Les nations participant à la Coupe d’Afrique des nations (Can) de football sont de plus en plus exigeantes. La 34e édition, organisée en Côte d’Ivoire du 13 janvier au 11 février 2024, a confirmé l’obligation de résultats pesant sur les entraîneurs engagés dans la compétition. La Can, un broyeur de sélectionneurs. [2/3]
« L’important, c’est de participer ». Cette citation du Baron Pierre de Coubertin, le père des Jeux Olympiques (JO) modernes, ne s’applique plus à la grand-messe biennale du football africain. Ouverte à 24 sélections depuis 2019, la Coupe d’Afrique des nations (Can) est devenue un tournoi dans lequel les coachs paient cash leurs erreurs.
Djamel Belmadi : de héros à zéro
L’Algérie est un pays où le football se vit intensément. Les victoires y sont fêtées avec faste. Les défaites ruminées longtemps. Né à Paris, en France, Djamel Belmadi est à l’image de son peuple.
Portés par Rabah Madjer, les Fennecs ont soulevé, chez eux en 1990, la première Can de leur Histoire. La traversée du désert a par la suite été longue. Nommé en 2018 au poste de sélectionneur de l’équipe nationale, l’ex-joueur de l’Olympique de Marseille a redonné au foot algérien ses lettres de noblesse.
Moins d’un an après sa prise de fonction, Belmadi a placé son pays sur le toit de l’Afrique au terme d’un parcours XXL : six succès et un nul en sept matchs ; treize buts marqués contre deux encaissés.
Entre octobre 2018 et janvier 2022, l’Algérie est restée sur une série d’invincibilité de 35 matchs toutes compétitions confondues. Un record en Afrique ! Comme un château de cartes, tout s’est écroulé contre la Guinée équatoriale à la 2e journée de la phase de groupes de la Can 2021. Vaincus sur la plus petite des marques, les Fennecs, entrés du mauvais pied dans le tournoi, n’ont pu résister à la force collective de la Côte d’Ivoire (1-3). Conséquence : élimination au premier tour pour le champion en titre.
Privé du Mondial 2022 par un but assassin du Camerounais Karl Toko-Ekambi en barrages, Belmadi a senti ce soir-là, au stade Mustapha Tchaker de Blida, la terre se dérober sous ses pieds. Il n’a jamais retrouvé la pleine mesure de sa science footballistique. La descente aux enfers s’est poursuivie à la Can 2023.
Les Fennecs ont semblé guéris durant les éliminatoires de cette édition, mais c’était un feu de paille. Ils sont retombés dans leurs travers en partageant les points face à l’Angola (1-1) en dépit d’une première période parfaitement maîtrisée avec un but majestueux de Baghdad Bounedjah, refusé pour une position de hors-jeu.
Déjà sous pression dès la 2e journée, l’Algérie a tout le temps couru derrière le score contre le Burkina Faso (2-2). Bounedjah, à la hauteur de l’évènement, a encore sorti son pays d’un mauvais pas. L’avant-centre besogneux a répondu, par deux fois, à des réalisations de Mohamed Konaté et Bertrand Traoré.
Avec deux nuls en autant de sorties, Riyad Mahrez et ses comparses avaient toujours leur destin en main. Trois points voire un seul, face à la Mauritanie, auraient suffi pour s’ouvrir les portes des huitièmes de finale. Mais une banderille plantée par Mohamed Dellah Yaly, à la suite d’un corner, a définitivement mis fin à l’ère Djamel Belmadi.
« J’ai rencontré le sélectionneur national pour discuter des conséquences de cette amère élimination. Nous sommes parvenus à un accord à l’amiable pour rompre le contrat qui le lie à la Fédération Algérienne de Football (FAF). Nous remercions l’entraîneur pour tout ce qu’il a fait pour l’équipe et lui souhaitons bonne chance pour la suite de sa carrière », a posté le 24 janvier 2024 sur X (ex-Twitter) Walid Sadi, président de la FAF.
Douche froide pour Jean-Louis Gasset
Entraîneur expérimenté et reconnu comme tel dans le foot français, Jean-Louis Gasset est arrivé, en mai 2022, sur le banc de la Côte d’Ivoire sans jamais auparavant diriger une équipe sur un continent particulier.
Les Éléphants sous les ordres de Gasset, dans les éliminatoires de la Can 2023 où ils étaient qualifiés d’office, ont terminé à la deuxième place du groupe H avec 13 points au compteur. Ils ont été devancés au goal average par la Zambie. En six journées, Serge Aurier et ses coéquipiers ont signé quatre victoires, un nul et une défaite pour neuf buts inscrits contre 5 pris.
Pour préparer au mieux la phase finale, la Côte d’Ivoire, en quête d’une formation rôdée, s’est mesurée en amical à domicile au Mali (0-0, match interrompu à cause de la pluie), au Maroc (1-1) et à l’Afrique du Sud (1-1). Même si les résultats n’ont pas récompensé leurs efforts, les Éléphants ont montré beaucoup de qualités.
Dans les qualifications à la Coupe du monde 2026, la Côte d’Ivoire a démarré pied au plancher le marathon : les Seychelles ont été atomisés 9-0 à Abidjan, la Gambie dominée 2-0 à Dar es Salam (Tanzanie).
À l’examen de ces résultats, on pouvait penser que la mayonnaise avait pris. Mais rien ne s’est passé comme prévu pour le fidèle adjoint de Laurent Blanc. Opposés à la Guinée-Bissau, en match d’ouverture de leur Can, les Éléphants ont fait le job en s’imposant sans éclat deux à zéro avec des réalisations de Séko Fofana et Jean-Philippe Krasso.
Le Nigeria, lors de la 2e journée, a sorti un match solide pour l’emporter sur la plus petite des marques (1-0). Victor Osimhen, au service d’un collectif solidaire, a provoqué un pénalty transformé en force par le capitaine William Troost-Ekong.
Ce revers a compliqué la donne dans une poule où la Guinée équatoriale a joué les trouble-fête. Justement, pour la der du groupe A, le Nzalang nacional a éteint la Côte d’Ivoire devant son public (0-4). Le renard des surfaces Emilio Nsue, l’artiste Pablo Ganet et le soldat Jannick Buyla… ont humilié toute une nation au stade olympique Alassane Ouattara d’Ébimpé. Ghislain Konan a regardé dans le vide, Christian Kouamé a pleuré comme une madeleine et Didier Drogba, en tribunes, n’en croyait pas à ses yeux. Il ne rêvait pas. Sa Côte d’Ivoire venait d’être piétinée.
Face au choc, la Fédération Ivoirienne de Football (FIF) a viré le duo aux commandes – Jean-Louis Gasset (70 ans) et Ghislain Printant (62 ans) – pour « résultats insuffisants, conformément au contrat d’objectif qui les liait à la FIF » alors qu’un espoir de qualification, certes mince, existait encore. Le nom du technicien français restera tristement dans les archives de la Can. Il est le premier sélectionneur limogé par un pays dont l’aventure s’est poursuivie dans la compétition au second tour.
Les limites objectives de Baciro Cande
« Notre objectif, c’est de passer enfin le premier tour. C’est vrai que notre poule est très difficile, mais tout est possible en football », a déclaré, début janvier 2024, le coach de 56 ans.
La Guinée Bissau, au bout du compte, a courbé l’échine face à la Côte d’Ivoire (0-2), à la Guinée équatoriale (2-4) et au Nigeria (0-1). Comme aux Coupe d’Afrique des nations 2017 au Gabon, 2019 en Égypte et 2021 au Cameroun, les Djurtus ont encore fini à la dernière place de leur groupe.
Baciro Cande a fait découvrir à son pays le plus grand tournoi de foot du continent, mais son bilan en douze rencontres est désastreux : 3 nuls et 9 défaites. Seuls le Mozambique (15) et le Bénin (14) ont disputé plus de matchs que la Guinée-Bissau (12) à la Can sans jamais en gagner un seul.
Arrivé sur le banc des Djurtus en 2016, Cande a conduit la Guinée-Bissau à quatre Can de suite. Un record pour l’ancienne colonie portugaise de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, Mama Baldé, Fali Candé et les autres n’ont pu franchir un palier.
Résultat : son contrat, expirant en mars 2024, n’a pas été renouvelé. « Le règne de Baciro Cande s’est terminé sur une note terne en Côte d’Ivoire. Il s’en va après sept ans à la tête de l’équipe nationale. Mais le coach a contribué à donner une autre image de la Guinée-Bissau. Qualifier son pays pour quatre Can consécutives a été un exploit admirable. Le successeur de Cande devra impulser de nouvelles idées, tout en s’appuyant sur l’héritage laissé par ce dernier », a noté la Confédération africaine de football (Caf).
Jadel Kadri, une première ratée en tant que N°1
Après l’élimination en quarts de finale de la Can 2021 par le Burkina Faso (0-1), Mondher Kebaier a été démis de ses fonctions de sélectionneur de la Tunisie. Jadel Kadri, entraîneur adjoint durant cette campagne, a été choisi pour sa succession.
Quelques semaines plus tard, le nouvel homme fort a qualifié son pays à la 6e Coupe du monde de son Histoire. Les Aigles de Carthage, au Qatar, n’ont pas été ridicules dans le groupe D : nul contre le Danemark (0-0), demi-finaliste de l’Euro 2021, revers face à l’Australie (0-1) et victoire de prestige contre la France, championne du monde en titre.
Malgré quatre points glanés, la Tunisie n’a pu décrocher l’un des deux tickets qualificatifs de cette poule au second tour. En Côte d’Ivoire, Youssef Msakni et consorts n’ont pas confirmé leur statut. Surpris par la modeste Namibie (0-1), les Aigles de Carthage ont été neutralisés (1-1) par le Mali lors de la 2e journée.
Battre l’Afrique du Sud, à l’occasion de l’ultime match, aurait satisfait le peuple tunisien, mais les hommes de Kadri n’en étaient pas capables (0-0). Une sortie de route prématurée avec le bonnet d’âne qui a scellé le sort du technicien local de 52 ans.
ID/ac/APA