La suspension du journal en ligne Alwihda Info pour huit jours et la filature de son directeur de publication Djimet Wiché sont la goutte d’eau qui a débordé la vase.
La Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) et les organisations faîtières des médias ne sont pas en odeur de sainteté. En cause, la suspension du journal en ligne Alwihda Info pour huit jours. Dans des communiqués interposés, ces organisations engagent un bras de fer.
Dans les faits, le 24 août, la HAMA a suspendu le journal Alwihda Info pour huit jours à compter du 26 août. L’organe régulateur reproche au média la publication de deux articles dont l’un porte sur la radiation d’un haut gradé de l’armée et l’autre sur la sortie du président de transition lors de son séjour à Kouri Boougoudi.
Dans le premier article, l’auteur a rapporté les propos d’un haut gradé qui critique la discrimination dans l’armée dont sont victimes la communauté des Touba Borgate. Dans le second, le journaliste a qualifié « d’inepties » les propos du chef de l’Etat Mahamat Idriss Déby Itno tenus lors de son séjour à Kouri Bougoudi. Dans cette déclaration, le chef suprême des armées a invité les mouvements rebelles à la guerre. « Si vous voulez la paix, la porte est ouverte, mais si vous voulez la guerre, je suis à Kouri 60 et je vous y attends », avait-il déclaré.
Pour la HAMA, la diffusion de tels articles est contraire au code d’éthique et de déontologie du journaliste tchadien et aux lois 031 et 032 régissant le régime de presse au Tchad.
Le 26 août, soit le jour de l’entrée en vigueur de la sanction, le directeur de publication d’Alwihda Info, Djimet Wiché, auteur de ces articles incriminés, a affirmé avoir été pris en filature par deux véhicules appartenant au service des renseignements. Selon lui, il a échappé de peu à un enlèvement ou à un assassinat s’il n’avait pas trouvé refuge chez un particulier.
Lors d’une déclaration commune faite le 28 août, les organisations faîtières des médias tchadiens à savoir l’UJT, le PPT, l’URPT, l’AMET et l’AEPT, qualifient ces séries d’actes d’attentatoires à la liberté de la presse. « Face à la pression et à la tentative manifeste d’entraver la liberté de la presse, nous ne saurons demeurer silencieux », tonne le président du Patronat de la presse tchadienne (PPT), Juda Allahondoum. Apportant leur soutien à Alwihda Info, les organisations faîtières des médias estiment que la décision de la HAMA est « infondée ».
En réaction à cette déclaration, la HAMA a publié un communiqué pour recadrer les organisations faîtières des médias. Selon elle, le journalisme n’est pas une zone de non-droit, mais une profession noble dont l’accès et l’exercice sont réglementés par la loi. Pour l’organe régulateur, ces soutiens apportés au journal Alwihda Info sont de nature à faire la promotion « d’un journalisme de l’irresponsabilité. » Elle invite les organes de presse à se conformer à la loi et aux textes en vigueur et les journalistes à se faire délivrer la carte d’identité du journaliste professionnel.
Reporters Sans Frontières (RSF), par la voix du directeur du bureau Afrique subsaharienne, Sadibou Marong, a condamné les intimidations visant Djimet Wiché et son média. Il demande aux autorités de transition d’assurer sa protection. Le Tchad occupe la 109e place sur 180 dans le classement de RSF 2023.
CA/ac/APA