et cela est à éviter. La météo nous aide donc à prendre les décisions idoines aux moments opportuns », renseigne Maty Ndong, une habitante de Méouane, soulignant que les paysans ont pris leurs précautions.
Dans la région de Kaffrine (centre), le réseau des producteurs de céréales locales de Mabo (RPCLM) soutient ses membres en fournissant des semences certifiées, notamment dans la filière arachidière. Le soutien d’AICCRA-Sénégal et d’ANCAR a également permis en 2023 d’augmenter les quantités de céréales produites sur une même superficie où jadis on utilisait des semences traditionnelles aux rendements moins importants.
Femmes et jeunes au cœur des coopératives
L’un des aspects innovants du projet AICCRA est l’implication accrue des femmes et des jeunes dans la gouvernance des coopératives. Ces groupes, longtemps marginalisés, jouent désormais un rôle central.
A Thiél et Méoaune, les postes de Secrétaire général, de trésorier et de gestionnaire de la pluviométrie sont occupés par des femmes. A Mabo, l’accent mis sur l’inclusion a permis aussi d’intégrer 192 jeunes, dont 86 femmes, dans les activités coopératives cette année.
Malgré les progrès réalisés, des efforts restent à faire pour libérer pleinement le potentiel des femmes et des jeunes, notamment en plaidant pour un meilleur accès à la terre et en promouvant des activités comme le maraîchage pendant la saison sèche.
ARD/te/Sf/APA