Le Médiateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour le Mali, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan a clôturé le mercredi 22 février dernier, une visite de 72 heures à Bamako.
Au Mali, Goodluck Jonathan s’imprégnait de l’état d’avancement du processus de transition censé prendre fin en mars 2023. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que de réelles incertitudes demeurent quant au respect de la durée de transition.
De nombreux observateurs émettent de sérieux doute sur la capacité des autorités maliennes à respecter le programme de la transition fixé d’un commun accord avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). De nombreuses conditions ne sont pas encore réunies pour tenir tous les scrutins prévus cette année en prélude de la présidentielle de 2024 censée consacrée le retour à l’ordre constitutionnel à travers le transfert du pouvoir aux civils. Il n’y a pas encore de la lisibilité sur le processus électoral. La première élection que le Mali doit organiser cette année, c’est le référendum constitutionnel prévu le 19 mars prochain.
A ce jour, la nouvelle Constitution n’a toujours pas été présentée au président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, bien que la commission en charge de sa finalisation a terminé ses travaux, depuis le mercredi 22 février 2023.
Ce processus a commencé par la rédaction d’un avant-projet par une commission mise en place pour une durée de trois mois depuis juin 2022. Ce n’est qu’en octobre dernier que ce document sera finalement présenté au président de la transition. Comme s’il n’était pas entièrement satisfait de ce travail, ce dernier a mis en place en décembre, une nouvelle commission pour 15 jours chargée de finaliser la rédaction de la nouvelle Constitution. Aux dernières nouvelles, il nous revient que ce document sera présenté au chef de l’Etat, le lundi 27 février prochain. Après cette étape, il restera sa promulgation. Tout cela se déroule alors que la Constitution de mars 1992 n’a toujours pas été suspendue ou abrogée. Ce qui pousse certains acteurs à évoquer l’« illégalité » de la démarche en cours. D’après nos informations, ce document une fois promulgué par le président de la transition, ne passera pas par le Conseil National de Transition (CNT), l’organe législatif. Il sera soumis directement au référendum.
Des conditions toujours pas réunies
Pour le référendum, il convient de reconnaitre que l’Autorité Indépendante pour la Gestion des Elections (AIGE) n’a toujours pas finalisé le processus de mise en place de ses démembrements. Pourtant, dans les textes, cet organe devrait avoir un délai de six mois pour gérer un scrutin. Mieux, la Carte nationale d’identité biométrique qui fait également office de carte d’électeur n’a toujours pas commencé à être produite. Le processus d’enrôlement des citoyens maliens peine à atteindre sa vitesse de croisière. Par ailleurs, le collège électoral qui devrait être convoqué depuis le 17 février dernier, soit un mois avant le référendum du 19 mars n’a toujours pas été fait.
Ce n’est que le lundi 20 février dernier que le Conseil National de Transition (CNT) a adopté le texte sur la réorganisation territoriale et administrative sur la base duquel se tiendront les futures échéances électorales. Désormais, selon les textes, le Mali compte 19 régions, 156 cercles, 819 communes et 466 arrondissements. L’autre défi qui reste à relever, c’est surtout l’opérationnalisation de toutes ces nouvelles circonscriptions électorales, car parmi les anciennes circonscriptions, certaines peinent à être pleinement opérationnelles.
Mais la principale difficulté pour le respect du calendrier électoral, c’est surtout son financement. Récemment, dans une sortie quasiment inédite, le président de la Cour Constitutionnelle, Amadou Ousmane Touré déclarait que s’agissant des élections, « si c’est pour demain, nous ne sommes pas prêts et même dans quelques mois nous ne le serons pas ». Poursuivant, il avait lancé aux représentants des partis politiques : « Si vous voulez marcher demain pour dire de donner les moyens à la Cour, il faut marcher et j’en prendrai la tête ».
L’équation de la sécurisation
Au-delà, de toutes ces questions d’ordre politique et logistique, il y a l’insécurité qui atteint des proportions inquiétantes dans plusieurs localités du pays. Et cela, en dépit du lancement par le chef de l’Etat, le 20 janvier dernier, d’une opération de sécurisation du processus électoral baptisée « Tilé Koura » (Jour ou soleil nouveau). Malgré cela, les attaques terroristes se poursuivent encore.
Le processus de paix continue de traîner, poussant certains citoyens à craindre une reprise des hostilités entre les parties signataires de l’Accord de paix de 2015. Outre les appels incessants vers une confrontation armée avec les mouvements du Nord Mali, ces derniers ont lancé le mardi 21 février dernier, leur opération de sécurisation des localités septentrionales du pays sans concertation avec les autorités de la transition.
Cette situation prouve à suffisance qu’il sera difficile de respecter le programme de transition fixé d’un commun accord avec la Cédéao. Réunis en marge des travaux du 36e sommet de l’Union africaine (UA), le dimanche 19 février dernier, les chefs de l’Etat de cette organisation sous-régionale ont décidé de maintenir les sanctions contre certaines personnalités des Etats membres qui sont sous le coup d’une transition, à savoir le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. D’aucuns évoquent la possibilité d’un élargissement de ces sanctions à des volets touchant l’économie et le développement au cas où les calendriers électoraux préalablement fixés ne seront pas respectés.
En janvier 2022, la Cédéao avait imposé des sanctions économiques et financières au Mali qui ont duré six mois et n’ont été levées qu’en juillet dernier, après la présentation d’un nouvel agenda de 24 mois pour la fin de la transition.
MD/te/APA