La pêche illégale fait perdre annuellement près de 1500 milliards de francs CFA à la Gambie, la Mauritanie, au Sénégal, la Guinée-Bissau, la Guinée et la Sierra Leone réunis, selon Amnesty International.
Le rapport en question, intitulé « Le coût humain de la surpêche : La surexploitation des ressources halieutiques à Sanyang menace les droits humains », étudie les conséquences du secteur de la pêche sur les droits humains en Gambie. L’enquête, présentée mercredi 31 mai à Dakar, a été réalisée à la suite des violentes manifestations de mars 2021 à Sanyang, un village de pêcheurs situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Banjul, la capitale de ce pays ouest-africain de 11.300 km2, bordé de partout par le Sénégal à l’exception de sa façade Ouest ouverte sur l’océan Atlantique.
À l’époque, le meurtre d’un Gambien par un pêcheur sénégalais avait mis le feu aux poudres. Le bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du centre d’Amnesty International, basé à Dakar, s’est alors inspiré de ce malheureux événement pour mener des recherches dans ce pays dirigé depuis 2017 par le président Adama Barrow en vue d’établir les non-dits sur ces heurts. L’objectif est d’alerter les acteurs, les autorités gambiennes en premier ordre, sur les « conséquences dévastatrices » de la surpêche sur la population locale.
« Les mauvaises pratiques de certains acteurs du secteur de la pêche nuisent à l’environnement et mettent à mal les moyens de subsistance de la population locale. Les autorités gambiennes doivent prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour les amener à rendre des comptes et protéger les droits humains des habitants et habitantes touchés, notamment leurs droits économiques et sociaux », a expliqué mercredi 31 mai Samira Daoud, directrice régionale du bureau de l’ONG des droits humains, présentant le rapport avec deux de ses collègues.
Situation difficile
Elle a débuté ses activités en 2018, précisent les enquêteurs, ajoutant que ces usines ciblent principalement « les sardinelles et le bonga », deux espèces qui constituent pourtant « une source de revenus essentielle » pour les habitants du littoral ainsi qu’une « source de protéines peu coûteuse » jusqu’à récemment.
Face à cette situation qui « prive » la population de Sanyang d’un niveau de vie décent, « les autorités gambiennes doivent prendre des mesures urgentes pour mieux protéger l’environnement et les droits fondamentaux de ces personnes » dont « les droits socio-économiques » sont « particulièrement menacés », recommande Mme Daoud.
Réalisant des entretiens avec 63 personnes, dont des employés de Nessim Fishing and Fish Processing, des membres d’organisations de la société civile et des représentants du gouvernement, entre autres, Amnesty a découvert que les personnes travaillant dans la pêche se retrouvent « souvent en concurrence avec les navires industriels étrangers qui, faute de patrouilles suffisantes de la marine gambienne, s’approchent plus près de la côte qu’ils n’y sont autorisés, dans des zones réservées aux pêcheurs et pêcheuses artisanaux ».
« Risque d’insécurité alimentaire »
L’organisation de défense des droits humains note que « ces pratiques illégales » ont de graves conséquences sur les moyens de subsistance de Sanyang, qui dépend de la pêche pour survivre. Elles entraînent aussi un « risque d’insécurité alimentaire », car le poisson constitue une source essentielle de protéines pour les habitants. La grande quantité de poisson exportée chaque année par le biais des activités des navires industriels étrangers et des usines de farine de poisson diminue rapidement les stocks de poisson disponibles pour la population locale, relève Amnesty.
Face à ce lot de violations, l’ONG appelle les autorités à veiller à ce que les entreprises de l’industrie de la pêche à grande échelle ne nuisent pas aux droits fondamentaux de la population locale et soient amenées à rendre des comptes pour les préjudices causés.
« Les autorités gambiennes doivent veiller à ce que les entreprises, dans le cadre de leurs études d’impact environnemental, mènent de véritables consultations auprès des populations potentiellement concernées par leur projet avant de débuter leurs activités, comme les y oblige la Réglementation de 2014 relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement. Nessim doit régulièrement consulter les habitants et habitantes et respecter les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, notamment en appliquant la diligence requise pour remédier à l’impact de son usine sur les droits humains », a encore indiqué Samira Daoud avant de donner rendez-vous prochainement sur la présentation de rapports portant particulièrement sur « la corruption en Afrique et l’impact sur les droits humains ».
ODL/ac/APA