Professeur Souleymane Mboup, scientifique sénégalais de 68 ans, est connu dans le monde entier pour avoir participé à la co-découverte du VIH-2, une forme de virus du Sida touchant essentiellement la population de l’Afrique de l’Ouest.
En bon sénégalais, Souleymane Mboup s’habille avec soin. Cet homme réservé, qui n’aime pas trop se mettre en avant, parle peu, surtout aux journalistes. Il a d’ailleurs fallu faire jouer quelques interventions pour obtenir une entrevue, d’où cette boutade en accueillant l’équipe d’APA: « Je m’étais dit que je n’allais plus donner d’interview mais, tout ça c’est à cause de lui, ». Il parle en tapotant son chargé de communication, histoire de signifier que c’est ce dernier qui l’a décidé.
Son vaste bureau est décoré sommairement: un modeste aquarium où nagent des poissons de différentes couleurs et quelques tables dont l’une est jonchée des distinctions reçues aux quatre coins du monde et qui témoignent de l’apport décisif du Sénégalais au progrès de la médecine.
Sur les murs de ce local offrant une vue imprenable sur la nouvelle ville de Diamniadio (27 km de Dakar), sont accrochées des attestations de reconnaissance et quelques photos montrant le médecin aux côtés de hauts responsables dont le président sénégalais, Macky Sall.
Quand le regard s’attarde sur le président sénégalais, l’éminent chercheur en profite pour saluer les efforts que ce dernier déploie pour promouvoir la recherche et de l’innovation, puis il fait cette confidence : « Il sera bientôt choisi par des organisations américaines en guise d’exemple de chef d’Etat qui appuie de manière significative la recherche scientifique ».
Là où le président sénégalais et ses pairs appuient la recherche scientifique, le professeur Mboup, lui, s’y adonne. C’est sa passion. Il s’y consacre depuis plus de 40 ans, ce qu’il vaut d’être cité parmi les meilleurs au monde dans son domaine, d’où le surnom de « Monsieur Sida de l’Afrique ».
Ce titre, il le doit à sa participation à la découverte en 1985 du VIH-2, un virus ayant des particularités propres et qui s’avère moins virulent et moins transmissible que le VIH-1. « C’est après dix ans de suivi des personnes sur lesquelles ce virus avait été localisé que nous sommes arrivés à ces conclusions », explique t-il.
« Par exemple, pour la transmission du Sida de la mère à l’enfant, le risque est de 1/3 si la maman est porteuse du VIH-1 alors que ce taux est de -5% quand il s’agit du VIH-2 », détaille le chercheur.
Fruit d’une coopération entre l’Université de Dakar, celle de Tours (France) et la Harvard School of Public health (Etats-Unis), la découverte du VIH-2 a surtout montré l’importance de la collaboration dans le monde de la recherche. Elle a aussi dévoilé « qu’il existe en Afrique des chercheurs capables de rivaliser avec n’importe quel autre chercheur dans le monde », se félicite-t-il.
C’est de cette collaboration internationale d’ailleurs qu’est issu l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef). Logé au cœur de la ville de Diamniadio, ce centre va permettre d’appuyer les politiques de santé publique mais aussi de promouvoir la recherche pour combattre certaines maladies pouvant se muer en pandémie comme le virus Ebola, Zika, le paludisme, le cancer, la tuberculose, le Vih…
« Nous disposons ici des équipements à la pointe de la technologie et nous avons des chercheurs capables de travailler sur plusieurs thématiques et dans divers domaines de la santé. C’est un avantage très comparatif et dont peu de centres dans le monde disposent », se réjouit Professeur Mboup invitant les Etats africains à œuvrer pour le retour des cerveaux du continent partis étudier ailleurs.
Né en 1951 à Dakar au Sénégal, ce médecin colonel de l’armée sénégalaise désormais à la retraite, a fait ses études dans la capitale sénégalaise avant de s’envoler, en 1976, pour la France où il obtient un Doctorat de l’Institut Pasteur en 1981 et un Doctorat en Bactériologie Virologie en 1983 à l’Université de Tours.
Le presque septuagénaire à l’éternel sourire est l’auteur de plus de 300 articles et de 18 livres, portant notamment sur les maladies infectieuses, la méningite et le Sida.
C’est sur lui que s’est appuyé le gouvernement du Sénégal pour lancer, dans les années 80, son programme de prévention contre le Sida. Ce qui lui a permis de contenir la propagation de la maladie et de disposer de l’un des taux de prévalence les moins élevés au monde (environ 0,7%). Dans le contexte d’un pays africain comme le Sénégal, le résultat relève de l’exploit.
ARD/Dng/te/cd/APA