Le ministre d’État nigérien à la Défense nationale a exposé un plan ambitieux de restructuration militaire et diplomatique, marqué par des recrutements massifs et de nouveaux partenariats stratégiques, malgré l’embargo international.
Dans le cadre d’une série d’entretiens télévisés avec les membres du gouvernement nigérien sur le bilan de leurs 18 mois d’exercice, le général Salifou Mody, ministre d’État nigérien à la Défense nationale, a livré mardi soir sur Télé Sahel un état des lieux approfondi de la réorganisation militaire du pays depuis le 26 juillet 2023, date de la prise du pouvoir par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNDP) suite à un coup d’Etat contre Mohamed Bazoum.
Le ministre a d’abord dressé un diagnostic critique de l’héritage sécuritaire d’avant l’arrivée au pouvoir du général Abdourahamane Tiani.
« Avant les événements du 26 juillet 2023, notre pays était en insécurité tout simplement parce que nous ne maîtrisions pas la situation sécuritaire. Nous étions sous tutelle », a-t-il déclaré, pointant une « désorganisation » des structures de sécurité et l’impossibilité pour les forces de défense de « travailler en synergie », une situation qui, selon lui, « faisait l’affaire des forces étrangères, particulièrement françaises ».
Face à ce constat, le ministère a engagé une restructuration d’envergure. En 2024, malgré l’embargo international, les Forces armées nationales et la gendarmerie ont recruté 12 792 personnes, incluant officiers, sous-officiers, militaires du rang et spécialistes dans des domaines variés (santé, télécommunications, génie). Parallèlement, 18 377 personnels ont été formés dans les centres nationaux, soit une augmentation de 66 % par rapport à 2023. « Une armée ne vaut que par ce que valent les hommes », a souligné le général Mody.
Le renforcement matériel n’est pas en reste, avec l’acquisition de nouveaux aéronefs, véhicules de transport et de combat, moyens logistiques et véhicules blindés. Des infrastructures ont également été développées pour « améliorer les conditions de vie et de travail du personnel ».
Sur le plan stratégique, une nouvelle doctrine nationale de défense est en cours d’élaboration. Elle englobe les aspects militaires, économiques, diplomatiques et infrastructurels, tout en prenant en compte l’environnement régional et international. Le ministre a particulièrement insisté sur la mise en place d’une « stratégie militaire collaborative » impliquant forces de défense, forces de sécurité et populations face à des menaces qualifiées de « multiformes » : groupes criminels aux frontières, tentatives de déstabilisation, embargos et « guerre de la communication ».
La diplomatie militaire a connu un bouleversement majeur après la dénonciation des accords de défense avec la France fin 2023. Le Niger a diversifié ses partenariats, notamment avec la Chine et la Turquie qui ont nommé des attachés de défense à Niamey, mais aussi avec l’Iran, l’Égypte et la Russie, dont la coopération « en léthargie » a été « renouvelée et renforcée ». Le ministre a particulièrement mis en avant l’Alliance des États du Sahel (AES) avec le Mali et le Burkina Faso, qualifiée de « principale force » et d’« avènement original ».
« Notre pays ne peut être défendu que par nous-mêmes, les forces armées en avant, la population en soutien », a conclu le général Mody, réaffirmant que « la conquête de la souveraineté passe avant tout par l’exploitation des ressources nationales au profit de nos populations ».
AC/te/Sf/APA