Principaux protagonistes de la crise soudanaise, Abdel Fatta al-Burhan et Mohamed Hamdan Dagalo sont sourds aux appels internationaux répétés à la retenue.
Vu de l’extérieur, les deux généraux au cœur de l’actuelle crise de leadership au Soudan partagent une alchimie indéniable qui les a vus travailler en étroite collaboration par le passé.
Abdel Fatta al-Burhan et Mohamed Hamdan Dagalo, connu sous le nom de Hemeti, ont uni leurs forces lors d’opérations visant à calmer l’insurrection au Darfour et ont travaillé à l’unisson pour organiser le coup d’Etat d’avril 2019 qui a déposé Omar el-Béchir après 30 ans au pouvoir.
Burhan, en tant que chef des forces armées soudanaises (SAF), est devenu le chef de la junte militaire, tandis que Hemeti s’est contenté d’être son adjoint et le chef des forces de soutien rapide (FSR), un groupe paramilitaire qui avait gagné en puissance et en stature depuis l’insurrection du Darfour et la volonté de M. el-Béchir de rester au pouvoir en l’érigeant en rempart contre l’insurrection.
Cependant, en 2023, l’alchimie qui les avait soudés semble s’être estompée et a fait place à une méfiance mutuelle à peine dissimulée, due à des ambitions concurrentes pour la position de leader ultime au Soudan.
L’éclatement soudain des combats a montré à quel point la température politique dans le troisième plus grand pays d’Afrique avait chuté et menaçait de s’enfoncer encore plus dans les abîmes du chaos qui avait causé la mort de centaines de personnes, y compris des civils, et la fuite de dizaines de milliers de personnes à Khartoum et dans les régions périphériques.
Burhan et Dagalo à couteaux tirés
De nombreux observateurs soudanais affirment que le conflit actuel au Soudan était prévisible, étant donné que les deux hommes avaient des visions différentes de la nature d’une transition supposée vers un régime civil démocratique et de l’avenir des FSR au sein de ce patrimoine politique.
Burhan, militaire de carrière, a montré qu’il n’était pas différent des anciens chefs militaires comme el-Béchir, qui ont gouverné le Soudan avec une combinaison de militocratie et de ferveur islamiste.
La nomination d’anciens amis d’el-Béchir à des postes clés du gouvernement n’a guère apaisé le ressentiment de Hemeti et de ses alliés, qui craignent que la marque fondamentaliste de la théocratie militante ne revienne dans l’appareil d’État soudanais par des moyens détournés.
Le chef des FSR estime que Burhan a délibérément ramené les années d’el-Béchir et, par conséquent, étouffé toute chance de conduire le pays vers une démocratie constitutionnelle, comme promis lorsqu’ils se sont unis pour balayer l’ancien président et ont accepté de partager le pouvoir avec les civils.
Burhan, quant à lui, a des doutes sur Hemeti et ses ambitions, surtout après que ce dernier a conclu des alliances avec d’anciens rebelles du Darfour contre lesquels les deux hommes s’étaient autrefois battus et avaient vaincus.
Une partie des FSR est constituée d’anciennes milices janjawids créées par Omar el-Béchir pour aider son armée à réprimer les rebelles du Darfour et offrir un équilibre de puissance militaire afin de le maintenir relativement à l’abri des insurrections occasionnelles contre son régime.
Hemeti est lui-même un Darfourien et son geste ne pouvait qu’éveiller des soupçons quant à sa capacité à utiliser ce réseau complexe d’alliances avec ses frères darfouriens pour renverser les échelons supérieurs de la classe privilégiée de Khartoum, qui en était venue à considérer le pouvoir politique au Soudan comme sa chasse gardée.
Selon certaines sources, Burhan éprouve également un profond ressentiment à l’égard de l’influence croissante de Hemeti, en particulier après son rôle dans la participation active des troupes soudanaises au conflit au Yémen, aux côtés de la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite.
Alors que Burhan s’est construit au fil des ans une formidable base de pouvoir grâce à sa position prééminente dans l’armée soudanaise, son allié et ennemi n’a pas seulement les FSR sous sa coupe, mais aussi une réputation croissante de magnat des affaires, impliqué dans une pléthore d’entreprises commerciales et se vantant de posséder des mines d’extraction d’or.
Sourds aux appels à la retenue de la Communauté internationale
Malgré plusieurs trêves, les deux hommes ont enfoncé leurs talons dans le sable, apparemment sourds aux appels internationaux répétés à la retenue.
Leurs hommes semblent enfermés dans une impasse sanglante dans les rues de Khartoum et d’Omdurman, où ils sont déterminés à trouver une issue militaire aux hostilités qui ont fait plus de 500 victimes, principalement des civils, dont beaucoup sont piégés dans leurs maisons.
Hemeti insiste sur la nécessite pour les combattants de Burhan qui utilisent des moyens aériens d’arrêter de pilonner les positions des FSR à Khartoum et dans d’autres villes pour que les hostilités ne cessent totalement.
Burhan, quant à lui, continue d’exiger que Hemeti renonce à son « rôle de traître » qui a mis le Soudan à feu et à sang et inversé sa trajectoire de développement.
Aucune des parties ne semble prendre le dessus.
WN/as/fss/ac/APA