Au Sénégal, une Assemblée nationale « modernisée » accueille samedi 29 juin un débat d’orientation budgétaire alors que plusieurs de ses membres réclament la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Ousmane Sonko.
L’Assemblée nationale sénégalaise affiche un nouveau visage. Les travaux de rénovation, commencés le 17 mai 2023 avec « l’appui » de l’Agence coréenne de coopération internationale (KOICA), « ont pris fin », a indiqué le parlement sénégalais dans une note transmise vendredi 28 juin à APA.
Le document indique que ce projet réalisé visait à moderniser les moyens de communication de « l’Assemblée nationale du Sénégal avec le public ».
Les travaux, réalisés par « deux entreprises sénégalaises », ont concerné quatre niveaux. Outre la reconfiguration de l’architecture intérieure pour une meilleure distribution de l’espace, des équipements de communication audio et vidéo de dernière génération assurant la digitalisation des procédures de prise de parole, de vote et de comptage de voix ont été installés. De nouvelles cabines modernes d’interprétation ont été aménagées, sans compter le déploiement de nouvelles plateformes digitales.
« Ces avancées majeures sont le résultat de la volonté du président Amadou Mame Diop, dès son installation à la tête de l’Assemblée nationale du Sénégal, de moderniser le cadre de travail des députés et de permettre un meilleur accès du public aux informations relatives à l’organisation et au travail parlementaire », souligne le communiqué.
La modernisation du parlement sénégalais s’est opérée dans un contexte de polémique intense entre les députés du pouvoir et de l’opposition sur la tenue ou non de la déclaration de politique générale (DPG) du nouveau Premier ministre. Près de trois mois après sa nomination, Ousmane Sonko ne l’a toujours pas faite comme cela est de coutume dans les 90 jours suivant l’installation du chef du gouvernement au Sénégal.
Manœuvre politique
Face à la presse mercredi 26 juin, les députés de Yewwi Askan Wi (YAW, libérer le peuple, au pouvoir) ont indiqué que Sonko ne pouvait techniquement pas faire de DPG, parce que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale n’en faisait pas mention.
« L’audition du Premier ministre est impossible puisqu’elle ne figure pas dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale », a déclaré Ayib Daffé, nouveau président du groupe parlementaire YAW, minoritaire cependant à l’Assemblée nationale face à Benno Bokk Yakaar (BBY, unis pour un même espoir) proche de l’ex-président Macky Sall (2012-2024).
Il souligne que les dispositions des articles 97, 98 et 99 et des chapitres 22, 23 et 24 avaient été retirées après la suppression du poste de Premier ministre par l’ancien chef de l’Etat à la suite de sa réélection en 2019. Macky Sall était revenu sur cette mesure, en 2021, alors que les députés semblent avoir oublié de remettre ces dispositions parlementaires précédemment retirées.
Toutefois, certains opposants indiquent que la posture des députés de YAW n’est qu’une manœuvre destinée à « secourir » Ousmane Sonko, à lui éviter notamment de faire face aux députés de la quatorzième législature composée majoritairement de membres de l’ancienne coalition au pouvoir, BBY. Pour eux, le Premier ministre voudrait surtout éviter une motion de censure qui occasionnerait sa démission et celle de son gouvernement.
Les députés de BBY promettent d’ailleurs de riposter à leurs collègues de YAW lors d’un point de presse prévu cet après-midi de vendredi à Dakar. Les débats risquent d’être plus tendus puisque les parlementaires se retrouveront demain samedi à l’Assemblée pour une séance plénière sur le Débat d’orientation budgétaire (DOB), en présence du ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba.
Dissolution
Ousmane Sonko ne s’est pas encore prononcé sur la polémique en cours,même s’il avait demandé récemment aux différents ministres de son gouvernement de préparer, avec leurs services techniques, les termes de référence qui doivent alimenter sa DPG, qu’il promettait de tenir « dans les meilleurs délais ».
En revanche, des proches, comme l’ancienne Première ministre Aminata Touré, conseillent à Sonko de ne pas se présenter face à une législature « impopulaire » suite à la perte du pouvoir de BBY lors de la dernière élection présidentielle, tenue le 24 mars 2024, consacrant la victoire au premier tour de l’opposant Bassirou Diomaye Faye, choisi par Ousmane Sonko comme candidat de la coalition.
Mme Touré recommande au leader de ce parti, devenu Premier ministre du Président Faye qui porte une vision « panafricaniste » et « souverainiste », d’attendre la dissolution du parlement qui pourra constitutionnellement s’effectuer après le 31 juillet prochain, soit après deux ans d’exercice de la 14ème législature. Il pourra de ce fait se présenter devant de nouveaux députés qui seront choisis à l’issue d’élections législatives organisées au plus tard dans les 90 jours suivant la dissolution du parlement, soutient-elle.
ODL/te/Sf/APA