Le parti historique, qui détient actuellement 230 sièges de députés (57,5%) ressortira affaibli de ce scrutin.
Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud depuis trois décennies, est sur le point de perdre pour la première fois sa majorité absolue au Parlement. Les résultats quasi complets des législatives, publiés samedi, ne laissent plus de place au doute.
À 07H30 GMT, avec le dépouillement de 97,7% des bureaux de vote, le parti historique recueillait seulement 40,1% des voix, selon la Commission électorale.
La principale formation d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), rassemblait 21,7% des suffrages exprimés, suivie du MK de l’ex-président Jacob Zuma à 14,8%, tandis que les radicaux de gauche des Combattants pour la liberté économique (EFF) se maintenaient aux alentours de 9%.
La participation s’établit pour l’instant à 58,6%, en baisse par rapport aux 66% des dernières législatives en 2019. Les résultats définitifs seront annoncés au cours du week-end.
À l’issue de ce scrutin, le plus disputé de l’histoire de la démocratie sud-africaine née avec l’élection du premier président noir Nelson Mandela, 400 députés seront élus. Ils désigneront le prochain président.
Depuis les premières élections multiraciales en 1994, l’ANC tout-puissant avait remporté chaque scrutin national avec une large majorité. Mais la désillusion des 62 millions de Sud-Africains a cette fois ébranlé une loyauté jusqu’ici sans faille envers le mouvement qui a libéré le pays du joug de l’apartheid.
Trente ans après l’avènement de la démocratie, le chômage frappe un tiers de ceux en âge de travailler. La pauvreté et les inégalités augmentent, la criminalité bat régulièrement ses propres records. Et les coupures d’eau et d’électricité rappellent quotidiennement que le rêve d’une nation avec accès à l’éducation et un logement pour tous, promis par l’ANC à la libération, est encore loin d’être réalisé.
Des millions d’électeurs se sont rendus aux urnes mercredi, faisant parfois la queue jusque tard dans la nuit, pour exprimer une colère qui couvait déjà : l’ANC, qui l’avait emporté avec près de 70% des voix en 2004, n’avait rassemblé que 57% des suffrages exprimés en 2019.
Le parti historique, qui détient actuellement 230 sièges de députés (57,5%), devrait rester la plus grande formation politique à l’Assemblée nationale. Mais il ressortira affaibli de ce scrutin, et le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, devra se résoudre à nouer des alliances pour la formation d’un gouvernement de coalition.
Experts et observateurs ont encore du mal à prédire quels seront les mariages les plus heureux, mais tous s’accordent à dire que les négociations, dans les jours qui suivront l’annonce des résultats, seront âpres.
L’ANC devra choisir entre une union avec la DA libérale, qui a promis de « sauver l’Afrique du Sud » à coup de privatisations et de dérégulations. Son chef de file, John Steenhuisen, n’a pas complètement fermé la porte à cette éventualité.
Le parti au pouvoir devra également peser les conséquences d’un rapprochement avec l’EFF et ses revendications incendiaires, telles que la redistribution des terres aux Noirs et la nationalisation de secteurs économiques clés.
Enfin, il devra déterminer s’il est prêt à pactiser avec le uMkhonto weSizwe (MK) de Jacob Zuma.
Le MK remporte avec une large avance la province zouloue (Est), fief traditionnel de l’ANC. Le petit parti, né seulement quelques mois avant le scrutin, y fait une percée spectaculaire avec près de 46% des voix contre 17,6% pour l’ANC.
« Il ne serait pas difficile pour les trois partis (ANC, MK, EFF) de former une coalition, car ils ont des politiques et des tendances proches », estime Siphamandla Zondi, professeur en politique à l’université de Johannesburg.
Cependant, les rivalités de longue date entre Zuma et Ramaphosa, ennemis politiques, seront sans doute difficiles à surmonter.
Avec AFP