Ousmane Sonko, figure majeure de l’opposition radicale au président Macky Sall, est cité dans une histoire de mœurs. Chronologie d’une affaire qui tient actuellement en haleine le Sénégal.
Mardi 2 février : Adji Sarr (20 ans), employée d’un salon de massage de Dakar, capitale du Sénégal, porte plainte à la Gendarmerie de Colobane (commune de Dakar) contre Ousmane Sonko « pour viols et menace de mort ». L’accusé, 47 ans, leader du parti Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), est un des opposants les plus radicaux du gouvernement de Macky Sall, élu en 2012 puis réélu en 2019.
Mercredi 3 février : Après le réquisitoire introductif du Procureur de la République de Dakar, Serigne Bassirou Guèye, un juge se saisit du dossier pour instruction.
Jeudi 4 février : La plaignante ainsi que la propriétaire du salon de massage sont auditionnées par la Section de recherches de la Gendarmerie de Colobane. Le même jour, la victime présumée subit des prélèvements vaginaux.
Vendredi 5 février : le journal Les Échos révèle à l’opinion publique cette affaire de mœurs. L’annonce fait l’effet d’une bombe.
Samedi 6 février : Sur sa page Facebook, Ousmane Sonko dément formellement les accusations dont il fait l’objet.
« Chers amis, militants et sympathisants, soyez rassurés que je n’ai rien à voir avec ces mensonges crapuleux », a-t-il juré dans le réseau social.
Dimanche 7 février : Sonko, ancien Inspecteur des Impôts et Domaines, convoque chez lui une conférence de presse durant laquelle il bat en brèche toutes les accusations.
À lire aussi : Sénégal : arrestation d’Ousmane Sonko
Son récit des faits est retransmis en direct par plusieurs télévisions à une heure de grande audience. L’homme politique admet s’être rendu, à maintes reprises, dans ce salon pour soulager son mal de dos mais refuse de déférer à la convocation de la Gendarmerie sans la levée de son immunité parlementaire.
Lundi 8 février : Des partisans de Sonko se rassemblent au domicile de leur leader, à la cité Keur Gorgui (Dakar), pour lui manifester leur soutien. Les tentatives des forces de l’ordre pour disperser la foule débouchent sur de violents affrontements.
Dans ces échauffourées, aucun décès n’est à déplorer. Toutefois, les dégâts matériels sont considérables : des véhicules de particuliers, des bus de la société nationale de transport caillassés voire incendiés, le supermarché Auchan de Sacré-Cœur (Dakar) vandalisé…
Au final, plusieurs personnes, dont des éléments des forces de l’ordre, sont blessés. Et des dizaines de manifestants arrêtés.
À Louga (nord-ouest), la maison de l’ex-directeur des Domaines, Mamour Diallo de la mouvance présidentielle, est partiellement brûlée.
En France, les pro-Sonko forcent l’entrée dans les consulats du Sénégal à Paris, Lyon et Marseille pour s’indigner.
Mardi 9 février : Violentes manifestations à Bignona (sud), un fief électoral de Sonko.
Me Malick Sall, ministre de la Justice, adresse une requête à Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale, pour enclencher la procédure de levée de l’immunité parlementaire du député Sonko.
Mercredi 10 février : Sonko va, sous bonne escorte, à l’Hôpital Général Idrissa Pouye de Grand Yoff (commune de Dakar) pour apporter réconfort à ses partisans blessés dans les heurts du 8 février.
Jeudi 11 février : Réunion du Bureau et de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale.
Vendredi 12 février : Placement sous mandat de dépôt de dix-neuf individus, arrêtés le 8 février. Le Doyen des juges d’instruction près le Tribunal de grande instance de Dakar, Samba Sall, les inculpent notamment pour « association de malfaiteurs, incendie criminel, organisation et participation à un mouvement insurrectionnel, violences et voies de fait sur des agents de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions ».
Samedi 13 février : Le collectif des avocats de Sonko soutient que « le seul dossier médical concernant cette affaire, établi le 3 février, n’indique nulle part que du sperme a été prélevé ou retrouvé ».
Lundi 15 février : La Commission des lois entérine la création de la Commission ad hoc. Pendant ce temps, le pool d’avocats du leader de Pastef, dans une lettre adressée au Procureur de la République, fustige les moyens employés pour obtenir la levée de l’immunité parlementaire de leur client.
Vendredi 19 février : Début des travaux de la Commission ad hoc.
Samedi 20 février : Dans une lettre, les députés Moustapha Guirassy et Cheikh Bamba Dièye (opposition) démissionnent de la Commission ad hoc, non sans mentionner qu’elle « montre à suffisance que l’Assemblée nationale est en train de renforcer et de consacrer son inféodation au pouvoir exécutif par le biais du parquet qui lui dicte la conduite à tenir ».
Lundi 22 février : Arrestation de Guy Marius Sagna et Assane Diouf. S’exprimant sur Radio France International (RFI), le président Macky Sall réfute la thèse du complot : « Je crois que j’ai suffisamment à faire que de comploter pour des choses aussi basses ».
Mardi 23 février : Interpellation de Clédor Sène. Ce dernier, ainsi que Guy Marius Sagna et Assane Diouf, est poursuivi pour « troubles à l’ordre public » et actes « de nature à compromettre la sécurité nationale ». Les trois activistes sont actuellement placés sous mandat de dépôt.
A lire aussi: Sénégal : Sonko, l’opposant dévot et le bruit de viol
En outre, Birame Soulèye Diop, l’Administrateur de Pastef et Abass Fall, le Coordinateur du parti à Dakar sont également placés sous mandat de dépôt. Par contre, Patricia Mariame Ngandoul, Fatima Mbengue (Frapp), Bawar Dia et Dahirou Thiam (Pastef) sont placés sous contrôle judiciaire.
Jeudi 25 février : Sonko fait encore face à la presse pour notamment inviter ses compatriotes à « faire bloc et à (se) dresser contre ce projet d’effacement de notre démocratie ». La présumée victime, Adji Sarr, a été entendue par le juge d’instruction du 8e cabinet.
Vendredi 26 février : En séance plénière, l’Assemblée nationale lève l’immunité parlementaire de Sonko.
Mardi 2 mars : Le leader de Pastef, sur conseils de ses avocats, annonce qu’il va déférer à la convocation du juge d’instruction du 8e cabinet du Tribunal de Grande Instance de Dakar.
Mercredi 3 mars : Sonko est arrêté par les forces de l’ordre alors qu’il se rendait au Palais de justice. Il est poursuivi pour « trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée ».
ID/te/APA