Un atelier sur le dialogue pour le renforcement des stratégies d’adaptation et de résilience climatique à travers les actions scientifiques et leurs prises en compte dans les documents de politique s’est ouvert ce jeudi à Mbour (Ouest).
Au Sénégal, les principaux secteurs de production, tels que l’agriculture, l’élevage et la pêche, subissent des impacts négatifs dus à la variabilité et au changement climatique. Ces événements ont engendré une insécurité alimentaire et une perte des moyens de subsistance dans plusieurs localités du pays. Pour y faire face, les scientifiques ont développé de nombreuses solutions résilientes au changement climatique. Malheureusement, ces dernières ne sont pas toujours prises en compte par le pouvoir public, en raison de l’absence de collaboration entre la science et la politique.
En réponse à ce constat, l’initiative ClimBeR (Renforcement de la résilience systémique contre la variabilité et les extrêmes climatiques) a organisé du 14 au 15 décembre 2023 à Mbour (Ouest) un atelier national des parties prenantes de la lutte contre les effets du changement climatique, sous l’égide de l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (Icrisat, sigle anglais) et l’appui financier du Centre international de recherche agricole dans les zones arides (Icarda, sigle anglais).
La rencontre était placée sous le thème : « Dialogue pour le renforcement des stratégies d’adaptation et de résilience climatique au Sénégal à travers les actions scientifiques et leurs prises en compte dans les documents de politique. »
Selon Dr Issa Ouédraogo, Responsable pays de ClimBeR au Sénégal, cette réunion revêt une importance particulière, car il rassemble deux sphères cruciales pour le progrès des sociétés : la science, gardienne de la connaissance et de la vérité, et la politique, responsable de la prise de décisions qui façonnent l’avenir collectif.
« La science offre une compréhension approfondie des phénomènes qui façonnent notre monde, qu’il s’agisse des changements climatiques, de la santé publique, de la technologie ou de tout autre domaine. Cependant, son impact réel ne peut être pleinement réalisé que si elle est intégrée de manière effective dans le processus décisionnel. C’est pourquoi nous avons réuni aujourd’hui des experts de divers domaines pour partager leurs connaissances et discuter de la manière dont la science peut guider nos politiques », a expliqué M. Ouédraogo à l’ouverture de l’atelier.
Ce dernier, également chercheur à l’Alliance biodiversité internationale (CIAT, sigle anglais) estime qu’il est impératif que les avancées scientifiques éclairent les décisions politiques et que les politiques soient informées par les dernières découvertes scientifiques.
Une fois cela fait, « les décideurs politiques ont la responsabilité cruciale de traduire les informations scientifiques en actions concrètes et politiques publiques. Ils doivent naviguer dans un paysage complexe et souvent incertain, prenant des décisions qui affectent des millions de vies. Leur collaboration étroite avec la communauté scientifique est donc essentielle pour élaborer des politiques efficaces, fondées sur des preuves solides et adaptées aux réalités changeantes », affirme-t-il.
Le Conseiller technique au ministère de l’Agriculture, de l’Equipement rural et de la Souveraineté alimentaire (MAERSA), Bounama Dièye, a de son côté rappelé « le rôle essentiel » de la science dans processus d’adaptation à ce phénomène. Pour lui, celle-ci doit être mise en action à travers des politiques et des stratégies concrètes de développement.
« La science constitue le fondement de toute stratégie efficace d’adaptation et de résilience, et les données scientifiques nous éclairent sur les tendances climatiques, les risques potentiels et les opportunités d’innovation. A cet effet, nous devons renforcer nos capacités scientifiques nationales et encourager la collaboration avec la communauté scientifique internationale pour accéder aux connaissances les plus récentes et enfin de les partager avec tous les usagers », a-t-il reconnu.
Le Sénégal sur la bonne voie
Ces dernières années ont été marquées par un engagement significatif des chercheurs sénégalais pour inventer des technologies adaptées aux aléas climatiques. Ces innovations n’ont cependant pas été vulgarisées auprès des communautés de chercheurs, ni mise à l’échelle dans les communautés impactées.
Seuls quelques documents de politiques national comme la Contribution Déterminée au niveau national (CDN), le Plan National d’Adaptation (PNA) au Changement climatique et aussi le Plan d’Investissement de l’Agriculture Intelligente face au Climat (PIAIC) et tant d’autres documents de politique nationale ont bénéficié de ces résultats. Pour M. Dièye, cette situation doit écoluer.
« Les résultats de la recherche doivent transcender les laboratoires pour être intégrées dans nos politiques nationales de développement et en particulier dans les domaines Agro-sylvo-pastoral de pêche. Cela implique évidemment une collaboration étroite entre les scientifiques, les décideurs politiques, les services techniques de l’Etat, les organisateurs de producteurs et la société civile. Les documents de politique doivent refléter ces connaissances et définir des objectifs mesurables pour garantir une mise en œuvre efficace », a-t-il dit.
Déjà, a-t-il rappelé, le MAERSA a mis en place avec l’appui de certains partenaires la plateforme de dialogue Sciences-Politiques sur l’Adaptation de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire au Changement climatique dénommée « Plateforme CCASA » pour renforcer le dialogue interacteurs pour des solutions concertées sur l’adaptation, la résilience au changement climatique.
Bounama Dièye a également exhorté l’État à soutenir ses institutions de recherche scientifique, comme l’Institut Sénégalais de Recherche Agricole (ISRA), les universités et les centres de recherche. Il a souligné l’importance d’encourager la formation spécialisée et de promouvoir l’innovation pour éclairer les décisions. Selon lui, ces mesures permettront non seulement de renforcer les capacités nationales, mais aussi de favoriser une culture d’adaptation continue et de résilience au sein de la population.
Le Directeur général adjoint du Bureau Opérationnel de Suivi du Plan Sénégal Emergent (BOS/PSE), Djiby Diagne a rappelé que le pays de la Teranga s’est doté depuis 2022 du PSE-Vert. Ce programme vise à fédérer les initiatives tendant à permettre à l’Etat du Sénégal de profiter au maximum de l’exploitation des ressources naturelles sans préjudice pour la préservation de l’environnement.
Une trentaine de projets répartis dans divers secteurs ont déjà été sélectionnés et vont bénéficier des financements verts pour leur exécution.
ARD/ac/APA