La Gambie commémore ce mardi 18 février son Jubilé de diamant, marquant six décennies d’indépendance. Entre réflexions sur son parcours politique, défis économiques et aspirations à un développement inclusif, le pays célèbre son histoire avec faste.
À l’occasion du 60e anniversaire de la Gambie, le spectacle était parfaitement mis en scène : des tables de banquet décorées de rubans scintillants au Palais présidentiel de Banjul, théâtre d’un dîner officiel à la veille de la fête de l’Indépendance.
La capitale gambienne, parée de banderoles, était l’un des rares points focaux de la célébration des soixante ans d’indépendance politique, commémorée ce mardi 18 février sous le nom de Jubilé de diamant.
Ailleurs, des membres de la fanfare de la police, impeccables en bleu marine, avaient peaufiné leurs instruments tout au long du mois de février pour offrir la pièce maîtresse musicale de cette fête nationale. Un événement marquant pour un pays dont l’existence même a longtemps été jugée improbable, façonné par le cours sinueux d’une rivière serpentant à l’intérieur des terres.
Le président Adama Barrow a dirigé les célébrations sous le thème Marcher en solidarité pour l’autonomie et le développement national. Le compte à rebours jusqu’au 18 février a été ponctué par un dialogue national sur l’identité gambienne, abordant aussi bien son paysage politique parfois chaotique que d’autres domaines d’intérêt national. Ces discussions, menées à travers les sept régions du pays, ont rassemblé des panélistes d’horizons divers. La tolérance, fil conducteur des débats, a été présentée comme un pilier essentiel d’un développement inclusif. Un rapport final intégrera les recommandations issues de ces échanges pour guider l’avenir du pays.
Une nation improbable devenue résiliente
La Gambie, surnommée la Côte souriante, semblait, à son indépendance, destinée à une existence éphémère. Sa petite superficie, sa faible population et son manque de ressources laissaient peu d’espoir quant à sa viabilité. À l’époque, rares étaient ceux qui lui donnaient une chance de survivre dans un monde où elle paraissait insignifiante.
En six décennies, le pays a connu trois présidents : Dawda Jawara, père fondateur aujourd’hui disparu ; Yahya Jammeh, contraint à l’exil ; et Adama Barrow, le premier à avoir battu un président sortant. À son accession à l’indépendance, la Gambie ne disposait d’aucun véritable aéroport, ni chaîne de télévision, ni université, et ne comptait qu’un seul hôpital principal à Banjul. Son réseau routier était quasi inexistant, et son premier gouvernement était composé d’hommes peu formés, parfois semi-alphabétisés. À cette époque, les adresses postales confondaient souvent la jeune nation avec la Zambie, indépendante depuis octobre 1964. Pour dissiper cette confusion, l’article défini Le fut ajouté à son nom officiel à la demande du Premier ministre Jawara.
Depuis la fin de la colonisation britannique, la Gambie a d’abord prospéré en démocratie, avant de sombrer sous un régime militarisé, marqué par un coup d’État avorté en 1981. Cette tentative insurrectionnelle, qui a fait un nombre incalculable de victimes, reste le moment le plus sanglant de son histoire.
Entre 1982 et 1989, la Gambie a tenté une union confédérale avec le Sénégal, pays avec lequel elle partage des liens historiques et culturels antérieurs à la colonisation. Cependant, les différences issues de leurs expériences coloniales – britannique pour la Gambie, française pour le Sénégal – ont entravé cette tentative d’unification. Malgré cet échec, les relations entre les deux États se sont consolidées avec le temps.
Une reconnaissance internationale et des défis persistants
Preuve de ces liens privilégiés, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye est l’invité d’honneur des célébrations, aux côtés de son homologue bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló.
Coincée au cœur du Sénégal, la Gambie a souvent inspiré les écrivains par sa forme singulière. En 1967, dans son livre Enter Gambia, the Birth of an Improbable Nation, l’auteur américain Berkeley Rice ironisait sur la viabilité de cette jeune république, suggérant qu’elle finirait par être absorbée par son grand voisin. Pourtant, six décennies plus tard, la nation gambienne, bien que confrontée à de nombreux défis, a prouvé sa résilience.
Si les avancées économiques restent limitées, la souveraineté nationale est perçue comme une victoire majeure par les citoyens. Après avoir frôlé plusieurs fois le chaos politique, la Gambie poursuit sa quête de développement tout en s’appuyant sur le soutien de partenaires internationaux. Elle reste fortement dépendante de l’aide financière de la Banque mondiale, du FMI et de l’Union européenne, et bénéficie du soutien des Nations unies pour renforcer ses capacités institutionnelles.
Ce qui semblait au départ une nation improbable a finalement résisté à l’épreuve du temps. Le flambeau de l’indépendance, toujours allumé après six décennies, symbolise pour les Gambiens un triomphe historique, malgré des aspirations économiques encore inassouvies.
WN/as/fss/ac/Sf/APA