Les Togolais éliront lundi 29 avril leurs députés et pour la première fois leurs conseillers régionaux, sous haute tension depuis l’adoption contestée d’une nouvelle Constitution qui fait basculer le pays dans un régime parlementaire.
Après son père, qui a régné sur le Togo d’une main de fer pendant presque 40 ans, le président Faure Gnassingbé, lui-même au pouvoir depuis 2005, est accusé par l’opposition de vouloir s’y maintenir grâce à la révision constitutionnelle.
Pourquoi ces élections sont-elles attendues ?
Au Togo, les députés sont élus pour un mandat de cinq ans. Les dernières élections législatives remontent à 2018 et le président togolais avait assuré fin 2022 qu’elles se tiendraient courant 2023, avant de décaler le calendrier électoral à plusieurs reprises.
Les Togolais voteront lundi pour élire 113 députés, contre 91 en 2018.
Les élections régionales seront elles les premières dans ce pays divisé en cinq régions.
Selon le code électoral, les résultats provisoires au plan national seront proclamés par la Commission électorale « au plus tard dans les six jours qui suivent le scrutin ».
Les régionales permettront d’élire 179 conseillers régionaux qui, avec les conseillers municipaux, éliront les sénateurs.
Le Sénat a été institué par la révision constitutionnelle de 2002 mais n’a jamais été mis en place, et les régionales permettront donc de l’installer.
« Désormais, les projets de loi et propositions de loi passeront d’abord devant les sénateurs, qui devront donner leur avis, avant leur adoption par les députés », a expliqué à l’AFP Pascal Agbové, expert en décentralisation.
Quel est le climat politique actuel ?
Il est très tendu depuis l’adoption le 25 mars en première lecture par les députés d’une nouvelle Constitution faisant passer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Cette adoption éclair a provoqué un tollé dans les rangs de l’opposition et de la société civile, à la suite duquel le président Gnassingbé a demandé un réexamen du texte, adopté définitivement le 19 avril par les députés.
Mais l’opposition reste vent debout contre cette réforme et dénonce un « coup d’Etat institutionnel » échafaudé selon elle pour permettre à Faure Gnassingbé de se maintenir au pouvoir.
Où en est l’opposition ?
Elle se prépare lors de ces prochains scrutins à défier le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR), alors qu’elle avait boycotté les législatives de 2018 en dénonçant des « irrégularités » dans le recensement électoral.
Elle a fortement mobilisé ses partisans à l’occasion du recensement. 4,2 millions d’électeurs sont enregistrés sur les listes électorales, soit près de la moitié des 8,8 millions d’habitants du pays, contre 3,1 millions enregistrés en 2018.
L’opposition a également contesté en novembre le fichier électoral validé par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), et craint des « fraudes électorales » lors de ces législatives.
Une alternance est-elle possible?
Le président Faure Gnassingbé est au pouvoir depuis 2005, à la suite de son père qui a tenu les rênes du pays pendant près de 38 ans.
« Il ne faut pas attendre grand-chose des élections législatives », estime auprès de l’AFP Jean Yaovi Dégli, avocat et ancien ministre chargé des relations avec le Parlement (1991-1992).
« L’opposition n’a pas assez d’assise sur le terrain pour traduire dans les urnes le mécontentement éventuel », estime-t-il, sans toutefois écarter une « surprise », mais « encore faudrait-il que les élections soient transparentes et démocratiques ».
Aux termes de la nouvelle Constitution, ce sont les députés et les sénateurs, réunis en Congrès, et non plus le peuple, qui éliront le Président de la République.
Le pouvoir résidera entre les mains d’un Président du conseil des ministres. Le chef du parti majoritaire à l’Assemblée nationale occupera automatiquement cette fonction. Actuellement, Faure Gnassingbé est le président du parti majoritaire, UNIR.
« Dans un régime parlementaire, il n’y a pas de limitation de mandats, celui qui gouverne est le représentant du parti majoritaire à l’Assemblée. Si le parti qui gouverne n’a plus la majorité, alors il y aura alternance », explique Jean Yaovi Dégli.
« Ces élections ne sont pas équitables car le parti au pouvoir utilise les moyens de l’Etat, et pour faire campagne il faut de l’argent », souligne de son côté auprès de l’AFP Michel Goeh-Akue, historien proche de l’opposition, qui voit mal le pays basculer dans l’alternance, « à moins d’une révolution ».
AFP