En Afrique de l’ouest et du centre, les défenseurs des droits humains qui combattent la corruption « sont confrontés à un manque de lois permettant de les protéger ».
Dans un nouveau rapport publié mardi 11 juillet, Amnesty International met en cause la responsabilité des États d’Afrique de l’ouest et du centre sur le niveau de corruption alarmant dans ces régions. L’organisation a profité de la Journée africaine de lutte contre la corruption et du vingtième anniversaire de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption pour appeler les autorités de ces pays à « cesser de persécuter » les défenseurs des droits humains qui dénoncent la corruption, les pots-de-vin et les abus de pouvoir. Elle les invite également à « prendre des mesures concrètes et efficaces pour les protéger et les soutenir ».
Amnesty International relève que « dans 19 pays » de ces régions, surtout au Niger, au Togo et au Cameroun, les militants qui combattent la corruption risquent des arrestations, du harcèlement, des placements en détention, de lourdes amendes et même la mort en dénonçant ces agissements. D’autres font l’objet de procès et de poursuites pénales, en violation de leur droit à la liberté d’expression.
Au Niger, la journaliste et blogueuse Samira Sabou a été condamnée à une peine d’un mois de prison et une amende de cent dollars américains pour « diffamation par un moyen de communication électronique » à la suite d’une plainte déposée en juin 2020 par Sani Mahamadou Issoufou, ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Énergies renouvelables et fils de l’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou.
La plainte a été portée contre elle après qu’un utilisateur de Facebook a mentionné le nom d’Issoufou dans un commentaire qui répondait à une publication faite par la journaliste sur des allégations de corruption lors d’une opération d’achat d’armes. Bien que Samira Sabou n’ait pas mentionné le nom de Sani Mahamadou Issoufou dans sa publication, explique Amnesty, elle a été arrêtée et immédiatement transférée à la prison de Niamey où elle a passé « 48 jours ».
Pour l’instauration de lois protectionnistes…
Au Togo, son confrère Ferdinand Ayité a été arrêté le 10 décembre 2021 après avoir accusé deux membres du gouvernement de corruption dans son émission « L’autre journal » diffusée sur sa chaîne YouTube. Le 15 mars 2023, il a été condamné avec un confrère à trois ans d’emprisonnement et trois millions de francs CFA d’amende pour « outrages envers les représentants de l’autorité publique » et « diffusion de fausses informations ». Tous deux ont fait appel de cette décision même s’ils « ont dû fuir le pays pour leur sécurité », affirme l’organisation.
Au Cameroun également, le journaliste Martinez Zogo, directeur de la station de radio privée Amplitude FM, « a été enlevé » par des hommes non identifiés le 17 janvier 2023. « Son corps mutilé a été retrouvé sur un terrain vague aux abords de Yaoundé, la capitale, le 22 janvier. Avant son enlèvement, il enquêtait et avait publié des informations sur le détournement présumé de centaines de milliards de francs CFA par des personnalités politiques et du monde des affaires proches du gouvernement », dénonce Amnesty International.
Devant ces faits, elle appelle à la mise en place « de meilleures lois pour protéger les personnes qui combattent la corruption » dans les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, notant qu’« actuellement, seuls la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger ont adopté des lois sur la protection des défenseurs des droits humains, et seul le Ghana possède une législation visant spécifiquement à protéger les lanceurs et lanceuses d’alertes ». Pour Amnesty, les autorités dans ces régions ont plus tendance à adopter « des lois répressives pour restreindre l’exercice des droits fondamentaux et utiliser des lois existantes pour faire taire les voix critiques ».
Cependant, « la corruption est un fléau qui a un effet destructeur sur les droits humains en Afrique de l’Ouest et du Centre. Il est essentiel, pour garantir l’exercice de tous les droits fondamentaux dans la région, de protéger les droits des personnes qui combattent la corruption et de veiller à ce que la société civile et la presse puissent tenir un langage de vérité aux autorités », fait remarquer Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.
ODL/ac/APA