Malgré sa faible émission de gaz à effet de serre, le continent africain subit de plein fouet les conséquences néfastes du changement climatique.
Alors que la 28ème Conférence des parties sur le climat de l’ONU (COP 28) se poursuit à Dubai aux Emirats arabes unis, des décideurs et experts africains ont choisi de réfléchir au Sénégal sur l’avenir climatique du continent en relation avec la sécurité alimentaire. A Mbour, une ville située à près de 80 kilomètres de la capitale sénégalaise, une trentaine d’acteurs issus d’institutions de recherche, d’universités, de gouvernements, d’agences météorologiques nationales ont pris part lundi 4 décembre à l’ouverture d’un atelier régional de formation des experts en modélisation des cultures sur les outils et les modèles de cultures.
Lancée par les projets STRATADAPT-Mali, ClimBer et AICCRA (Accélérer les impacts de la recherche climatique pour l’Afrique), cette initiative vise à définir des stratégies d’adaptation au climat pour l’agriculture à travers l’outil AquaCrop. Cet instrument est un modèle desimulation de croissance des cultures développé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en vue de répondre aux problèmes de sécurité alimentaire et évaluer l’effet de l’environnement et de la gestion sur la production agricole.
En Afrique, les effets du changement climatique, combinés à l’accroissement démographique et à la compétition sur l’utilisation de l’eau entre l’agriculture, l’industrie et la consommation humaine, engendrent une crise sans précédent autour de cette importante ressource. Toutefois, ce modèle qui garantit la productivité de l’eau et des cultures est très peu présent dans les pratiques des producteurs agricoles en Afrique de l’ouest. « Les modèles de culture sont des outils de prise de décision très importants, mais qui sont sous-utilisés en Afrique, comparés à d’autres pays ou à d’autres continents», déplore Madina Diancounda, chercheuse post-doctorale au centre de recherche de Leibniz sur les paysages agricoles (ZALF, sigle allemand) en Allemagne.
Stress hydrique d’ici 2025 ?
Selon la FAO, les deux tiers de la population mondiale pourraient être exposés à un stress hydrique d’ici 2025. L’Agriculture, incontournable à la survie de l’humanité, pourrait être l’un des secteurs les plus affectés. C’est pour anticiper cette situation que l’agence onusienne a développé le modèle AquaCrop dans le but de répondre aux défis de la sécurité alimentaire et de la préservation de l’environnement pour maintenir une bonne production agricole.
« L’objet de ce genre d’atelier est de développer les capacités de nos partenaires et chercheurs dans la région à utiliser ces modèles, à les calibrer eux-mêmes, à les tester, et à les mettre à l’épreuve de la réalité du terrain pour voir dans quelle mesure, ils peuvent générer des solutions à plus faible coût. Cela nous permet également de voir dans quelle mesure ils doivent être interprétés pour éviter d’être utilisés de manière abusive », explique Pierre Sibiry Traoré, représentant au Sénégal de l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (Icrisat, sigle anglais).
Jusqu’au 10 décembre prochain, ces acteurs de développement africains seront ainsi formés sur la collecte et l’analyse des données climatiques, la simulation des rendements des cultures avecAquacrop, l’étude des effets du changement climatique avec ce même outil et le CLIMTAG, plateforme digitale pour la planification agro-climatique dans le cadre du changement climatique.
Pour Mme Diancounda, cette semaine de discussion va permettre de sensibiliser ces responsables sur l’importance de l’utilisation de ce modèle qui peut servir à limiter ou à diminuer les risques climatiques, à anticiper certains risques et à faire des prédictions. «Nous aurons des sessions théoriques et pratiques pour leur permettre de bien comprendre les modèles et de les utiliser. Nous nous assurons ainsi qu’ils pourront appliquer ces outils à leur travail quotidien », a indiqué la chercheuse du ZALF à l’origine de ce projet.
Un outil adapté au contexte ouest-africain
En tant qu’outil de simulation de la réponse du rendement de l’eau aux cultures herbacées, AquaCrop est bien adapté aux conditions climatiques dans lesquelles l’eau constitue un facteur limitatif pour la production agricole. Il allie équilibre, précision, simplicité et robustesse. Le modèle utilise un petit nombre de paramètres explicites et des données d’entrée principalement intuitives qui peuvent être déterminées à l’aide de méthodes simples.
« L’intérêt d’Aquacrop, réside dans sa simplicité et sa légèreté. Souvent, dans des environnements où les données sont rares, il ne sert à rien de développer un modèle extrêmement sophistiqué, car il nécessitera beaucoup de données. Vous ne pourrez pas l’alimenter correctement et vous lui fournirez des données de qualité douteuse. Par conséquent, les résultats qu’il produira seront également de qualité douteuse. C’est dans ce contexte qu’un modèle plus simple peut être plus intéressant, car il est moins gourmand en données. Il est capable de générer des résultats aussi robustes qu’un modèle compliqué, mais à un coût beaucoup moindre », souligne M. Traoré.
Open source, AquaCrop peut être utilisé sans frais. De plus, il est possible d’accéder au code source et de le redévelopper sur d’autres plateformes ou de l’insérer dans d’autres architectures. « C’est un modèle simple et gratuit qui présente un intérêt pour nos régions », précise le représentant de l’Icrisat au Sénégal où Dr Omonlola Nadine Worou, la coordinatrice scientifique locale d’AICCRA, a salué cet élan de collaboration entre les différents acteurs. Elle a profité de l’occasion pour inviter les parties prenantes à dupliquer les acquis de la formation dans leurs pays d’origine, au bénéfice des populations qui vivent le plus souvent de l’agriculture.
ARD/odl/te/APA