Une start-up sénégalaise, spécialisée dans les produits cosmétiques, a su profiter de l’épidémie du coronavirus pour doper ses ventes.
La preuve par les chiffres. Rien que pour le premier trimestre de 2020, la petite entreprise dakaroise, FariFima, a réalisé son chiffre d’affaires de l’année précédente, soit près de 15 millions de francs CFA. Une percée en cette période creuse pour cette société dont le cœur de métier est la confection de produits cosmétiques.
Aux commandes de FariFima (l’exaltation de la peau noire en langue bambara), Mariane Ouattara et Birama Thiam ne manquent pas d’audace. En peu de temps, leur start-up s’est lancée avec bonheur dans le business du désinfectant et du gel hydroalcoolique.
Au départ, la promotrice a produit une faible quantité de cette solution efficace sur le nouveau coronavirus, avant de la présenter à une amie pharmacienne. Cette dernière ne tarit pas d’arguments pour convaincre Mariane de s’engager dans une production industrielle.
De deux litres de gel par jour, FariFima est aujourd’hui capable de conditionner 100 litres quotidiennement. Le succès, découlant de la mise sur le marché, persuade les deux associés à élaborer un désinfectant à partir de l’infusion de feuilles de kinkéliba (Combretum micranthum) et de mangue.
Le pari est immédiatement gagnant : 180 litres produits par semaine au commencement, 5000 litres actuellement. Depuis, le carnet de commandes est bien rempli. D’ailleurs, l’un des groupes de presse les plus importants du Sénégal a fait confiance à Farifima pour la protection de ses employés.
« Ça fait trois mois que je ne dors que deux heures par jour. Birama et moi travaillons nuit et jour. A 8 heures, je suis à la boutique pendant qu’il gère d’autres choses. Notre production a explosé. Aujourd’hui, les gens nous appellent de partout », se réjouit Mariane Ouattara.
Une consécration qui n’éloigne pas Farifima de son essence : prendre soin de la peau noire. « FariFima évolue dans tout ce qui est aromathérapie ou phytothérapie », explique M. Thiam.
« Là où le médecin prescrit des comprimés pour guérir une infection, on peut utiliser des huiles essentielles pour soigner une peau infectée par les champignons », ajoute cet ingénieur en microbiologie, faisant visiter le laboratoire de l’entreprise.
Quelques formules chimiques sont inscrites sur le mur. Par-ci par-là, l’on aperçoit une microbalance, un émulsificateur, des échantillons de divers produits finis ou en phase test et des intrants en tout genre.
La salle sert à la fois d’espace de production, de recherche et de développement. « Venez voir, on est en train de fabriquer du gel », dit Mariane à l’autre bout de la pièce. Dans un langage technique simplifié, la directrice de FariFima détaille le processus de fabrication des produits. « De la conception à la concrétisation, il faut tabler sur au minimum un an », fait-elle savoir d’une voix altérée par le vrombissement du gélificateur.
Avec des prélèvements effectués durant toutes les étapes de la confection des produits cosmétiques, Farifima qui place la sécurité au cœur de ses préoccupations, a mis en place des processus de contrôle ultra poussés. De la formule chimique au conditionnement, tout est passé au peigne fin.
Un échantillon dans chaque lot de produits finis fait l’objet de contrôles portant notamment sur l’odeur, la couleur, la texture… et « si un produit ne passe pas l’un des tests, c’est tout le lot qui sera retiré de la chaîne », assure Birama Thiam.
La beauté ébène
FariFima concocte ses produits à partir de ressources naturelles présentes sur le continent africain. Pour le bien-être de la peau, l’huile de baobab, le beurre de karité ou de mangue, le sel et la boue du Lac rose ou encore l’huile de palme sont exploités. Ces différentes matières premières constituent des intrants incontournables.
Il y a aussi les huiles essentielles issues des plantes qui, malheureusement, « ne sont pas très accessibles en Afrique et coûtent très chères », regrette Mariane, non sans préciser que l’« avantage est qu’elles sont utilisées en très faible quantité ».
Grâce à un travail de longue haleine, la start-up a maintenant à son actif 150 gammes de produits allant de la parfumerie à l’eau de toilette, en passant par les savons, les huiles, les soins antitaches et anti acnés.
Au Sénégal où la dépigmentation a la vie dure, FariFima propose des produits pour réparer les dégâts manifestes sur la peau. « L’un de nos produits phares utilisés par les gens qui se dépigmentent, c’est notre gamme anti vergeture. 80 voire 85 % de ces produits sont achetés par les femmes qui se dépigmentent. Cette clientèle cherche les meilleurs produits et utilise tous nos laits de corps et nos produits d’hydratation », explique la patronne de FariFima.
Selon dette docteure en Chimie, son entreprise a développé, avec l’aide d’un dermatologue, une gamme « qui sera bientôt lancée » pour régénérer, hydrater et protéger la peau des personnes désirant arrêter la dépigmentation.
Mariane et Birame pensent aussi à l’environnement : FariFima fabrique d’autres produits à base de matières recyclées. L’entreprise compte, parmi ses divers articles, des savons à base de résidus de café infusé ou de poudre de riz.
« FariFima, ce n’est pas juste le naturel. C’est aussi redonner une nouvelle vie pour participer à la sauvegarde de l’écosystème », soutient Mariane.
Un avenir prometteur
Après l’obtention du baccalauréat au Sénégal, la jeune femme au teint foncé s’est rendue en France puis au Canada pour effectuer des études supérieures qui lui permettront de se spécialiser en Chimie.
Désormais, celle qui voulait être médecin compte diversifier davantage ses offres afin de tirer le maximum de profit des « 7000 milliards F CFA » que représente le marché de la cosmétique en Afrique.
Avec une renommée grandissant, FariFima est sollicitée par d’autres entreprises pour fabriquer des produits en leurs noms. « On est à 20 projets. On a aussi décliné des offres parce que tout simplement nos moyens ne permettent pas de les satisfaire », confie Mme Ouattara.
La start-up s’apprête à étendre ses tentacules sur le continent avec l’ouverture prochaine de deux boutiques en Côte d’Ivoire et au Rwanda. Deux pays à fort potentiel économique et où les produits cosmétiques naturels sont « très prisés ».
Pour partager son immense expérience, Mariane a bénéficié de l’appui du ministère sénégalais de la Formation professionnelle et de la Banque Mondiale (BM) afin de mettre sur pied une école de formation en fabrication cosmétique naturelle. L’objectif est d’aider les jeunes à « devenir des acteurs de leurs vies, de les envoyer vers des pharmacies et des usines pour mieux conseiller la clientèle », explique t-elle.
L’insertion socioprofessionnelle des personnes à mobilité réduite est également prise en compte dans ce projet pour participer à l’autonomisation de cette frange de la population.
ARD/id/cgd/APA