Sur fond de cacophonie au sujet de la guerre autour de Goma, la capitale du Nord-Kivu dans l’est de la RDC, le président kenyan William Ruto a annoncé lundi que ses homologues rwandais et congolais avaient accepté en principe de se rencontrer pour discuter de la crise.
Alors que le conflit en RDC fait rage et que la situation est en pleine mutation, le président Ruto a rencontré ses pairs à Nairobi pour discuter de l’avenir de l’Union africaine. Indiquant que Kagamé et Tshisekedi participeront à une réunion mercredi à l’heure où la Communauté de l’Afrique de l’Est cherche un moyen de mettre fin aux hostilités.
Cependant, la méfiance entre le président Tshisekedi et le Rwandais Paul Kagamé est profonde, ce qui incite beaucoup à se demander si les pourparlers proposés aboutiront à des résultats tangibles sur le terrain dans l’est de la RDC.
Les rapports suggérant que les rebelles du Mouvement du 23 mars ont pris Goma sont toujours vivement contestés par le gouvernement de Félix Tshisekedi, qui a juré que les Forces armées de la RDC (FARDC), mal équipées, allaient repousser l’invasion.
La tentative de Ruto de négliger cette tension n’a pas pu masquer les fissures dans les relations entre la RDC et le Rwanda, qui sont au point mort depuis 2022.
Plusieurs tentatives par le passé du président angolais João Lourenço, négociateur spécial pour la RDC et les puissances mondiales, pour réunir Tshisekedi et Paul Kagamé, dans la même salle pour un règlement négocié du conflit prolongé, ont échoué lamentablement.
La dernière en date s’est produite en décembre dernier, lorsque leur rencontre proposée a été annulée à la dernière minute en raison de conditions préalables fixées par les deux parties. Les deux hommes s’étaient rencontrés pour la dernière fois à Paris trois mois plus tôt, à la demande du président français Emmanuel Macron, en marge d’un sommet des chefs d’État de la Francophonie dont le Rwanda et la RD Congo sont membres. Rien de concret n’a suivi en guise d’engagement mutuel à mettre fin aux hostilités.
Tshisekédi a rejeté les demandes rwandaises selon lesquelles la RDC devrait négocier avec les dirigeants du M23 sans intermédiaires, considérant le mouvement comme un mandataire rwandais.
La dernière escalade du conflit a conduit à la rupture des relations diplomatiques entre les deux voisins, Tshisekédi affirmant que la présence de troupes rwandaises en RDC équivaut à une déclaration de guerre de Kigali.
Les autorités de Kigali n’ont pas nié la présence de leurs troupes en RDC, mais y ont vu une mesure justifiée contre les troubles qui se propagent vers les frontières du Rwanda, menaçant sa propre sécurité et la région des Grands Lacs en général.
Il n’y a pas de passion amoureuse entre Tshisekedi et Kagamé. Il semble que les deux hommes se détestent mutuellement, une théorie qui semble d’autant plus crédible qu’il faut du temps pour les amener à se serrer la main et conclure un accord visant à mettre fin à l’une des flambées de violence les plus durables d’Afrique, responsable de la mort de dizaines de milliers de personnes, du déplacement de près de trois millions d’habitants supplémentaires et d’une crise humanitaire qui s’aggrave de jour en jour.
Plus de 400 000 personnes ont été déplacées depuis la flambée de violence de janvier 2025.
Tshisekedi accuse le Rwanda de Kagamé d’avoir envoyé des troupes dans son pays pour soutenir les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) afin de déstabiliser une grande partie de l’est de la RDC, et d’avoir joué un rôle actif dans la reprise de Goma aux troupes congolaises, dont beaucoup se sont rendues aux rebelles en progression malgré quelques poches de résistance.
Le Rwanda a nié cette allégation et a renvoyé sa propre accusation à Kinshasa, faisant allusion au soutien présumé de Tshisekedi aux rebelles hutus des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), qui luttent pour renverser Kagamé. Le dirigeant congolais a, à son tour, nié cette accusation.
Mais des années d’enquêtes menées par des responsables de l’Onu et des corroborations par des témoins des deux côtés du conflit ont montré que les allégations échangées entre Kinshasa et Kigali pourraient être bien fondées.
Kigali a également nommé une tierce partie, la mission de maintien de la paix, la MONUSCO, l’accusant de prendre le parti des FARDC malgré sa neutralité déclarée dans le conflit. S’il y a une chose sur laquelle la RDC et le Rwanda s’accordent, c’est que la MONUSCO a été moralement compromise. Le gouvernement congolais a soutenu que la mission de maintien de la paix avait manqué à son devoir de protéger les civils des milices armées et qu’elle devait donc quitter la RDC.
Goma, une ville de quelque 2 millions d’habitants, est la plus importante du Nord-Kivu et sa prise par les rebelles, si elle était confirmée, pourrait porter un coup au prestige de l’armée congolaise et affaiblir l’influence de Kinshasa sur le Rwanda.
Est-ce que cela pourrait forcer Tshisekedi à ravaler sa fierté congolaise et à tendre la main à Kagamé, si une telle ouverture devait représenter le seul espoir de stabilité dans son pays ? La réponse à cette question sera laissée au temps.
WN/as/fss/Sf/ac/APA