L’Assemblée nationale sénégalaise s’apprête à examiner le projet de budget de 2023, plus d’un mois après l’élection mouvementée de son président, Amadou Mame Diop.
Les échos belliqueux de la rentrée parlementaire au Sénégal, le 12 septembre dernier, ont retenti jusqu’au-delà de ses frontières. Ce jour-là, les images de l’élection dans une ambiance proche du chaos du président de la quatorzième législature ont fait le tour du monde. Bagarres, insultes, cris et micro arraché, les députés du pouvoir (83 députés) et de l’opposition (82 députés) se rivalisaient d’ardeur, chaque camp voulant imposer sa loi. Les gendarmes ont été appelés à la rescousse, à l’intérieur même de l’hémicycle, pour rétablir l’ordre et permettre la suite du scrutin.
Un mois après, le nouveau président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, député de la coalition présidentielle, appelle ses collègues à éviter de retomber dans ces travers qui ont écorné l’image démocratique du pays. « Ne perdons pas de vue que, après l’épisode malheureux du 12 septembre dernier, nous sommes surveillés et attendus par le peuple sénégalais et même, au-delà, par tous ceux qui ont eu à regretter ces évènements jusqu’au-delà de nos frontières », a dit M. Diop, à l’ouverture, vendredi 14 octobre, de la session ordinaire unique 2022-2023 de l’Assemblée nationale en présence de 154 députés sur 165.
Dans les prochaines semaines, le parlement sénégalais sera très actif avec le marathon budgétaire qui doit démarrer. D’ici là, les députés doivent étudier le projet de budget de l’année d’exercice 2023. Il est arrêté à 6400 milliards FCFA par le conseil des ministres, début octobre. Selon L’Observateur, 45 % de ce montant seront « affectés au social » pour soulager les ménages, conformément à la promesse du chef de l’Etat de lutter contre la vie chère. Les élus devront examiner ce projet de budget en commissions avant de passer à son vote en plénière.
Faire bloc face à la tension géopolitique
L’hémicycle se caractérisant désormais par un équilibre des forces entre l’opposition et le pouvoir, l’adoption de chaque projet de loi ou proposition de loi est incertaine. Le camp présidentiel a perdu sa majorité absolue de 83 députés après le départ de l’ex-Premier ministre Aminata Touré, tête de liste de Benno Bokk Yakaar (BBY, unis pour un même espoir) aux élections législatives du 31 juillet 2022.
Mme Touré n’a pas pardonné à ses ex-camarades et au président Macky Sall d’avoir brisé son rêve de se hisser au perchoir à la place d’Amadou Mame Diop, le député-maire de la ville de Richard-Toll (nord), peu connu du grand public. Devenue députée non-alignée, elle a engagé le combat contre la mouvance présidentielle. Elle vient de proposer une loi pour « limiter » les pouvoirs de nomination du chef de l’Etat à l’égard de certains membres de son cercle familial.
Toutefois, le président du groupe parlementaire de BBY, Oumar Youm, espère pouvoir compter « sur la responsabilité de l’opposition » afin de ne pas bloquer le vote du budget, non sans dire qu’ils vont « surveiller » leur ex-camarade Aminata Touré. En revanche, celle-ci fait savoir qu’elle ne se « préoccupe même pas de BBY » alors que Malick Kébé, député de Yewwi Askan Wi (libérer le peuple), la principale coalition de l’opposition, affirme qu’ils « ne voteront pas un budget de complaisance ».
Dans ces circonstances, le successeur de Moustapha Niasse au perchoir estime que les divergences politiques ne doivent pas avoir raison de l’essentiel. Selon Amadou Mame Diop, l’intérêt supérieur de la nation doit être privilégié par les députés de tout bord au regard du contexte mondial tendu par la guerre en Ukraine après la pandémie de Covid-19, avec des retentissements sur plusieurs pays africains dont le Sénégal.
« La situation géopolitique et économique internationale très tendue impacte aussi nos réalités quotidiennes. Elle fait aussi de l’exercice budgétaire de cette année une épreuve particulière. Nous pouvons déjà, en attendant d’entrer dans le vif du sujet prochainement, nous réjouir de l’intention affichée du gouvernement de donner la priorité à un budget social », affirme M. Diop.
A cet effet, « je voudrais inviter chacun d’entre nous à y mettre le sien nécessaire pour faire de ce cycle marathonien une œuvre de succès conformément à la mission qui nous est dévolue par le peuple sénégalais à savoir le vote des lois et le contrôle de l’action gouvernementale », a ajouté le président de l’Assemblée nationale, conscient que « c’est bien entendu un contexte particulier qui marque notre législature et qui n’est pas que politique ».
ODL/te/APA