Les engins explosifs improvisés sont un mode d’attaque privilégié des groupes armés non étatiques et ciblent principalement les forces armées nationales mais font un nombre croissant de victimes civiles.
Dans une note rendue publique mercredi 12 avril, le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU au Mali (OCHA Mali) a relevé, au premier trimestre de cette année, plusieurs incidents liés aux engins explosifs, faisant de nombreuses victimes civiles. Pour la plupart, ce sont les cas des quatre enfants de 11 à 13 ans qui ont perdu la vie à Ségou et à Ansongo à la suite de l’explosion d’engins improvisés au cours des deux dernières semaines de mars.
Depuis le début de l’année, les acteurs humanitaires ont recensé pas moins de 39 incidents liés aux engins explosifs improvisés (EEI). Cette situation a occasionné la mort d’au moins 39 personnes. Par ailleurs, 86 autres ont été blessées. 42% des victimes sont des civils.
Les incidents affectant les civils sont les plus mortels en raison de la vulnérabilité de ces derniers aux explosions mais également au manque de services de premiers secours suffisants. Ainsi, le taux de mortalité des civils est de 42% contre 36% pour les forces de sécurité et de défense maliennes et 10% pour la MINUSMA. Il est donc clair que la menace des engins explosifs s’étend des régions moins peuplées du nord à celles du centre et du sud, densément peuplées.
La prolifération et l’éparpillement des EEI/mines dans les régions du centre impactent fortement l’accès des populations à leurs moyens d’existence, aux services sociaux de base et à l’assistance humanitaire. Les rapports humanitaires de mars 2023 indiquent que l’engin qui a ôté la vie aux enfants à Ségou était dissimulé dans une canette de soda. Le dimanche 9 avril dernier, 6 forains dont 5 femmes ont perdu la vie dans l’explosion d’un EEI sur une charrette à bord duquel ils se déplaçaient près de Sofara, dans la région de Mopti.
A lire aussi – Les engins explosifs improvisés : l’autre arme des jihadistes au Sahel
Pour OCHA Mali, ce faits prouvent que la menace explosive prend des formes pernicieuses de piège pour personnes innocentes et non averties. L’ampleur et les formes que revêt la menace explosive dans l’espace humanitaire fait craindre à des acteurs humanitaires le risque d’être directement ciblés par les EEI/mines. Dans la région de Gao, une ONG internationale a décidé de suspendre provisoirement à fin mars ses activités de sensibilisation par peur d’être impactée par les engins explosifs. D’autres contournent les axes routiers classés rouge, avec comme conséquence des coûts supplémentaires sur leurs capacités d’intervention.
Sur les 15 derniers mois, les humanitaires et les populations civiles se sont trouvés confrontés à une moyenne mensuelle de 40 incidents, signe que la menace s’installe durablement, avec le risque de sophistication grandissante et un impact plus dévastateur.
Les EEI sont un mode d’attaque privilégié des groupes armés non étatiques et ciblent principalement les forces armées nationales mais font un nombre croissant de victimes civiles (205 civils tués en 2022 contre 119 en 2021). Les EEI/mines constituent également un obstacle sérieux à l’accès des populations aux champs et aux pâturages, aux marchés ou aux services/besoins de base tels que la santé, l’eau ou l’éducation. Cette situation semble en partie liée à l’intensification de la pose d’EEI/mines ciblant les opérations militaires régulières en forte hausse dans le centre en 2022. Elle s’accompagne également d’un éparpillement de ces engins sur des zones plus vastes et les axes secondaires cruciaux pour les mouvements des populations civiles. La région où les civils sont les plus touchés par les EEI/mines reste la région de Mopti, avec 86% de la totalité des victimes civiles dans le pays en 2022 – en particulier les cercles de Bankass, Bandiagara, Djenné et Mopti. Des zones situées dans le sud, notamment les cercles de Yorosso et de Nara dans les régions de Sikasso et Koulikoro sont également concernées.
MD/ac/APA