Les nations participant à la Coupe d’Afrique des nations (Can) de football sont de plus en plus exigeantes. La 34e édition, organisée en Côte d’Ivoire du 13 janvier au 11 février 2024, a confirmé l’obligation de résultats pesant sur les entraîneurs engagés dans la compétition. La Can, un broyeur de sélectionneurs. [3/3]
« L’important, c’est de participer ». Cette citation du Baron Pierre de Coubertin, le père des Jeux Olympiques (JO) modernes, ne s’applique plus à la grand-messe biennale du football africain. Ouverte à 24 sélections depuis 2019, la Coupe d’Afrique des nations (Can) est devenue un tournoi dans lequel les coachs paient cash leurs erreurs.
Le coup de sang d’Adel Amrouche
L’entraîneur algérien de la Tanzanie a lâché une bombe le 15 janvier 2024 : « La Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) est une puissance dans le football africain. C’est le Maroc qui gère le football africain, qui a la main sur le choix des arbitres et des horaires. » Il a proféré ces accusations dans la foulée de la défaite sans appel (3-0) des Taïfa Stars face aux Lions de l’Atlas.
Proactif sur un coup franc puissant d’Hakim Ziyech repoussé par le gardien Aishi Manula, le défenseur central Roman Saïss a ouvert le score d’un plat du pied gauche (30’). La Tanzanie, en seconde période, est réduite à dix avec le second carton jaune, synonyme de rouge, écopé par Novatus Miroshi suite à un tacle en retard sur Azzedine Ounahi (70’).
Les hommes de Walid Regragui ont profité de cette situation pour faire le break au terme d’une magnifique action collective conclue par Ounahi (77’). Youssef En-Nesyri, à la réception d’un centre au cordeau d’Achraf Hakimi, a repris instantanément du gauche le ballon pour parachever la victoire (80’).
Nommé en mars 2023, Adel Amrouche (55 ans) a été suspendu pour une durée de huit matchs par la Commission de discipline de la Confédération africaine de football (Caf) en raison de ses propos d’après-match. L’ancien coach de l’USM Alger s’est aussi vu infliger une amende de 9200 euros par l’instance faîtière.
Dans l’Histoire de la Coupe d’Afrique des nations (Can) de football, aucun sélectionneur n’avait fait l’objet d’une telle sanction en pleine compétition. Par le biais de son président Wallace Karia, la Fédération Tanzanienne de Football (TFF, sigle en anglais) s’est désolidarisée du sélectionneur auteur, selon elle, de déclarations « imprudentes et provocatrices ». Amrouche a ainsi été limogé alors que son contrat courait jusqu’en… 2026.
En son absence, l’adjoint Hemeed Suleiman Morocco a permis à son pays d’obtenir son premier point en phase finale de Can. La Tanzanie et la Zambie, pour le compte de la 2e journée, se sont quittées en bons amis (1-1). Simon Msuva, bien servi par Mbwana Ally Samatta, a donné l’avantage aux Taïfa Stars d’une frappe surpuissante (11’) avant que Patson Daka ne coupe au premier poteau la trajectoire d’un corner pour remettre les pendules à l’heure (88’).
Toute la seconde mi-temps, après la charge sur Samatta du latéral gauche Roderick Kabwe sanctionnée d’un carton rouge, la Tanzanie a évolué en supériorité numérique sans pouvoir se mettre à l’abri.
Opposés ensuite à la République Démocratique du Congo, les Taïfa Stars pouvaient se qualifier en cas de succès. Mais les Léopards étaient plus forts ce jour-là. Le score nul et vierge de la rencontre n’a pas reflété leur nette domination.
Pour sa troisième participation à la Can, la Tanzanie a fini à la dernière place du groupe. Même si ce pays de l’Afrique de l’Est n’a toujours pas remporté le moindre match dans le tournoi biennal, il peut néanmoins se consoler avec les deux premiers points de son Histoire.
L’Égypte dénaturée par Rui Vitoria
Vice-championne d’Afrique en titre, défaite seulement aux tirs au but par le Sénégal, l’Égypte était citée parmi les favoris de la Can 2023. En terre ivoirienne, les Pharaons ont perdu ce qui faisait leur force sous le magistère de Carlos Queiroz : la solidité défensive.
Pour son entrée en lice dans la joute, l’Égypte a été neutralisée par le Mozambique (2-2). C’est pourtant son avant-centre Mostafa Mohamed qui a lancé les hostilités dès la deuxième minute. Dans le second acte, les Mambas ont renversé la partie en l’espace de trois minutes chrono.
La main de Mohamed El Shenawy n’est pas assez ferme pour repousser une tête de Witi (55’). Clésio Bauque, lancé en profondeur, a par la suite pris de vitesse le colosse Ahmed Hegazy pour ajuster le portier (58’). Chanceux, les Pharaons ont arraché le nul grâce à un pénalty transformé par Mohamed Salah avec l’aide du poteau (90+7’).
Ahmed Sayed « Zizo » et ses coéquipiers n’ont pas repris des couleurs face au Ghana. Sur une frappe tendue (45+3’) et un enroulé dévié par le défenseur central Mohamed Abdel Monem (71’), Mohammed Kudus a allumé les Black Stars. Ses partenaires Iñaki Williams et Osman Bukari ont malheureusement offert des cadeaux à Omar Marmoush (69’) et Mostafa Mohamed (74’) pour permettre à l’Égypte de s’en tirer à bon compte.
La fébrilité défensive des Pharaons, privés de Salah blessé aux ischio-jambiers de la jambe gauche lors de la rencontre précédente, a encore sauté aux yeux contre le Cap Vert. Les Requins bleus ont frappé les premiers par l’intermédiaire de Gilson Tavares au sortir d’une sublime rotation dans la surface de réparation (45+1’).
Sur un corner repoussé, Mahmoud Hassan « Trézéguet » s’est saisi de la balle pour effectuer un une-deux avec Hegazy monté aux avant-postes. Le tir du gauche de l’ailier a trompé la vigilance de Josimar Dias surnommé Vozinha (50’).
Dans le temps additionnel, le match s’est emballé. Mostafa Mohamed, au point de chute d’un long ballon aérien, a réussi un contrôle à la limite de la régulière pour enchaîner avec un lob astucieux (90+3’). Les Pharaons pensaient, à ce moment-là, avoir fait le plus difficile. Que nenni ! Bryan Silva Teixera Jr, à l’affût après un tir repoussé par El Shenawy, a récupéré le ballon, dribblé puis frappé dans le petit filet (90+9’).
Avec trois nuls en autant de sorties ; six buts marqués et autant encaissés, l’Égypte a occupé la deuxième place de sa poule derrière le Cap Vert (7 points). En huitièmes de finale, elle a hérité de la République Démocratique du Congo ayant eu un parcours similaire au premier tour (3 points).
Dans un registre où les Pharaons sont hors normes – la roublardise – les Léopards ont trouvé la faille. Conscient des doutes des arbitres sur une touche, Arthur Masuaku s’est empressé de prendre le cuir pour l’envoyer à Yoane Wissa. La défense adverse s’est un peu arrêtée de jouer. Le capitaine Hegazy, sorti à la rencontre du Congolais, a dévié son centre pour prendre à contre-pied Mohamed Abou Gabal « Gabaski ». Meschack Elia, en pleine course, a prolongé la balle dans le but vide (37’).
Impliqué dans les bons et mauvais coups, Hegazy a reçu au visage le coude de Dylan Batubinsika dans un duel aérien. Après une intervention de l’Assistance vidéo à l’arbitrage (Var, sigle en anglais), l’arbitre a désigné le point de pénalty. Mostafa Mohamed, tout en maîtrise, a exécuté la sentence (45+1’).
Malgré l’expulsion du latéral gauche Mohamed Hamdy Sharaf (97’), auteur d’une semelle sur la cheville de Simon Banza, les deux équipes ne sont pas parvenues à se départager à l’issue des prolongations. Aux tirs au but, les parieurs ont certainement misé sur les Pharaons dont le gardien est un spécialiste de l’exercice. Rien ne s’est passé comme prévu.
Sur huit tirs subis, Gabaski n’a effectué aucun arrêt. Masuaku, auteur de l’unique raté des Léopards, n’a pas cadré sa tentative. À force de plonger en vain dans tous les sens, le portier égyptien a décidé de forcer le destin. Mal lui en a pris. Gabaski a raté son tir. Dans la foulée, il n’a rien pu faire sur celui de son pair Lionel Mpasi-Nzau. Score final (1-1, TAB 7-8).
Le 4 février, dans un communiqué, la Fédération Égyptienne de Football (EFA, sigle en anglais) « a remercié Rui Vitoria et son équipe d’assistants ». Elle s’est également excusée auprès des supporters pour « ne pas avoir atteint les objectifs ». Le manager portugais n’aura dirigé les Pharaons que pendant un an et demi.
Pas de miracle pour Hubert Velud
La Fédération Burkinabè de Football (FBF) « a pris la décision de ne pas renouveler le contrat du sélectionneur national et de l’ensemble de l’encadrement. Le bilan est en deçà des attentes du peuple. Le management, constaté lors de cette Can, est en déphasage avec les ambitions du Comité exécutif », a écrit la FBF dans un communiqué après l’élimination en huitièmes de finale de la Can par le Mali (1-2).
Pour cette bataille, menée au stade Amadou Gon Coulibaly de Korhogo, dans le Nord de la Côte d’Ivoire, frontalier du Mali et du Burkina Faso, les Étalons ont timidement galopé vers la victoire. Ce jour-là, les Aigles ont survolé les débats. Sous la pression adverse, le défenseur central burkinabè Edmond Tapsoba a marqué contre son camp dès la 3e minute de jeu.
Au début de la seconde période, en raison de sautes de concentration, le Burkina Faso a encaissé un autre but portant cette fois la signature de Lassine Sinayoko. La réalisation de l’avant-centre malien a fouetté l’orgueil des Étalons. Sur un centre de l’intenable Issa Kaboré, Mohamed Konaté a loupé sa tête. Au duel, l’arrière-central Boubakar Kouyaté « Kiki » a la malchance de voir le ballon toucher sa main décollée du corps.
L’arbitre, aidé par la Var, a accordé au Burkina un pénalty. Bertrand Traoré n’a pas tremblé en prenant parfaitement à contre-pied Djigui Diarra. Mohamed Konaté (72’) s’est procuré une situation intéressante, mais le dernier rempart malien a repoussé son tir. Issoufou Dayo, de la tête, a cru avoir égalisé. Il a finalement été signalé en position de hors-jeu (90’). Les Aigles ont résisté aux poussives offensives des Étalons jusqu’à la fin de la partie.
Demi-finaliste lors de l’édition précédente, le pays des Hommes intègres s’est arrêté net dès le premier match à élimination directe. Le coach Hubert Velud, 64 ans, en a fait les frais. Le technicien français, passé notamment sur les bancs du Togo, du Soudan et du Tout-Puissant Mazembe (RD Congo), avait remplacé, en avril 2022, le local Kamou Malo pour une durée de deux ans.
En Côte d’Ivoire, l’odyssée avait pourtant bien démarré avec un court succès sur la Mauritanie. Les Mourabitounes ont posé beaucoup de difficultés aux Étalons dont le salut est intervenu dans les derniers instants de la rencontre. Sur une balle en profondeur de Bertrand Traoré, Issa Kaboré a été fauché dans la surface au bout de son sprint. Le pénalty, logiquement sifflé, a été converti par le petit frère d’Alain Traoré. Le gardien Babacar Niasse est parti à gauche, le ballon à droite.
Face à l’Algérie, le Burkina Faso a rendu une belle copie même si la victoire n’a pas été au bout (2-2). Sur le gong, avant que l’arbitre n’envoie les deux formations aux vestiaires, Mohamed Konaté a fait trembler les filets d’une tête plongeante. Peu après la reprise du jeu, Baghdad Bounedjah a effacé l’ardoise sur un coup de pied arrêté.
Les Étalons, loin d’être abattus, ont remis l’ouvrage sur le métier. Issa Kaboré, encore lui, a poussé à la faute Rayan Aït Nouri dans la surface. Pénalty et but de Bertrand Traoré. Les Fennecs, puisant dans leurs dernières ressources, ont finalement arraché l’égalisation grâce au doublé de l’attaquant de pointe Bounedjah.
Ne voulant pas croiser le fer avec le Mali au tour suivant, le Burkina devait s’imposer contre l’Angola lors de l’ultime journée. Dans le premier acte, Mabululu a surgi au premier poteau, sur un coup franc, pour battre Hervé Koffi. Zini, dans le second, a crucifié les Étalons sur un deuxième ballon. Entre ces deux buts, les protégés d’Hubert Velud ont rarement été menaçants.
ID/ac/APA