Au Ghana, moins de six mille francs CFA suffisent pour fabriquer une arme à feu artisanale.
En Afrique de l’ouest, le commerce des armes à feu artisanales constitue une menace pour la vie des populations. Selon une étude publiée, lundi 6 novembre, par l’Institut d’études de sécurité (ISS), ces armes fabriquées pour un coût dérisoire au Ghana se retrouvent dans certains pays de cette région ouest-africaine, plus particulièrement dans les pays du Sahel minés par les violences de groupes jihadistes.
« Si la fabrication illégale est une préoccupation majeure pour la sécurité intérieure du Ghana, la menace s’étend au-delà de ses frontières. Les armes artisanales ghanéennes alimentent souvent les conflits dans les États voisins. Certains engins explosifs découverts entre autres au Mali et en Guinée ont été identifiés comme provenant du Ghana. De même, l’instabilité croissante du Burkina Faso voisin a créé un commerce illégal florissant d’armes artisanales », déclarent Abdelkader Abderrahmane et Solomon Okai, auteurs de cette étude publiée pour la première fois par ENACT, un projet financé par l’Union européenne (UE) et mis en œuvre par l’ISS en partenariat avec INTERPOL et l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée.
Au Ghana notamment, ils estiment que neuf dollars américains, environ 5500 francs CFA, sont suffisants pour fabriquer une arme à feu artisanale. « Les armuriers produisent environ 200 000 armes illégales par an et les vendent entre 90 et 150 dollars. Ces armes sont largement utilisées par les criminels dans les cambriolages domestiques, par le banditisme, dans les trafics et les opérations de représailles », soulignent MM. Abderrahmane et Okai avant de préciser que « les fabricants d’armes illicites sont généralement des forgerons » dont le savoir-faire se transmet d’une génération à l’autre, ou parfois à des apprentis.
« Les forgerons fournissent des armes artisanales à des intermédiaires qui les revendent à des trafiquants. Ces derniers les acheminent clandestinement à travers la frontière et approvisionnent des réseaux de distribution bien établis. Au niveau local, les armes sont fournies aux criminels des régions proches de leur lieu de fabrication et aux trafiquants du Nigeria et de la Sierra Leone, qui ne craignent pas d’être poursuivis », décrivent-ils, montrant ainsi que le Ghana, « malgré l’interdiction de la production d’armes », possède l’un des réseaux les plus élaborés de production et de trafic de la région.
Le pays du président Nana Akuffo-Addo dispose d’un « système de codage » pour distinguer clairement les armes des services de sécurité de celles des civils, un « effort » qui s’aligne sur la convention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sur les armes légères et de petit calibre qui demande aux pays membres de marquer les armes à feu pour en faciliter l’identification et la traçabilité. Cependant, Abdelkader Abderrahmane et Solomon Okai indiquent d’autres actions qui pourraient « stopper cette économie illicite » et nocive pour la sécurité de plusieurs milliers d’Africains.
Elles consistent entre autres à mettre en place une « base de données de tous les forgerons du Ghana » dans le but d’identifier ceux qui se livrent à la fabrication artisanale d’armes à feu, « garantir la conformité de la fabrication de produits légaux, tels que les outils agricoles » et « reconnaître l’implication probable des fonctionnaires dans la facilitation du commerce illégal, en particulier aux frontières ».
Toutefois, « une approche plus intéressante serait de réglementer l’industrie des armes artisanales afin que les forgerons opèrent légalement et que l’État puisse facilement en contrôler le commerce », estiment les auteurs de l’étude qui restent persuadés que de telles « mesures contribueront de manière significative à l’objectif ambitieux, mais crucial, de l’Union africaine de faire taire les armes en Afrique d’ici 2030 ».
ODL/ac/APA