Un calme précaire semble revenir au Soudan, en proie à des affrontements meurtriers depuis le 15 avril, suite à une apparente lutte de pouvoir entre deux généraux rivaux.
Le chef de la junte, Abdel Fatta al-Burhan, et son bras droit devenu ennemi, Mohammed Hamdan Dagalo, sont au cœur de la crise en raison de désaccords qui ont dégénéré en affrontements armés dans les rues de Khartoum, la capitale, d’Omdurman et qui se sont étendus à d’autres villes à travers le pays.
Une trêve précaire, appuyée par les États-Unis et d’autres puissances occidentales, semble tenir bon après trois tentatives antérieures d’arrêt des hostilités qui ont échoué, les soldats réguliers de l’armée soudanaise fidèles à Burhan affrontant les combattants de l’autoproclamée Force spéciale rapide (RSF), dirigée par Dagalo.
Pendant près de dix jours, la capitale soudanaise a été le théâtre d’une guerre perfide, les belligérants ayant ignoré l’accord de cessez-le-feu conclu à l’occasion de la fête musulmane de l’Aïd, après la fin du ramadan vendredi dernier, et s’en étant tenus à leurs armes fumantes.
Les bombardements quotidiens des chars et le mitraillage des positions des forces de sécurité soudanaises par des avions de chasse pilotés par des membres de l’armée soudanaise ont laissé un sillage de mort et de destruction sans précédent dans l’histoire récente de Khartoum.
Des millions de civils ont été pris en étau dans ce carnage, ce qui a déclenché une grave crise humanitaire.
Un bilan estimé à 1000 morts
Le nombre de morts a été estimé à près de 600, mais on craint que près de 1000 personnes, dont de nombreux civils, n’aient été tuées dans les affrontements.
Bien que les armes à feu des deux camps se soient largement tues depuis lundi, les traces carbonisées du conflit jonchent toujours les rues vides de Khartoum, où une grave crise humanitaire a laissé des civils sans défense qui n’ont pas pu fuir à temps et sont restés enfermés dans leurs maisons, désespérant de trouver de l’aide et un semblant de normalité.
D’autres personnes, notamment des ressortissants étrangers et des employés non soudanais d’organisations internationales telles que les Nations unies, se sont également empressées de quitter ce pays instable avant que la paix précaire ne soit à nouveau rompue par les bruits quasi incessants des mortiers, des obus et des bombardements aériens qui ont marqué les neuf jours d’hostilités et qui ont laissé tout le monde pétrifié jusqu’à l’os.
Les ambassades autour de Khartoum ont été envahies de personnes désespérées de partir avant que l’enfer ne se déchaîne à nouveau.
Le cessez-le-feu n’a pas seulement un but humanitaire, elle doit aussi permettre de gagner du temps pour des discussions sur le maintien de la trêve et l’organisation d’un dialogue approprié pour mettre un terme définitif aux hostilités et à la tension qui couve entre les deux généraux qui étaient autrefois des alliés puissants mais qui sont maintenant des ennemis implacables.
Des pourparlers à Tel-Aviv ?
Selon le journaliste Omar Al-Farouk, Israël a proposé d’accueillir les pourparlers entre Burhan et Dagalo, facilités par les États-Unis et les Émirats arabes unis.
Par ailleurs, un sombre nuage d’incertitude plane toujours sur la trêve précaire, étant donné que la guerre d’usure vient tout juste de céder la place à une guerre de rhétorique au vitriol de la part des parties en conflit.
En fait, des informations font état de violents combats aux premières heures de mardi, alors que la trêve aurait dû entrer en vigueur.
Les combattants de Burhan et de Dagalo ont échangé des propos belliqueux, s’accusant mutuellement de ne pas respecter la trêve conclue sous l’égide de la communauté internationale et en mettant en garde contre la possibilité d’une nouvelle flambée « en cas de nouvelle provocation ».
Toutefois, une pause notable dans les combats a permis aux Soudanais ordinaires de reprendre leurs esprits et de partir à la recherche de nourriture ou de sécurité, voire des deux, ailleurs.
Les magasins et autres entreprises restent fermés après une accalmie des troubles.
Certains d’entre eux ont fait les frais du conflit, car des bandes sans lien avec les deux camps se sont livrées à un véritable pillage.
Mise en garde contre les pilleurs
Le gouverneur de Khartoum a depuis publié une déclaration appelant les résidents à être vigilants face aux malfaiteurs dans leurs quartiers qui voient dans cette situation une occasion de piller, de saccager et de saccager.
Entre-temps, internet, qui a subi des coupures prolongées la semaine dernière, est rétabli, mais d’autres services essentiels tels que l’eau et l’électricité sont toujours en panne, selon les habitants, qui se plaignent que des quartiers entiers de Khartoum sont plongés dans l’obscurité totale pendant des nuits successives.
Selon le journaliste Ahmed Mahmoud, quoi qu’il arrive désormais, ce sont les Soudanais qui devront faire face aux conséquences les plus graves.
« Ils peuvent arrêter la guerre, mais ils continueront à combattre le peuple soudanais », prévient-il, faisant allusion à l’état de la transition vers un régime civil, qui fait partie de la pomme de discorde entre les deux généraux soudanais qui se disputent le pouvoir.
Les deux hommes sont très divisés sur la nature et la portée de la transition, mais Dagalo accuse Burhan de « se vendre à des islamistes acharnés », tandis que ce dernier affirme que son adjoint est assoiffé de pouvoir et s’oppose à son plan visant à rendre le pays aux civils.
L’armée est la force prééminente de la politique soudanaise depuis des décennies et, malgré un accord de partage du pouvoir avec les civils après le renversement d’Omar al-Bashir en 2019, elle n’a pas relâché son emprise sur le pouvoir.
Bashir lui-même est arrivé au pouvoir par un coup d’État trente ans plus tôt.
Avant le conflit, le Programme alimentaire mondial avait prévenu en août que 15 millions de personnes, soit un tiers de la population soudanaise, étaient confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, imputant la situation à la sécheresse.
Les retombées du dernier conflit ne manqueront pas de nuire aux efforts locaux et internationaux visant à relever ce défi humanitaire, compliqué par une crise du coût de la vie qui s’aggrave déjà et dont la valeur de la livre soudanaise s’est effondrée.
WN/as/Ib/ac/APA