Faisant preuve d’une gestion prudente, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) préserve la stabilité monétaire en laissant inchangés ses taux directeurs à 3,5 %, tout en saluant le retour gagnant de la Côte d’Ivoire et du Bénin sur les marchés obligataires internationaux.
La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a décidé, lors de sa réunion du 4 juin 2024, de maintenir son taux directeur à 3,5 % ainsi que le taux d’intérêt sur le guichet de prêt marginal à 5,5 %. Une décision de statu quo motivée par les performances économiques encourageantes de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (Uemoa) dans un environnement mondial encore teinté d’incertitudes.
Comme l’a souligné le Gouverneur Jean Claude Kassi Brou, « notre objectif principal est de maintenir la stabilité des prix. » Sur ce front, les résultats sont plutôt satisfaisants avec une inflation qui, bien qu’ayant légèrement augmenté à 3,7 % en avril en raison de « tensions sur les prix des denrées alimentaires » liées à la période de soudure, demeure contenue à 2 ,8 % au premier trimestre 2024, soit dans la fourchette cible de 1 à 3% fixée par l’institution. « Nous restons très attentifs et vigilants », a néanmoins nuancé M. Brou.
Sur le plan de la croissance, les perspectives sont rassurantes selon le Gouverneur. « L’activité économique est restée dynamique, avec une progression du PIB réel de 5,1 % au premier trimestre 2024 », a-t-il fait savoir. Pour l’ensemble de 2024, les prévisions tablent sur une croissance de 6,1% contre 5,3% en 2023.
Une embellie que M. Brou attribue à « une amélioration des termes de l’échange » avec la hausse des cours des matières premières exportées par les pays de l’Union, mais également à « la mobilisation de ressources extérieures par les États membres. »
Ce dernier point fait référence au retour gagnant de la Côte d’Ivoire et du Bénin sur les marchés internationaux des capitaux. En levant environ 2000 milliards de francs CFA via des émissions obligatoires, ces deux pays ont réalisé « un signal positif pour la région », selon les termes du Gouverneur. « Cela permet à ces pays d’avoir des ressources pour faire face aux dépenses budgétaires, y compris le service de la dette », a-t-il expliqué.
Mais au-delà des avantages directs pour les États émetteurs, M. Brou voit dans ces opérations un bénéfice plus large pour l’ensemble de l’Union, relevant que « Cela permet d’injecter exclusivement de la liquidité dans le secteur financier régional, ce qui profite au secteur bancaire dans son ensemble». « Cela renforce également la situation extérieure de la Bceao en mobilisant des ressources pour la région », a-t-il ajouté.
M. Brou s’est d’ailleurs réjoui que ces deux pays puissent réintégrer les marchés financiers malgré « l’impact des taux d’intérêt élevés au niveau international ». Une démarche qui, selon lui, « redonne confiance » dans la solidité des économies de l’Uemoa après les chocs subis ces dernières années.
Au-delà des émissions obligatoires, la bonne santé des comptes extérieurs de l’Union s’explique aussi par « l’augmentation des recettes d’exportation » générée par la hausse des cours des principaux produits d’exportation comme l’or, le cacao ou encore le coton. De quoi « renforcer notre situation et améliorer notre situation extérieure », s’est félicité M. Brou.
C’est fort de ces performances que la Bceao a pu maintenir son taux directeur identique, poursuivant ainsi la politique monétaire prudente engagée depuis la fin de la crise du Covid-19. « Pendant et après la pandémie, jusqu’en 2022, la Bceao a baissé ses taux et permis aux banques un accès illimité au refinancement afin de soutenir l’activité économique », a rappelé le Gouverneur.
Alors que le ralentissement de la croissance mondiale fait peser certains risques sur les économies de l’Union, M. Brou se veut rassurant. « La croissance reste soutenue grâce aux investissements dans le BTP, une bonne campagne agricole attendue, mais aussi le démarrage prochain de la production pétrolière au Sénégal et au Niger qui va renforcer l’activité économique », a-t-il indiqué.
Le maintien à un niveau bas des taux directeurs vise également à « préserver le financement vigoureux de l’économie » avec une progression des crédits à l’économie de 5 % en rythme annuel à fin mars 2024.
Dans les mois à venir, la Bceao va poursuivre sa surveillance étroite des évolutions économiques, financières et monétaires afin d’ajuster si nécessaire son positionnement, a prévenu M. Brou. « Le Comité de Politique Monétaire analysera régulièrement l’évolution de l’inflation ainsi que la situation économique et prendra les mesures nécessaires pour assurer la stabilité monétaire », a-t-il assuré.
Une prudence de mise alors que les grandes banques centrales internationales demeurent elles-mêmes dans l’incertitude sur l’évolution à venir des taux, une situation que « tout le monde attend avec intérêt », a conclu le Gouverneur.
ARD/ac/APA