Le Sénégal, comme à l’accoutumée, est cité avec insistance par une pelletée d’analystes footballistiques parmi les grandissimes favoris de la 32e édition de la Coupe d’Afrique des nations (du 21 juin au 19 juillet) au regard de la qualité de son effectif mais, chez quelques supporters, le doute subsiste.
A Yoff, le jour est peu à peu supplanté par la nuit. La circulation est hyper encombrée dans l’une des principales artères de cette commune de la capitale Dakar. Le vrombissement des moteurs de véhicules est assourdissant et les pots d’échappement crachent une fumée irritante.
Dans une échoppe de cette rue commerçante, un client sollicite le gérant pour le flocage d’un maillot de l’équipe nationale du Sénégal. Pendant ce temps, Mactar Tall, un habitué de l’endroit, se prélasse sur un canapé. Un ventilateur, accroché sur le toit, tourne à plein régime adoucissant la température en ce début de canicule.
Ce mordu de foot, en attendant l’entrée en lice du Sénégal à la Can, suit un match de l’Euro U21 opposant l’Allemagne à la Serbie. Mais le goût d’inachevé des dernières campagnes des Lions a plus ou moins plombé son moral.
« Cette année, je ne suis pas enthousiaste. A vrai dire, je suis un peu découragé à cause de nos échecs répétitifs. Ce qui m’a le plus fait mal, c’est notre élimination contre le Cameroun en quarts de finale de la précédente édition (0-0, TAB 4-5) », fulmine d’emblée Mactar.
Le Sénégal, qui a pris ses quartiers au Caire, est logé dans la poule C en compagnie de la Tanzanie, de l’Algérie et du Kenya. Persuadé que sa sélection « avait tout pour aller au bout » il y a deux ans au Gabon, ce quadragénaire ne veut point se faire des illusions au pays des Pharaons.
« Je ne connais même pas les 23 joueurs sélectionnés. Le Sénégal peut se qualifier pour le second tour mais à ce stade de la compétition, on ne peut plus éviter les cadors. Et notre problème, c’est la constance dans la performance », regrette-t-il.
Ibrahima Sidibé, portant un blouson rouge sang du Paris Saint-Germain, fréquente aussi cette boutique d’équipements sportifs, lieu d’âpres échanges entre footeux. D’un ton rassurant, ce jeune homme dit être « confiant car le Sénégal possède de bons joueurs à tous les postes. Il dispose de toutes les armes nécessaires pour soulever la coupe. Il faudra que l’équipe réponde présente sur les plans physique, tactique et surtout mental ».
Âgé de 26 ans, cet étudiant attend énormément de Sadio Mané qui porte sur ses épaules les espoirs de tout un peuple. « Il a réalisé une formidable saison sanctionnée par un sacre en Ligue européenne des Champions (face à Tottenham, 2-0). Il est donc temps que son immense talent permette enfin au Sénégal de triompher », souhaite-t-il.
Reconnaissant que l’attaquant de Liverpool (Premier League anglaise) est « le leader technique incontestable » de l’équipe nationale, Ibrahima pense qu’ « il ne doit pas effectuer le boulot tout seul. Ses coéquipiers ont aussi l’obligation d’apporter leur pierre à l’édifice ».
Pour sa part, Hubert Mbengue, le Directeur de publication de Record (quotidien d’informations sportives), juge que le statut de leader de l’équipe, c’est-à-dire celui qui tire ses coéquipiers vers le haut, « n’est pas en congruence avec la personnalité de Sadio Mané. Il n’a pas ce rôle dans son club où il se fond dans la masse ».
Toutefois, ce journaliste formé au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) se souvient de la victoire (2-1) du Sénégal en mars dernier dans une rencontre amicale contre le Mali disputée au stade Léopold Sédar Senghor de Dakar. Ce jour-là, l’enfant du village de Bambaly, dans le Sud du pays, a démontré une grande force de caractère.
« Le Sénégal était mené au score (0-1). A un quart d’heure de la fin du match, Sadio est entré. Il a marqué un but et délivré une passe décisive. C’est ce que le public sénégalais attend de lui. Aujourd’hui, il a véritablement franchi un palier. Il dégage une très grande confiance qu’il doit mettre au profit de l’équipe nationale », espère M. Mbengue.
Avec 22 buts en 35 matchs, Sadio Mané a terminé co-meilleur buteur du championnat anglais. Au summum de son art, le joueur formé à Génération Foot a remporté haut la main le Onze d’Or 2019 devant l’Argentin Lionel Messi (FC Barcelone) et le Français Kylian Mbappé (Paris Saint-Germain).
Le Sénégal a déjà participé à la Coupe d’Afrique des nations à 14 reprises pour un bilan de 52 matchs, 18 victoires, 14 nuls et 21 défaites. Jusque-là, la finale perdue en 2002 au Mali, défaite aux tirs au but 3-2 contre le Cameroun, demeure la meilleure performance des Lions.
Malgré tout, l’ancien Rédacteur en chef de Stades (quotidien d’informations sportives) considère que le Sénégal peut nourrir des ambitions. « Les Lions occupent la première place du ranking africain de la Fifa depuis cinq mois. Ce mois-ci, le Sénégal a eu son meilleur rang de l’histoire pour le classement mondial. Il a sur le papier l’une des meilleures équipes d’Afrique. Même si le sélectionneur national et certains responsables de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) refusent ce statut, je crois qu’ils doivent essayer de l’assumer », conseille Hubert Mbengue.
Néanmoins, « il faut relativiser parce que le Sénégal n’a jamais gagné la Can. De plus, le sacre du Cameroun lors de la précédente édition prouve que l’habitude de gagner est importante », analyse le Directeur de publication de Record.
En définitive, il précise que « le fait d’avoir de bons joueurs ne suffit pas pour remporter la Can. Il faut être de parfaits compétiteurs et le Sénégal doit forger son mental ». Quoi qu’il en soit, l’aventure des protégés du coach Aliou Cissé démarre ce dimanche à 17 heures GMT face à la Tanzanie.
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