À un mois des élections générales dans son pays, l’ambassadeur sierra-léonais accrédité au Sénégal, en Mauritanie et au Cabo Verde, Alhaji Brima Elvis Koroma, milite pour la réélection du président Julius Maada Bio. Dans un entretien accordé à APA, le diplomate explique que le chef d’État a su gérer les chocs exogènes au cours de son premier mandat, tout en s’efforçant à donner une meilleure image sur la scène internationale à ce pays ouest-africain ayant connu la guerre civile entre 1991 et 2002.
L’élection présidentielle en Sierra Leone est prévue en juin prochain. Quel est le bilan du président Julius Maada Bio qui brigue un second mandat ?
Les mérites du président Bio sont reconnus au pays et à l’étranger. La concrétisation des engagements de son premier mandat dans les domaines de l’éducation, l’égalité des sexes, l’électrification rurale, la liberté de la presse, la création d’agences de prestation de services (gestion de catastrophes, lutte contre la corruption etc.) est sanctionnée par des notes internationales positives. Les réformes progressistes et libérales du président Bio dans le secteur de l’éducation, pour l’abolition de la peine de mort, l’abrogation de la loi sur l’ordre public, l’autonomisation des femmes et l’engagement pour de meilleures lois sont aussi une réalité en Sierra Leone.
Le principal opposant, Samura Kamara, estime que le président sortant n’a pas su régler les difficultés économiques. Cette situation serait à l’origine des violentes manifestations d’août 2022 qui ont fait des dizaines de morts. Que répondez-vous à ces critiques ?
Dr Samura Kamara était au centre de l’écono mie sierra-léonaise depuis plus de 40 ans en tant que Secrétaire financier national et Gouverneur de la Banque centrale de la Sierra Leone. Il a occupé aussi les postes de ministre des Finances et des Affaires étrangères. En tant que candidat à la Présidentielle, il soutient qu’il fera campagne sur le défi systémique, arguant que le pays est incapable de se nourrir. Cette affirmation est absurde et risible. (…) Dr Kamara a occupé des positions très élevées dans ce pays. S’il y avait vraiment eu une bonne politique de gestion de sa part, le pays n’aurait pas glissé dans l’austérité. Sa déclaration est donc fausse et est destinée à tromper les citoyens crédibles.
Julius Maada Bio a pris les rênes d’une économie malmenée, marquée par une corruption systémique débridée. Avec des politiques budgétaires prudentes, il a institué un compte de trésor unique et mis l’économie sur les rails avant que les économies mondiales ne subissent les chocs exogènes de la Covid-19. Il a déployé des programmes gouvernementaux pour une école publique gratuite et de qualité et pour l’augmentation du budget dans le secteur de la santé, entre autres.
En revanche, les manifestations du 10 août 2022 n’étaient pas provoquées par les conditions économiques difficiles. Un comité spécial d’enquêteurs a découvert que les manifestations étaient planifiées, financées et exécutées par des membres bien connus de l’opposition pour renverser le gouvernement. C’est inacceptable !
Que fait l’administration de Bio pour faire face à la crise économique, en particulier la forte dépréciation de la monnaie locale (Leone) et l’hyperinflation qui ont exacerbé le problème de la faim et de la pauvreté en Sierra Leone ?
L’inflation est antérieure à la venue du chef de l’État. Auparavant, les fonctionnaires sierra-léonais ne recevaient pas à temps leur salaire. Cela est devenu un vieux souvenir aujourd’hui. Les denrées de première nécessité, qui peuvent être chères, sont disponibles sur le marché malgré tout. Le président de la République a créé un fonds pour soutenir les ménages pauvres. Il fait de son mieux pour améliorer la situation socio-économique.
En février dernier, l’opposition a crié au scandale après que la Cour suprême a approuvé la décision de la Commission électorale d’instaurer la proportionnelle aux Législatives. Ce choix ne crée-t-il pas le doute sur la transparence des élections aux yeux de la communauté internationale ?
Pas du tout ! La représentation proportionnelle n’est pas une nouveauté dans la politique du pays. Il s’agit d’un instrument constitutionnel réintroduit après avoir été utilisé en 1996 et 2002. Cette fois-ci, le projet de loi a été déposé au parlement pour examen. Mais l’opposition a préféré se plaindre devant la Cour suprême. Cependant, le tribunal a confirmé l’argument de la défense, à savoir que la représentation proportionnelle est une disposition inscrite dans l’article 38 de notre Constitution. Je ne vois donc pas la raison qui pousserait la communauté internationale à désapprouver la décision de la plus haute juridiction du pays.
Après son élection en 2018, le président Maada Bio a effectué sa première visite au Sénégal. Quelle est la nature des relations entre Dakar et Freetown ?
Au niveau de l’ambassade à Dakar, nous avons travaillé ardemment pour avoir des programmes d’échanges dans l’éducation. En 2022, le ministre des Affaires étrangères, David Francis, a signé plusieurs accords de coopération dans les domaines du commerce, de l’agriculture, des mines, du pétrole et du gaz.
Sur la scène internationale, nous avons l’impression que la Sierra Leone est peu visible comme d’autres pays de la sous-région. Qu’est-ce qui explique cela ?
Le président Bio a travaillé sur cette image internationale. La Sierra Leone était autrefois respectée parmi ses pairs. Le chef de l’État sierra-léonais préside désormais deux comités importants de l’Union Africaine (UA) dont le Forum des chefs d’État et de gouvernement sur les mécanismes africains d’évaluation par les pairs.
Au niveau régional, il a mené des efforts dans la situation politique en Guinée et au Mali, (deux pays dirigés par des militaires). Grâce à son pragmatisme, la Sierra Leone est la seule candidate approuvée par l’UA et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour le siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies. Le président Maada Bio ne ménage aucun effort pour positionner la Sierra Leone sur la scène internationale.
Quelle est la position de la Sierra Leone sur les crises socio-politiques qui secouent plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest ?
La Sierra Leone est membre de plusieurs organisations bilatérales, sous-régionales et régionales. En tant qu’officier militaire à la retraite, je peux affirmer que nous sommes très conscients de la situation dans cette région. Lors du sixième sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’UA à Malabo, en Guinée équatoriale, le 28 mai 2022, le mécanisme africain d’évaluation par les pairs dirigé par le président Bio a été mandaté pour entreprendre des recherches fondées sur des preuves afin d’aider l’UA à mieux comprendre les raisons des changements anticonstitutionnels de gouvernements.
Ce nouveau développement signale une nouvelle façon d’aborder ce phénomène. Auparavant, la médiation et les sanctions étaient préconisées et suivies contre les auteurs de coups d’État. Cette décision, on l’espère, éclairera la compréhension de l’UA de ce phénomène à travers la méthodologie du président Bio qui s’appuie sur une expérience de résolution des problèmes par le dialogue plutôt que par la guerre.
Quels sont les plus grands défis que la Sierra Leone doit relever dans un futur proche ?
La lutte contre le changement climatique est sans doute le plus grand défi auquel la Sierra Leone est confrontée. L’impact se fait déjà sentir puisqu’en 2015 un grand éboulement est survenu, tuant des centaines de personnes dans le pays. Nous commençons à perdre certaines de nos collines et forêts. Les grandes inondations sont devenues fréquentes au grand dam des populations. Avec la création de l’Agence nationale de gestion des catastrophes, le gouvernement cherche à atténuer ces difficultés pour les Sierra-léonais en travaillant autour de l’adaptation au changement climatique.
En outre, le président Bio a l’habitude de dire qu’un pays bien nourri est bien éduqué. En plus de l’éducation, il va consacrer de grands efforts pour le développement de l’agriculture s’il est réélu.
ODL/id/ac/APA