Accra devrait se préparer à des incursions jihadistes comme ses voisins du Golfe de Guinée.
Les attaques jihadistes au Burkina Faso ont suscité l’inquiétude de nombreux habitants du Ghana voisin, où les signaux d’alarme concernant une éventuelle contagion ont atteint des niveaux plus élevés qu’à l’accoutumée.
À l’exception d’une barrière métallique servant de structure de séparation officielle pour guider les voyageurs circulant de part et d’autre de la frontière, rien ne sépare réellement la ville de Paga (Ghana) de la ville de Dakola, dans le sud du Burkina Faso.
Ces deux villes presque juxtaposées est une preuve réelle du principe de la libre circulation des personnes, des biens et autres services entre le Ghana et le Burkina Faso.
Cependant, d’autres activités bien moins innocentes se déroulent dans la même zone, appartenant au monde interlope des contrebandiers, dont les responsables de la sécurité craignent qu’ils ne fassent déjà le jeu des jihadistes du Burkina Faso, accusés de tuer et de mutiler des civils sans discernement et de perturber la vie économique de la région.
Selon certaines sources, des armes ont franchi la frontière, ce qui fait craindre que la propagation de l’insurrection burkinabé dans le nord du Ghana ne soit qu’une question de temps et non de probabilité.
Comme dans la plupart des pays d’Afrique, la porosité de la frontière entre le Ghana et son voisin immédiat, au nord, a toujours fait le bonheur des acteurs de la contrebande de tous types de produits.
En l’espace de quelques années, ces malfaiteurs se sont transformés en un réseau inquiétant de trafiquants d’armes qui, le plus souvent, sont entrés en contact avec les jihadistes qui, selon les renseignements, pourraient chercher à étendre leurs sphères d’opérations à d’autres États voisins.
Le Ghana se trouve, de manière précaire, à la périphérie de cette expansion possible et peut donc s’inquiéter à l’idée d’être pris dans le cycle apparemment sans fin de la violence jihadiste dont il a été jusqu’à présent résolument à l’abri.
Avec l’insurrection au Burkina Faso qui s’étend au-delà des frontières méridionales du pays, sur le territoire de son voisin maritime, le complexe de sécurité du Ghana a été mis à contribution.
Lors d’une rencontre avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, en marge du sommet Etats-Unis-Afrique tenu en décembre dernier à Washington, le président ghanéen, Nana Akufo-Addo avait indiqué que l’insurrection au Burkina Faso attirait d’autres protagonistes plus près des frontières du Ghana, une situation qu’il a qualifiée d’inquiétante. Le chef de l’Etat ghanéen avait affirmé que des mercenaires de Wagner, groupe paramilitaire privé russe étaient présents dans cette partie du territoire burkinabé.
Bien que ses propos aient froissé la junte de Ouagadougou, provoquant un conflit diplomatique avec Accra, il était clair que l’insurrection au Burkina Faso se faisait sentir plus près de son pays – en fait, trop près pour que son administration et les Ghanéens ordinaires vivant dans et autour de villes comme Paga puissent s’en réjouir.
Les villes peuvent être utilisées pour rassembler et transporter des armes que les insurgés peuvent utiliser pour lancer des raids sur leurs cibles, quel que soit l’endroit où ils choisissent de frapper.
Les réfugiés qui ont fui les violences sanglantes des jihadistes dans le sud du Burkina Faso ne sont pas près de retourner dans leurs villages, étant donné que la violence continue de s’étendre.
Nombreux sont ceux qui se sont réfugiés à quelques kilomètres de la frontière et qui craignent que les jihadistes ne les rattrapent à nouveau dans leur nouveau foyer.
Craignant l’expansion jihadiste observée dans les États du golfe de Guinée comme le Togo, la Côte d’Ivoire et le Bénin, les autorités ghanéennes semblent très promptes à prendre des mesures de sécurité.
Stephen Yakubu, ministre de la région de l’Upper East au Ghana, explique que le gouvernement ne prend pas de risques et a renforcé sa présence sécuritaire le long des frontières qu’il partage avec ces pays infestés d’insurgés, qui ont été décrits comme la nouvelle ligne de front.
Il affirme que le Ghana ne permettra pas aux jihadistes de diviser le pays sur la base de l’appartenance ethnique et de s’en servir pour semer les graines de l’anarchie. « C’est pourquoi nous renforçons la sécurité le long de toutes nos frontières », souligne Yakubu.
De son côté, Awal Ahmed Kariama, un Ghanéen qui dirige Rural Initiatives for Self-Empowerment, une organisation de défense des droits à but non lucratif, estime qu’il est désormais impératif d’œuvrer pour éloigner les jeunes esprits de l’extrémisme, quel qu’il soit.
Son ONG est depuis lors en première ligne pour cibler les jeunes près de la frontière afin de les dissuader d’envisager de rejoindre les jihadistes qui opèrent à quelques kilomètres en territoire burkinabé.
Son message aux habitants de la ville frontalière de Paga est d’être aux avant-garde pour sauvegarder leur propre sécurité en étant vigilants face à la pénétration de l’extrémisme sous couvert de dogmes religieux.
Portant la notoriété des villes frontalières, Paga est soupçonnée d’être une voie par laquelle les insurgés du Burkina Faso font passer en contrebande les armes qu’ils utilisent pour poursuivre leur insurrection.
Bien que le gouvernement ghanéen ait à plusieurs reprises minimisé les incursions dans le nord du pays depuis 2021 en les qualifiant d’incursions extrémistes, il a été forcé de reconnaître que de telles violences pourraient être plus réelles qu’imaginées dans un avenir proche.
S’adressant à une chaîne de télévision locale au Ghana, Adib Saani, analyste renommé en matière de sécurité, estime que la menace des insurgés est plus imminente que ne le reconnaît l’État.
Il s’inquiète du fait que les militants pourraient trouver dans l’afflux de dizaines de milliers de réfugiés du Burkina Faso une couverture commode pour infiltrer le pays et étendre leur champ d’action au-delà de leur théâtre d’opérations actuel.
WN/as/lb/ac/APA