Cette technologie devrait permettre aux petits exploitants agricoles d’augmenter leur productivité agricole et animale tout en gérant leurs ressources naturelles, en particulier l’eau, de manière durable.
Au Sénégal, le dérèglement climatique, marqué par de longues saisons sèches, fait fluctuer considérablement les ressources fourragères d’une année à l’autre ainsi que la valeur fourragère des parcours naturels. Ces mutations du contexte agricole ont progressivement entraîné une marginalisation de l’élevage qui doit trouver de nouvelles stratégies d’adaptation pour être productif.
C’est conscient de cette réalité que le Centre de Recherches Zootechniques Dahra-Djoloff (CRZ) de l’Institut sénégalais de recherches agronomiques (Isra) situé à la périphérie de la ville de Dahra (Centre) a lancé, mercredi 2 août 2023, dans ses locaux, le projet de Recherche-Développement : « Promouvoir l’irrigation à petite échelle et les meilleures pratiques de gestion de l’eau pour améliorer la résilience des moyens de subsistance en Afrique subsaharienne. »
Cette technologie, plus connue sous le nom de système d’irrigation californien, est financée à hauteur de 150 000 dollars, soit plus de 89 millions de FCFA, par la Banque islamique de développement. Il vise à assurer l’alimentation durable des animaux pour une contribution à l’autosuffisance alimentaire (lait et viande).
« L’Isra a toujours accompagné les agropasteurs sur la culture fourragère hivernale en mettant à leur disposition des variétés de semences très adaptées au changement climatique. Mais cela se limitait à la saison des pluies qui ne dure que trois mois. Ce projet vient en appoint pour accompagner ces initiatives dans le cadre d’une production annuelle. En plus des productions hivernales, nous allons désormais exploiter les parcelles fourragères pendant la saison sèche en utilisant l’eau irriguée. Cela grâce à un système que nous espérons beaucoup plus performant et beaucoup plus efficient en termes de rentabilité », a expliqué le coordonnateur du projet, Dr Fafa Sow.
Pour cette phase test, le projet s’appuiera sur les installations et le réseau d’acteurs du Programme de développement durable des exploitations pastorales du Sahel (PDEPS) de la zone sylvopastorale du département de Linguère à Kodioléle (commune de Thiargny), et Ganinayel Bisnabé 2 (commune de Tessékré) ; et de la Zone de la vallée du fleuve Sénégal dans le département de Podor à Boulidiabal et Goléré.
Ce procédé, qui fait recours aux pompes solaires d’irrigation pour plus d’efficience, a déjà fait ses preuves au Burkina Faso et au Mali. Selon Dr Sow, dans ces deux pays, les agriculteurs ont pu assurer la continuité de production des cultures vivrières en dehors de la saison des pluies grâce à cette innovation. Ils ont ainsi plaidé pour sa mise à l’échelle vers la production du fourrage puisque la plupart d’entre eux sont des éleveurs.
« Dans ce contexte marqué par la rareté du fourrage et d’espace pour le pâturage, cette technique permettra de domestiquer des types de cultures fourragères, accompagner et améliorer les ressources fourragères locales, mais surtout booster la productivité animale comme cela a pu être fait pour la production agricole », a indiqué le chercheur.
Un palliatif aux limites du système goutte-à-goutte
« Dans chaque périmètre, nous comptons aménager des sillons entre lesquels va couler l’eau issue du système californien. Celle-ci va humidifier les sillons aux côtés desquels il y aura les lignes de plants. Ces derniers vont y puiser leur nourriture. Avec une bonne maîtrise du débit de l’eau, les champs seront suffisamment arrosés afin d’assurer une bonne productivité des plantes », a détaillé le chercheur de l’Isra.
Dans cette première phase, le projet impliquera directement, d’après ses promoteurs, 150 agropasteurs sur les quatre sites sélectionnés, à raison de 30 à 40 exploitants par site. Ils y seront constitués en groupes et participeront aux activités de production et de formation.
Les bénéficiaires indirects du projet pourront atteindre 1 000 agropasteurs. Ces derniers auront accès à des variétés améliorées de fourrage et bénéficieront de connaissances et d’une formation appropriée sur les meilleures pratiques d’irrigation à la ferme.
Les représentants des communautés destinataires du projet ont tous plaidé pour une implication effective des populations locales dans la mise en œuvre de cette innovation qui, si elle réussit, fera tache d’huile et incitera plusieurs personnes à se lancer dans la culture du fourrage.
L’administration territoriale va accompagner cette initiative en l’aidant à trouver sa voie parmi la multitude de projets déjà en cours d’exécution dans la zone, a assuré l’adjoint au préfet du département de Linguère, Aly Baïdy Kane.
ARD/ac/APA