L’historien Mamadou Diouf, président du Comité de commémoration de Thiaroye 44 a rappelé dimanche l’importance de reconnaître pleinement la tragédie survenue en 1944, où des tirailleurs sénégalais ont été massacrés par l’armée française à leur retour de la Seconde Guerre mondiale.
« L’énigme du massacre des tirailleurs a très tôt interpellé des figures comme Lamine Gueye, Léopold Sédar Senghor et Keita Fodé Ba », a déclaré Mamadou Diouf, président du Comité de commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye 44.
Recrutés souvent de force dans des colonies telles que le Soudan français (actuel Mali), le Sénégal, le Niger ou la Haute Volta (Burkina Faso), ces soldats ont subi des traitements racistes tout en combattant sur tous les fronts, a rappelé l’historien sénégalais, enseignant à l’Université Columbia des Etats-Unis.
Après quatre années passées dans les prisons allemandes, ils ont été rapatriés en Afrique et cantonnés à Thiaroye. Leurs revendications portaient sur leurs droits non respectés, mais la réponse fut brutale. « Les autorités françaises ont tout fait pour dissimuler le carnage », a-t-il souligné, évoquant des registres falsifiés réduisant le nombre de victimes à une trentaine, alors que des estimations plus crédibles parlent de 300 à 400 morts.
Mamadou Diouf a insisté sur la nécessité d’une collaboration avec la France pour faire la lumière sur ces événements. « Lever le voile sur le nombre réel de victimes est un impératif », a-t-il ajouté, avant de noter que la reconnaissance par des autorités françaises d’un « massacre » est un pas même si elle ne doit pas être vue comme une « absolution ».
Pour M. Diouf, cette commémoration représente une rupture par rapport aux précédents anniversaires. « Thiaroye est l’occasion d’accorder aux victimes le statut de +morts pour l’Afrique+. Il est indispensable de briser le silence et de continuer à éprouver cette mémoire pour notre histoire », a-t-il déclaré.
La cérémonie se tient en présence de plusieurs chefs d’état africains, dont le Mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine. La France est représentée par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
ODL/ac/Sf/APA