S’adressant aux parties prenantes de la concertation annuelle sur la réponse aux crises alimentaires et nutritionnelles, le ministre sénégalais de l’Agriculture, Mabouba Diagne a invité les pays de la Cédéao à «agréger et rationaliser leurs moyens ».
La Cédéao « doit changer de méthode » pour réussir la politique de souveraineté alimentaire, selon le ministre sénégalais de l’Agriculture.
L’insécurité alimentaire est une réalité en Afrique de l’Ouest. Selon la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance alimentaire pourrait atteindre 50 millions entre juin et août 2024, dont 31,7 millions au Nigéria. Malgré la disponibilité de terres arables et des banques prêtes à financer des projets agricoles, la région continue de recourir aux aides extérieures pour lutter contre l’insécurité alimentaire, a déploré, mardi 16 juillet à Dakar, le ministre sénégalais de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage.
« La situation que traversent nos pays est une responsabilité qui nous incombe à nous tous. Dépendre de l’aide (alimentaire) est un signe de faillite » des pays ouest-africains, a dit spontanément Mabouba Diagne, écartant le discours que lui avaient préparé ses équipes techniques pour parler de « manière franche » aux parties prenantes de la concertation annuelle sur la réponse aux crises alimentaires et nutritionnelles en Afrique de l’Ouest, y compris la Mauritanie et le Tchad.
Organisée par la Cédéao, la réunion a été ouverte ce mardi à Dakar par la déclaration du ministre sénégalais loin du politiquement correct, soulignant que l’agriculture est un sujet qui le « passionne ». Il indique que la Cédéao « doit changer de méthode » en matière de souveraineté alimentaire, fustigeant le fait que son pays importe 1070 millions de dollars en denrées alimentaires contre 30 milliards de dollars pour le continent africain. « Importer autant de nourriture, c’est exporter des emplois », a souligné l’ancien vice-président de la Banque d’investissement et de développement de la Cédéao (BIDC).
Agréger les moyens
Pour lui, les pays africains doivent « agréger » et « rationaliser » leurs moyens (techniques, financiers, …) en vue de produire leurs propres besoins alimentaires et pour que « l’Afrique puisse nourrir l’Afrique ». « Avec 40 magasins de 5 000 tonnes, on n’aura plus besoin d’importer des fruits et légumes » au Sénégal par exemple, a-t-il illustré, notant que le « problème ce n’est pas l’argent, mais l’organisation ».
M. Diagne note que la Cédéao doit faire du financement du secteur agricole « une priorité », tout en s’appuyant sur le secteur privé local pour développer l’agriculture au niveau régional. Il donne l’exemple de l’ancien international malien de football, Seydou Keita, qui a ouvert dans son pays une société agroindustrielle de plusieurs milliards de francs CFA, contribuant à la lutte contre le chômage et l’insécurité alimentaire.
Le ministre de l’Agriculture ne manque pas de rappeler son expérience propre, en tant que chef d’une entreprise avicole qu’il a montée à son retour au Sénégal après avoir occupé de hautes fonctions à l’étranger. En l’espace de quatre ans, il arrive à produire « quatre millions de poulets » dans sa ferme.
Prenant la défense de la Cédéao, le directeur exécutif de l’Agence régionale pour l’agriculture et l’alimentation (Araa) précise que l’organisation régionale vient « en complément aux réponses que chaque pays » de la région met en œuvre contre l’insécurité alimentaire. C’est en ce sens qu’elle a mis en place, en 2012, la réserve régionale de sécurité alimentaire, un instrument qui permet de mobiliser des stocks alimentaires dans quatre régions du continent dont l’Afrique de l’Ouest. « Les pays en situation de besoin peuvent en faire la demande », a-t-il expliqué.
Un des partenaires techniques et financiers de la Cédéao, l’Agence française de développement (AFD) se dit « sensible » à la problématique de la sécurité nutritionnelle dans la région. Elle appelle à « renforcer la coordination avec l’ensemble des partenaires » pour relever le défi de la sécurité alimentaire.
Les travaux de cette concertation annuelle de la Cédéao, débutés ce lundi, se poursuivront pendant trois jours. L’objectif global est de réunir les acteurs nationaux en charge de la réponse aux crises alimentaires et la communauté humanitaire internationale pour évaluer l’état d’avancement des plans de réponses des pays et déterminer les actions à entreprendre pour améliorer et mieux coordonner l’assistance alimentaire et nutritionnelle aux populations en crise.
Les participants tireront les enseignements de la mise en œuvre de la réponse à la crise en 2023 avant de faire le point sur l’état de préparation et de mise en œuvre de la réponse à la crise 2024. La rencontre impliquera les dispositifs nationaux de gestion des crises humanitaires, les partenaires régionaux (Uemoa, Cilss), les partenaires de la Communauté humanitaire internationale, les acteurs régionaux (Organisations de producteurs et ONG) ainsi que les partenaires techniques et financiers à l’instar de l’AFD et la Banque mondiale.
ODL/Sf/ac/APA