Le leader du Front populaire ivoirien (FPI, opposition), Pascal Affi N’Guessan, explique dans une déclaration officielle, les raisons profondes de ce rapprochement de son parti avec le pouvoir.
M. Affi, le chef du FPI, parti fondé par Laurent Gbagbo, aujourd’hui président du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), s’exprimait ce samedi 28 janvier 2023, à Abidjan, lors de la cérémonie de présentation de vœux de nouvel an organisée par son parti.
Pour lui, « l’émancipation est détachement des misères politiques, éthiques et idéologiques, ces pathologies qui gangrènent certaines formations politiques de l’opposition et bloquent toute dynamique de progrès ».
L’émancipation, dira-t-il, « est aussi rupture avec la solitude politique sclérosante au profit de nouvelles alliances fécondantes, dynamiques et émancipatrices, qui permettent le plein développement de notre potentiel. C’est l’essence de l’alliance que nous allons conclure très prochainement avec le RHDP ».
Une alliance qui, selon M. Affi N’Guessan, vise à « dépasser les antagonismes du passé et nous engager à œuvrer conjointement dans le respect de nos différences et de l’autonomie de chaque parti, à la consolidation de la réconciliation nationale, au renforcement de la cohésion sociale ».
Le président du FPI, l’ancien Premier ministre Affi N’Guessan, y voit une union pour « la stabilité politique, la promotion de la bonne gouvernance et le renforcement de la lutte contre la corruption, ainsi que le développement économique et social de la Côte d’Ivoire ».
Une alliance à visée électorale
M. Affi a fait savoir que cette alliance devrait permettre de « conclure des accords électoraux, à l’occasion des consultations électorales de 2023 (municipales et régionales) et de 2025 (présidentielle) dans la dynamique d’une gestion conjointe de l’Etat ».
Toutefois, fera-t-il observer, « cette alliance suscite des frayeurs là où l’on rêve de nous voir sombrer et disparaître du paysage politique afin de pouvoir vivre et prospérer sur nos dépouilles. Mais à juste titre, nos militants s’en félicitent ».
Cette alliance est « appelée à bipolariser le paysage politique national, dans une configuration inédite en faveur des partis du pouvoir, mais plus encore, elle nous permet d’apporter notre sensibilité particulière à l’action du gouvernement, d’impulser une dynamique supplémentaire sur le plan social, de nous rendre utiles à notre pays et de disposer d’un tremplin pour la victoire commune en 2025 », a-t-il poursuivi.
« L’année 2023 est une année décisive. Année de l’émancipation et de la renaissance, elle doit être pour nous, pour tous, l’année de la qualité, de la productivité et de la compétitivité », a lancé l’ancien Premier ministre. Cette année est consacrée aux élections municipales et régionales.
Un revirement insoupçonné
Le FPI a longtemps connu une dissension en interne avec un camp dirigé par M. Affi N’Guessan et un autre conduit par des militants et cadres qui avaient décidé à l’issue d’un congrès que M. Gbagbo, en dépit de sa détention à La Haye, était désormais le président du FPI.
Cette situation a divisé les militants. Président selon les statuts, M. Affi N’Guessan n’a pas voulu quitter la tête de ce parti fondé par l’ancien président ivoirien. De retour de la Cour pénale internationale (CPI), après son acquittement, M. Gbagbo a préféré créer une autre formation politique, le PPA-CI.
M. Affi, farouche opposant au Rhdp, le parti au pouvoir, avait plusieurs fois dénoncé la gouvernance de ses dirigeants. Opposé à la candidature de Alassane Ouattara en 2020 jugeant un troisième mandat anti-constitutionnel, il a été arrêté à la suite d’actes d’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Après la perte du pouvoir par l’ancien président Laurent Gbagbo, en 2011, Affi N’Guessan avait été incarcéré avant d’être libéré. A la suite de la désobéissance civile liée à la crise postélectorale de 2020 il a été arrêté et relaxé. Jusqu’à début 2022, il avait des positions radicales et tranchées envers le pouvoir, avant que l’on apprenne une alliance en négociation avec le Rhdp.
Avec des idées de la gauche, certains s’interrogent comment il conduira le FPI dans cette nouvelle aventure politique. Il était d’ailleurs qualifié d’être à la solde du pouvoir et cette posture ne surprend pas véritablement les observateurs de la scène politique ivoirienne.
Convergences sur la gouvernance
M. Affi note que « face à l’inflation d’une part et à la crise des 49 (soldats ivoiriens détenus puis graciés au Mali) d’autre part, notre pays a fait respectivement l’expérience de la résilience et l’intelligence politique ».
« Grâce aux mesures pertinentes de soutien aux entreprises, aux ménages, aux retraités et aux travailleurs des secteurs publics et privés, l’économie ivoirienne ne s’est pas effondrée. L’épreuve a été douloureuse, elle l’est toujours, mais le pays tient », ajoute-t-il.
En outre, le patron du FPI évoque « le choix stratégique de la voie de la diplomatie qui a permis l’heureux dénouement de l’affaire des 49 soldats ivoiriens, le sang-froid et la sagesse politique démontrés par les autorités ivoiriennes à l’occasion de cette crise ».
Par ailleurs, « la Côte d’Ivoire monte en puissance en matière de défense et de sécurité, par réalisme politique face aux incertitudes du monde actuel. Mais, elle doit rester fidèle à sa philosophie de paix et de règlement pacifique des conflits », nuance-t-il.
Pour lui « la trêve sociale conclue par le gouvernement avec les syndicats des fonctionnaires et agents de l’Etat relève de cette philosophie (règlement pacifique). Il est manifeste, au regard de tous ces résultats, que le parti au pouvoir a consolidé ses bases en 2022 ».
« Pendant ce temps, l’opposition politique continue d’errer, victime du trouble de stress post-traumatique que, les anciens qui refusent la retraite, lui ont administré à travers leur alliance exclusive et excluante à l’occasion des élections législatives de mars 2021, au mépris des risques pris par les uns et les autres lors de la désobéissance civile de 2020. Dans ce contexte d’anomie, d’anémie, brumeux et répulsif, notre parti a choisi la voie de l’émancipation et de la Renaissance », a-t-il laissé entendre.
AP/APA