La mise en place d’une cour constitutionnelle et l’instauration d’un juge des libertés figurent parmi les propositions du dialogue national sur la réforme de la justice sénégalaise.
Au Sénégal, le dialogue national sur la réforme et la modernisation de la justice a commencé mardi 4 juin à restituer les fruits de ses réflexions. Après une semaine de travaux à Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de Dakar, les nombreux participants ont proposé des « séries de recommandations » pour améliorer le fonctionnement et l’organisation du système judiciaire. L’autre principale réforme préconisée porte sur la modernisation du mode d’existence et de fonctionnement des acteurs de la justice.
Selon le journaliste Bamba Kassé, rapporteur de la sous-commission organisation et fonctionnement de la justice ainsi que de la sous-commission acteurs de la justice, les assisards recommandent « la limitation des pouvoirs du procureur de la République, une plus grande compétence aux juges d’instruction, l’instauration d’un juge des libertés et de la détention, la mise en place d’une cour constitutionnelle en lieu et place du conseil constitutionnel », qui a pourtant joué un grand rôle dans l’organisation de la dernière présidentielle à date échue.
En outre, une « nouvelle organisation » du Conseil supérieur de la magistrature, dirigée actuellement par le président de la République, pour le rendre plus autonome, « avec des pouvoirs élargis pour en faire un organe délibératif et non pas seulement consultatif », a été suggérée de même qu’une révision des codes existants (code pénal, code de procédure pénale, code procédure civile, code de la famille etc.).
Les deux sous-commissions ont tenu, au cours des sept jours, des rencontres ouvertes, marquées par la présence et la participation au débat d’un large palais de panélistes, conformément aux recommandations initiales du président Bassirou Diomaye Faye. Ainsi, universitaires, magistrats, avocats, greffiers, journalistes, sociologues, justiciables sénégalais, représentants de partis politiques, personnes handicapées et même des anciens détenus ont participé aux travaux.
« Il est à noter qu’un large consensus est dégagé autour de deux points. Il s’agit de la refondation de la justice et la césure à opérer avec ses symboliques issues de la colonisation pour qu’elle soit le reflet de nos valeurs propres et pour que cette justice soit plus souveraine. (Ce point a fait l’objet d’un) consensus très fort » auprès des participants, a souligné M. Kassé.
« L’autre point de consensus très fort porte sur la justice de proximité avec des maisons de la justice qui doivent servir d’option aux citoyens en conflit et dont les compétences doivent être élargies », a ajouté le secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics).
Il a relevé en revanche « quelques points de dissonance » portant sur la présence du chef de l’Etat et du ministre de la Justice dans le Conseil supérieur de la magistrature, certaines personnes réclamant « l’ouverture de ce conseil à d’autres corps ». D’autres voix se sont également manifestées contre la réforme visant à instaurer une autorité parentale partagée ainsi que la mise en application du protocole de Maputo en faveur des femmes victimes d’incestes et de viols, a-t-il indiqué.
Après avoir quitté la prison pour le palais de la République, le président Bassirou Diomaye Faye, élu le 24 mars dernier, a engagé des réflexions inclusives pour une justice plus juste. Il a présidé mardi 28 mai à Diamniadio l’ouverture du dialogue national sur la réforme et la modernisation de la justice.
Si la justice est fortement décriée ces dernières années, il a tenu à préciser que cette rencontre n’était pas « un procès en inquisition » pour désigner un ou des coupables à jeter aux orties. « Il est plutôt question de tenir un débat lucide et serein, posé et apaisé pour ausculter notre système judiciaire, identifier ses forces et faiblesse, et rechercher ensemble les solutions aptes à refonder son fonctionnement à améliorer ses performances », a indiqué le président Faye, 44 ans, qui a passé près d’une année en prison sous le régime de son prédécesseur Macky Sall pour avoir publié un post Facebook s’indignant du comportement de certains magistrats.
ODL/ac/APA