Le sélectionneur fait taire les critiques dans son pays où sa légitimité à diriger l’équipe nationale de football a toujours été remise en question.
Dimanche soir, au terme de la finale de la 33e édition de la Coupe d’Afrique des nations de foot, les Lions se sont jetés sur Aliou Cissé pour le porter en triomphe. À n’en pas douter, le sacre inédit du Sénégal au Cameroun porte le sceau de ce coach résilient.
Flash-back. Le 4 mars 2015, au lendemain d’une énième désillusion dans la grand-messe du foot continental, Aliou Cissé est officiellement nommé entraîneur du Sénégal. En réalité, la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) avait accédé à une demande populaire. Le capitaine de la génération 2002 était vu comme l’homme de la situation. Celui qui est capable de revitaliser une tanière en lambeaux.
Sur le banc de la sélection olympique, en tant qu’adjoint du défunt Abdou Karim Séga Diouf, Aliou Cissé a atteint les quarts de finale des Jeux Olympiques de Londres en 2012. Dans cette équipe, éliminée en prolongations par le Mexique (4-2), il y avait notamment les néo-champions d’Afrique Sadio Mané, Saliou Ciss et Cheikhou Kouyaté.
Installé au palier supérieur après ce parcours remarquable, Aliou Cissé qualifie le Sénégal pour la Can 2017 en réalisant un carton plein (six victoires en autant de matchs) dans les éliminatoires. Le jeune technicien débarque au Gabon avec l’intention de redorer le blason du Sénégal.
Lors des cinq éditions précédentes, les Lions ne se sont pas qualifiés en 2010 et 2013. Ils ont été éliminés au premier tour en 2008, 2012 et 2015. Pour sa première phase finale de Can, l’entraîneur aux dreadlocks décroche son ticket pour le second tour dès son deuxième match de poule. Malheureusement, l’aventure s’arrête en quarts de finale face au Cameroun (0-0 ; TAB 4-5).
Quelques mois plus tard, le Sénégal, seize ans après la belle épopée de 2002, retrouve la Coupe du monde. En Russie, les Lions surprennent la Pologne (1-2), font jeu égal avec le Japon (2-2) et s’inclinent devant la Colombie (0-1). À égalité de points (4) avec les Blue Samouraïs, ils sortent de la compétition à cause d’un plus grand nombre de cartons jaunes.
Persévérant
En 2019, Aliou Cissé écrit une nouvelle page d’histoire du foot sénégalais. Sous ses ordres, les Lions se hissent en finale de la Coupe d’Afrique des nations. Dix-sept ans après la première perdue face au Cameroun (0-0 ; TAB 2-3). Ce jour-là, le teigneux joueur, en position de 5e tireur, a loupé la tentative qu’il ne fallait pas.
Se confiant à Salif Diao, son coéquipier de l’époque, Cissé disait : « Je la tenais d’une main cette coupe. Elle m’a échappé mais je te jure, je la gagnerai pour mon peuple. J’en fais une histoire personnelle ». Comme au Mali, le Sénégal laisse encore filer son étoile en Égypte (défaite en finale contre l’Algérie, 0-1).
Malgré tout, l’équipe nationale est accueillie avec les honneurs au Sénégal par des milliers de supporters qui conseillent de ne pas jeter l’éponge. Une invite à se surpasser qui peut être assimilée à une thérapie. Cette année, le travail de longue haleine d’Aliou Cissé est enfin couronné de succès au Cameroun. La formation du natif de Ziguinchor, dans le Sud du Sénégal, entame timidement le tournoi (victoire 1-0 contre le Zimbabwe) avant d’être neutralisée par la Guinée et le Malawi.
Dans la phase à élimination directe, les Lions bouffent les Requins bleus de Cabo Verde, les Étalons du Burkina Faso et évitent d’être électrocutés par le Nzalang nacional (éclair national) de la Guinée équatoriale. Opposé en finale à une Égypte roublarde, le Sénégal ne parvient pas à faire la différence dans le temps réglementaire et dans les prolongations. Il ne restait alors que les tirs au but pour départager les deux sélections.
Les Pharaons, invaincus dans cette séance à la Can depuis 1984, avaient auparavant éliminé la Côte d’Ivoire et le Cameroun par ce moyen grâce notamment à leur gardien Mohamed Abou Gabal dit Gabaski. Pour sa part, le Sénégal a vécu des échecs traumatisants. Contre toute attente, les Lions ont pris le dessus sur leurs adversaires.
En 18 matchs de Can, Aliou Cissé compte 11 victoires, 5 nuls et 2 défaites pour 23 buts marqués contre 6 encaissés. L’ex-sociétaire de Sedan (France) entre dans la postérité pour avoir fait goûter à ses concitoyens les délices d’une victoire finale dans cette compétition avec en prime le statut de meilleur entraîneur du continent. « Ça ne s’explique pas. Ça se vit », a coutume de dire le Camerounais Patrick Mboma, double vainqueur de l’épreuve.
La population nage depuis trois jours dans le bonheur. Aliou Cissé, qu’on pensait nul, est devenu « el tactico » (le tacticien, en espagnol). Un surnom créé par un Sénégalais sur Twitter et repris hier à l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Yoff (Dakar) par le président Macky Sall. Un site a même été créé pour permettre à ceux qui le désirent et qui n’en ont pas l’occasion de présenter leurs excuses à leur héros autrefois voué aux gémonies.
ID/APA