Bien que le gouvernement malien a récemment pris des mesures strictes pour limiter les drames liés à l’exploitation minière, à défaut d’y mettre un terme, neuf personnes ont encore perdu la vie dans un effondrement de puits minier.
Un nouveau drame a endeuillé le secteur minier artisanal malien. Neuf personnes, toutes de nationalité étrangère, ont péri dans l’effondrement d’un puits d’or à N’Tahaka, dans le cercle de Gao, dans la nuit du 16 au 17 mars 2025. L’effondrement est survenu alors que les victimes étaient engagées dans des activités d’orpaillage dans un puits profond et instable, creusé sans aucun dispositif de sécurité.
Les secours alertés par d’autres orpailleurs n’ont pu que constater l’ampleur des dégâts. Les corps ont été extraits au terme d’une opération de plusieurs heures. Aucun survivant n’a été retrouvé. Les autorités locales ont ouvert une enquête pour déterminer les circonstances exactes du drame.
Ce nouveau sinistre intervient dans un contexte déjà tendu, marqué par une série d’accidents mortels sur des sites d’orpaillage non formalisés. Le 15 février dernier, un effondrement massif à Bilalikoto, dans le cercle de Kéniéba, avait causé la mort de 65 orpailleurs. Deux semaines plus tôt, le 29 janvier, un autre accident s’était produit à Kangaba, dans le sud-ouest du pays, avec un bilan humain également lourd. Ces drames sont causés par une accumulation de facteurs : instabilité des sols, creusement anarchique sans soutènement, absence de surveillance administrative, surcharge humaine dans les galeries et exploitation non encadrée par des normes minimales de sécurité. Les pluies et infiltrations d’eau contribuent également à fragiliser les structures déjà précaires.
La répétition de ces accidents a provoqué une réaction ferme du gouvernement malien. Lors du Conseil des ministres du 5 mars 2025, le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, a ordonné une série de mesures exceptionnelles. Plusieurs responsables administratifs et sécuritaires ont été révoqués, notamment des préfets, sous-préfets, agents des forces de l’ordre, ainsi que des cadres des services régionaux des mines et de l’environnement. Le gouvernement leur reproche leur laxisme dans la supervision de sites devenus incontrôlables, en particulier à Kéniéba.
Le même Conseil a décidé la suspension immédiate des permis d’exploitation artisanale délivrés à des ressortissants étrangers, dans le but de mieux encadrer l’activité et de freiner l’exploitation illégale dans des zones sensibles comme le cercle de Kéniéba. Une nouvelle mesure a été introduite dans la réglementation nationale : les équipements saisis sur les sites non autorisés seront désormais confisqués définitivement et intégrés au patrimoine de l’État. Aucune restitution ne sera autorisée, même sur décision judiciaire. Cette disposition vise à lutter contre la récidive dans les zones où les exploitants reviennent souvent sur les mêmes sites après des saisies temporaires. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé l’ouverture d’une procédure de dissolution du conseil municipal de Djaba, dans le cercle de Kéniéba, en raison de sa gestion jugée défaillante des sites miniers locaux.
Ces décisions marquent un tournant dans la stratégie nationale de lutte contre l’orpaillage incontrôlé. Le gouvernement a indiqué vouloir renforcer la présence de l’État sur les sites aurifères, tout en préparant une réforme plus large du cadre légal encadrant le secteur. Une mission a été confiée au ministère des Mines pour proposer un nouveau texte prenant en compte les impératifs de sécurité, d’environnement et de fiscalisation.
Le Mali est aujourd’hui le troisième producteur d’or en Afrique, après l’Afrique du Sud et le Ghana. L’or représente plus de 70 % des recettes d’exportation du pays. Une part importante de cette production échappe toutefois au secteur formel. Selon des chiffres du ministère des Mines, près de 500 000 personnes, dont de nombreux ressortissants burkinabè, guinéens et ivoiriens, travaillent dans l’orpaillage artisanal sur l’ensemble du territoire national. La plupart opèrent dans des conditions très précaires, sans équipement de protection, souvent en dehors de tout encadrement institutionnel. Ce secteur, à la fois vital pour l’économie rurale et potentiellement dangereux, reste l’un des plus difficiles à réguler.
Avec l’effondrement de N’Tahaka, la pression s’accroît sur les autorités pour agir rapidement. Les mesures disciplinaires et réglementaires prises début mars apparaissent comme un premier pas, mais les défis structurels demeurent importants. Dans de nombreuses régions, les services de l’État peinent à exercer leur autorité, en raison du manque de moyens, de la corruption locale, ou de l’insécurité.
MD/ac/Sf/APA