Avec le non renouvellement de l’Initiative céréalière de la mer Noire, plusieurs observateurs dans le monde laissent penser sans raison que l’Afrique est la principale bénéficiaire des céréales ukrainiennes.
En pleine guerre russo-ukrainienne, le président Vladimir Poutine a décidé d’exploiter l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes pour mieux se faire entendre par les pays occidentaux qui soutiennent Kiev. Moscou a décidé lundi 17 juillet d’interrompre l’Initiative céréalière de la mer Noire, conclue en juillet 2022 par les deux États belligérants après une médiation des Nations Unies et de la Turquie, pour pousser ses adversaires à accepter, entre autres conditions, une clause qui devrait faciliter également les exportations d’engrais et de produits agricoles russes.
L’accord pour l’exportation des céréales ukrainiennes a jusque-là permis à Kiev d’exporter 33 millions de tonnes de grains (blé, maïs, …) au reste du monde, et dans une moindre mesure vers l’Afrique. Il a pour objectif d’éviter une crise alimentaire mondiale en permettant les exportations des produits agricoles ukrainiens via la mer Noire en toute sécurité en dépit du conflit entre les deux anciens membres de l’Union soviétique.
Cette décision unilatérale du Kremlin suscite déjà beaucoup de réactions de la part de la communauté internationale et de plusieurs observateurs qui en appellent « à la bonne volonté du président russe, notamment vis-à-vis des pays africains qui dépendent des livraisons de céréales ukrainiennes ». D’autres voix telles que Christiane Hoffmann, porte-parole adjointe du gouvernement allemand, invitent pour leur part Moscou à « ne pas faire supporter les conséquences de ce conflit aux plus pauvres de la planète » qui se trouvent évidemment sur le continent africain.
L’Afrique derrière la Chine
Au même moment, la Chine, premier pays de destination de ces produits, a reçu 7,7 millions de tonnes, à savoir le double presque de ce qui est destiné au continent africain. De son côté, l’Union européenne (UE) « a récupéré 50% de l’offre céréalière ukrainienne depuis le début du conflit », précise pour Le Monde Olia Tayeb Cherif, responsable d’études à la Fondation Farm, cercle de réflexion autour des questions agricoles mondiales.
Par ailleurs, la distribution de ces céréales sur le continent connaît même des disparités entre les régions. L’Afrique du nord par exemple, avec ses 3,12 millions de tonnes, soit près de 79% du total des cargaisons destinés au continent, a été la principale bénéficiaire. A ce sujet, L’Egypte est le pays le mieux servi avec 1,5 million de tonnes de produits alimentaires reçus, faisant de lui le cinquième bénéficiaire au niveau mondial.
L’Afrique subsaharienne n’a reçu que 850.000 tonnes de produits céréaliers ukrainiens et cette part a été principalement absorbée par la partie orientale du continent. Cette situation s’explique par le fait que le Programme alimentaire mondial (PAM) met en œuvre plusieurs opérations d’aide en faveur des communautés menacées par la famine et la sécheresse dans la Corne de l’Afrique, précisément dans des pays tels que Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie et le Soudan.
Quel rôle pour l’Afrique ?
L’Afrique aura certainement son mot à dire pour tenter de faire revenir Moscou et ses adversaires ukrainiens et occidentaux à de meilleurs sentiments. En juin 2022, soit quatre mois après le début du conflit, la visite du président Macky Sall, alors patron de l’Union africaine (UA), auprès de Vladimir Poutine a été un des facteurs déterminants pour la libération des stocks de céréales bloqués en Ukraine.
Un an plus tard, le Sénégalais s’était de nouveau rendu en Russie avec des homologues africains cette fois pour mener une médiation dans le but de pousser Kiev et Moscou à amorcer des négociations pacifiques qui pourraient être bénéfiques au reste du monde, au plan alimentaire surtout. Même si cette médiation a été infructueuse, les autorités africaines ne démordent pas et vont de nouveau prendre langue avec Moscou lors du deuxième Sommet Russie-Afrique prévu à la fin de ce mois de juillet à Saint-Pétersbourg, dans le nord de la Russie.
ODL/ac/APA